D’après les fouilles archéologiques les plus récentes, l’ancienneté de la ville de Tabriz, située au nord-ouest de l’Iran dans la province de l’Azerbaïdjan de l’Est, remonte à 3500 ans av. J.-C. A la suite de fouilles réalisées en 1999 et 2000, 47 gravures datant du premier millénaire av. J.-C ont été découvertes sur une superficie de 2000 m2. On y a également découvert de nombreux objets en bronze, des céramiques, des bijoux… dont certains sont uniques en Iran. Les portes de l’ancien Tabriz font également partie de ce patrimoine historique. D’un point de vue géopolitique et stratégique, Tabriz a été historiquement située à la croisée de chemins internationaux. Ses quatre artères principales anciennes permettaient à des milliers de voyageurs de transiter facilement. ةtant donné sa situation géographique privilégiée, cette ville a attisé les convoitises de nombreux dirigeants. A la suite des guerres ayant entraîné la conversion à l’islam de la population de la ville, on décida de faire construire des murs et portes autour de la ville afin de la protéger contre d’éventuelles attaques futures.

La muraille de Tabriz fut construite et détruite à trois reprises. Au XIe siècle, sous le règne de la dynastie locale des Ravvâdiân, une muraille à dix portes fut d’abord construite autour de la ville. Elle fut cependant entièrement détruite par un séisme. ہ l’époque des Ilkhânides et durant le règne de Ghâzan Khân au XIVe siècle, la muraille fut reconstruite, cette fois avec neuf portes. Surnommée Bârou-ye Ghâzâni, elle avait une épaisseur de 64 pieds. Il en est de même pour les murailles Sharandâb et Beilânkouh entourant la ville. Il fallait alors presque trois jours pour faire le tour de la muraille à pied. Sur l’ordre de Ghâzân, cette dernière était gardée jour et nuit, et elle comportait des chambres pour les gardiens de nuit. Les fossés entourant la muraille rendaient impossible de s’approcher de la ville, et seul l’abaissement de pont-levis à l’aide de cordes donnait accès aux portes. A l’époque des Qâdjârs, suite aux attaques successives des Ottomans, les murailles ont été détruites à coup de canon. Par la suite, avec l’évolution des circonstances historiques puis avec l’arrivée de l’automobile, les murailles sont progressivement tombées en ruine et dans l’oubli.

Lions enchaînes et gravés constituant ce qui reste désormais de cette porte. Photo : Ilgar Diânati

Durant sa riche histoire, Tabriz a été au centre de plusieurs routes. La première, qui reliait la ville à Jolfâ, Erevan, Nakhitchevan, Tiflis, Bakou et la Russie, profitait de l’importance touristique autant que commerciale de la région. On raconte que les rois qâdjârs Nâssereddin et Mozafareddin Shâh empruntaient cette route pour voyager vers l’Europe. La seconde, qui permettait notamment d’atteindre Marand, Khoy, Bakou, la Turquie et Rome (Byzance), était la plus empruntée par les caravanes qui voyageaient de Tabriz vers l’Europe. Elle disposait d’importantes infrastructures et de nombreux relais, et a notamment été choisie par des voyageurs fameux comme Marco Polo. La troisième conduisait les voyageurs vers les villes arabes d’Arbil, Kirkuk et Bagdad, en passant par Miândoâb et Bukân. La dernière était la route de Rey-Tabriz, qui existe encore. Rey, qui est désormais au sud de la mégalopole téhéranaise, était alors la ville la plus importante de la région.

Plusieurs ouvrages historiques mentionnent l’existence de portes entourant la ville. Sont notamment évoquées les portes Khiâvân et Bâghmesha (situées à l’est), de Sorkhâb, Davajji et Istanbul (toutes trois situées au nord), Gajil (à l’Ouest), Qâlâ et enfin Nobar (au sud de Tabriz). Parmi toutes ces portes, il n’en reste malheureusement que deux, Khiâvân et Bâgmesha. Les portes de Gajil et d’Istanbul sont également l’objet d’une restauration. Toutes ces portes étaient généralement en bois, en fer ou constituées d’un assemblage des deux. Deux lions enchaînés gravés dans la pierre figuraient des deux côtés du haut des portes. Chacune d’elle comportait également un poème signé de Ghâzân Khân, ainsi que sa date de construction. Elles étaient de plus ornées de minarets turquoise particulièrement beaux.

Sculpture de la porte de Khiâvân. Photo : Sorayyâ Maleki

La Porte Bâghmesha : De nos jours, il ne reste plus que la moitié de cette porte, qui était aussi appelée Darb-e A’lâ. La porte Bâghmesha donnait sur la ruelle Harem, où les femmes de la cour vivaient. Grâce à cette porte, les femmes aristocrates pouvaient sortir de la ville sans être vues du peuple. De cette façon, elles traversaient les palais d’Ali Qâpou et du Shams-ol-’Emâreh. Il faut noter que Sheshgelân, le lieu où se trouvait cette porte, était le quartier des aristocrates. Y habitaient ainsi Amir-Kabir (le populaire ministre de l’époque qâdjâre), la famille du prince, les princesses, et un grand nombre de membres du gouvernement.

La Porte Khiâvân : Cette porte en fer est située au sein du bazar Rahli. Egalement surnommée Darb-e Rey, elle était le point de départ des caravanes se rendant à Miâneh, Bostanâbâd, Zanjân, Qazvin et enfin Rey, elle-même au carrefour de plusieurs routes importantes.

La Porte Gajil : Egalement surnommée porte de Sard ou d’Iraq, elle était empruntée par les voyageurs se rendant vers Sardroud et l’Iraq.

La Porte Istanbul : Cette porte était située dans la rue Melal-e Mottahed (ancienne rue Palestine). Les voyageurs se rendant à Istanbul la traversaient, ainsi que les marchands transportant des marchandises de l’Extrême-Orient vers l’Europe.

La Porte Davajji : Située au nord de Tabriz, elle permettait l’acheminement de nombreuses denrées vers la Russie. La plupart des résidents du quartier du nord de la ville où elle se trouvait possédaient des caravanes comprenant parfois jusqu’à plusieurs centaines de chameaux, et les marchandises y étaient chargées. Les chameliers faisaient essentiellement du commerce de tapis, de la soie et de fruits secs.

La Porte Sorkhâb : Autre point de départ des caravanes commerciales, la porte Sorkhâb était ouverte aux marchands de Karadag et Arasbârân qui transportaient du charbon, du blé, de l’orge et des fruits.

Restauration de la porte de Gajil. Photos : Nasnews

La Porte Nobar : Bien que cette porte ait été totalement détruite, son emplacement ancien reste reconnaissable. Comme Nobar comptait parmi les quartiers aisés de Tabriz, les meilleures productions des vergers de la région - baies, raisin et pommes - y étaient apportées pour être vendues au prix le plus élevé.

La Porte Qâlâ : La dernière porte était appelée Miar Miar ou Mahad Mahin. Cependant, selon les sources historiques, son vrai nom était Porte de Pierre ou Qâlâ Qâpissi. Elle se situait à proximité de la résidence des membres des consulats étrangers.

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Entretien avec M. Khamatchi, chercheur spécialiste de l’histoire de l’Azerbaïdjan et membre du conseil municipal de Tabriz

A quel moment les portes de Tabriz étaient-elles ouvertes et fermées ?

A cette époque, chaque matin et soir, on indiquait le moment de l’ouverture et de la fermeture en soufflant dans un clairon. La ville était assez petite pour que tous les gardiens en chef, qui étaient les responsables des portes, l’entendent.

Demandait-on aux gens qui entraient dans la ville de s’acquitter d’une sorte de péage ?

Oui, jusqu’en 1320 de l’Hégire (1902), il fallait payer un péage pour entrer dans la ville. Il était aussi nécessaire d’avoir un laissez-passer, sinon on pouvait être arrêté, battu ou condamné à une amende par la police.

Jusqu’à quand ces portes ont-elles existé ?

Elles existaient encore à l’époque pahlavi, mais à la suite du développement de la ville et les transformations urbaines, notamment la mise en place de grandes artères, la municipalité a commencé à en détruire certaines.

Quelle était l’apparence de ces portes ? Comportaient-elles des ornements ?

Elles comportaient des minarets ornés de carreaux bleus, ainsi que des petites chambres sur les côtés pour les gardiens. On peut encore distinguer deux lions en pierre aux pattes enchaînées sur la porte Khiâvân, ainsi que du marbre noir autour de la porte en bois.

Peut-on considérer que les murailles autour de la ville participaient à une stratégie d’urbanisation prenant en compte la défense militaire ?

Oui, bien sûr. En 714 av. J.-C., il fallut un an à Sargon II, le roi assyrien, pour prendre Tabriz. Ceci était dû au fait que la ville était entourée de forteresses, de murailles et de portes difficilement pénétrables.

Existait-il des passages ou des tunnels secrets dans les murailles pour entrer dans la ville ?

Pour sortir incognito de Tabriz, il existait un tunnel souterrain dans la ville qui reliait Rab’eh-Rashidi à l’Arc de Ali Shâh (Arg-e Ali Shâh). Il y avait également un tunnel au-dessous de Bâgh Shomâl qui rejoignait l’Arc.

Existe-t-il toujours ?

Oui, mais il est fermé au public.

Pour quelle raison la Porte de Gala est-elle appelée Mahad-Mahin ?

Ce mot est dérivé de Mahad-e Mahin, qui signifie "centre des hommes nobles".

Nous vous remercions de nous avoir accordé cet entretien.

Restauration de la porte Istanbul. Photo : Municipalité du huitième arrondissement de Tabriz.

Bibliographie :
- Esmâeli Sangari, Hossein ; Omrâni, Behrouz, Târikhtcheh va Me’mâri-ye Bâzâr-e Tabriz (Historique et architecture du bazar de Tabriz).
- Khamatchi, Behrouz, Tabriz az negâh-e jahângardân (Tabriz selon le regard des touristes).
- Karang, Abdolali, Asâr bâstâni-ye Azarbâijan (Les monuments historiques de l’Azerbaïdjan), tome 1.


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