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La mathématicienne iranienne
Maryam Mirzakhani
Lauréate de la médaille Fields 2014
Education en Iran : massification, démocratisation ou élitisme ?
Maryam Mirzakhani est née le 5 mai 1977 à Téhéran. Elle était élève au Lycée Farzanegan de Téhéran, qui dépend de l’« Organisation nationale pour le développement des talents exceptionnels ». Elle fut lauréate des « Olympiades internationales de mathématiques » en 1994 à Hong Kong et de celles de 1995 à Toronto, où elle établit un score parfait : 42 sur 42, et finit numéro un mondial. Mirzakhani obtint une licence en mathématiques en 1999 de l’Université de technologie Sharif à Téhéran, et un doctorat de mathématiques de Harvard en 2004 sous la direction du lauréat de la médaille Fields, Curtis McMullen. Elle a enseigné les mathématiques à l’Université de Princeton. En 2008, à 31 ans, elle a occupé le poste de professeur et chercheur en mathématiques à l’Université de Stanford en Californie. Mirzakhani est connue pour ses travaux en topologie et géométrie des surfaces de Riemann.
Le 12 août 2014 à Séoul, le « Congrès international des mathématiciens » [1] a décerné la médaille Fields à l’Iranienne Maryam Mirzakhani. La mathématicienne iranienne, 37 ans, est la première femme qui reçoit cette prestigieuse récompense mondiale pour la reconnaissance de travaux et de recherches en mathématiques. Le Congrès international des mathématiciens est organisé tous les quatre ans par l’« Union mathématique internationale » [2]. Le Congrès présente des conférences données par les meilleurs mathématiciens du monde, et remet plusieurs prix dont la Médaille Fields, souvent considérée comme l’équivalent du prix Nobel en mathématiques. Depuis 1936, cette médaille est attribuée tous les quatre ans à, au plus, quatre mathématiciens de moins de quarante ans qui reçoivent aussi un prix de 15 000 dollars canadiens. Artur Ávila (franco-brésilien), Manjul Bhargava (indo-canado-américain), Martin Hairer (autrichien) et Maryam Mirzakhani (iranienne) sont les quatre lauréats de 2014.
Les grands mathématiciens ne sont guère des personnalités médiatiques. En dépit de leur statut prestigieux dans l’univers des sciences, ils ne sont pas connus du grand public et leur réputation se limite souvent aux milieux académiques et universitaires. Mais cette année, l’attribution de cette récompense scientifique à une femme mathématicienne iranienne a médiatisé cet événement, non seulement en Iran mais aussi dans le monde. La presse iranienne et internationale a applaudi la jeune Iranienne et a admiré les travaux remarquables de cette dame qui excelle dans la profession des hommes : « Maryam Mirzakhani, Première dame des mathématiques », a titré Le Figaro. [3] Après 52 hommes honorés par la médaille Fields, de 1936 à 2010, cette Iranienne est la première mathématicienne qui la reçoit en 2014. « Maryam Mirzakhani reçoit la médaille Fields pour ses contributions exceptionnelles à la dynamique et la géométrie des surfaces de Riemann et de leurs espaces de modules » [4], lit-on dans la déclaration officielle du Congrès international des mathématiciens. La jeune lauréate a accueilli ce « grand honneur » avec une pensée pour ses consœurs : « C’est un grand honneur et je serai heureuse si cela encourage de jeunes femmes scientifiques et mathématiciennes. Je suis convaincue que de nombreuses autres femmes recevront ce type de récompense dans les années à venir » [5], a réagi Maryam Mirzakhani, dans un communiqué publié sur le site de l’Université de Stanford (Etats-Unis), où elle enseigne depuis 2008.
La presse et les milieux scientifiques iraniens et étrangers ont également mis l’accent sur l’importance de l’éducation de qualité que Mirzakhani a reçue en Iran. « Elle a bénéficié en Iran d’une éducation de grande qualité, en particulier grâce à des écoles spécialement destinées aux élèves doués » [6], écrit Etienne Ghys, directeur de recherche au CNRS à l’Ecole Normale supérieure de Lyon. La réussite de la jeune mathématicienne a été aussi l’occasion de faire connaître le dynamisme de l’enseignement des sciences en Iran. Avant de soutenir sa thèse à l’Université Harvard, la jeune prodige s’était distinguée déjà comme une scientifique prometteuse, formée dans un système d’éducation efficace : « Pur produit du système éducatif iranien » [7], c’est ainsi que Libération a décrit Mme Mirzakhani. Les travaux de Maryam Mirzakhani s’inscrivent dans le cadre d’une tradition scientifique iranienne : « Si la Perse a beaucoup apporté aux mathématiques, par exemple grâce au savant et poète Omar Khayyâm aux XIe et XIIe siècles, l’actuelle école iranienne de mathématiques est bien moins connue. Pourtant, Martin Hairer lui aussi lauréat de la médaille Fields en 2014 explique qu’il y a aujourd’hui de nombreux très bons mathématiciens de nationalité iranienne partout dans le monde. C’est bien en Iran que Maryam Mirzakhani a découvert les mathématiques. Repérée pour ses talents dès le collège, elle suit sa scolarité au Lycée Farzanegan de Téhéran, établissement pour filles douées. Après deux médailles d’or remportées aux Olympiades internationales de mathématiques, elle intègre l’Université de technologie Sharif à Téhéran, puis, licence de mathématiques en poche, elle part pour le département de mathématiques de l’Université Harvard. » [8]
Aujourd’hui, Maryam Mirzakhani est primée d’un « Nobel de mathématiques », mais dans un entretien accordé en 2008 au Clay Mathematics Institut, elle révélait que rien ne semblait la prédestiner aux mathématiques. « Quand j’étais enfant, je rêvais de devenir écrivain et mon passe-temps favori était de lire des romans… En fait, je n’ai jamais imaginé me lancer dans les maths avant ma dernière année de lycée. » [9] Dans cette interview, elle explique que la première fois que les mathématiques l’avait éblouie c’était quand son frère aîné lui posa un problème très simple qui pouvait pourtant devenir un casse-tête si on ne connaissait pas la solution : additionner les nombres de 1 à 100. Puis, son frère lui a parlé de la solution de Carl Friedrich Gausse, qui est devenue aujourd’hui un classique pour tous les collégiens du monde. « La solution était fascinante et c’était la première fois que j’entrevoyais une solution aussi belle que je n’aurai pas pu trouver moi-même. » [10]
Aujourd’hui, les travaux et les recherches mathématiques de Maryam Mirzakhani sont jugés d’une « créativité exceptionnelle » par ses collègues à l’université américaine de Princeton, où elle a enseigné avant de rejoindre Stanford. Elle s’est spécialisée dans la compréhension de la symétrie des surfaces incurvées, et son travail relève des mathématiques pures, où sont manipulés des concepts abstraits sans application concrète immédiatement perceptible. Ses découvertes pourraient néanmoins aider à faire avancer la physique fondamentale, appliquée à la formation de l’univers, à la théorie quantique des champs, ou à l’étude des nombres premiers.
Ses travaux se situent dans les domaines de la géométrie hyperbolique et la topologie. Certaines surfaces hyperboliques sont de forme irrégulière, comme des bagels. Un bagel ou une bouée sans valve déformée à l’infini permet de reproduire des formes infiniment complexes qui préoccupent les mathématiciens depuis des années. Mirzakhani a trouvé une nouvelle méthode qui consiste à élaborer une série de boucles sur la surface des formes pour calculer leurs longueurs. Peu d’applications pratiques existent à ce jour pour ses recherches, mais si l’univers se révèle être régi par la géométrie hyperbolique, son travail aiderait à définir sa forme et son volume.
La déclaration officielle de l’Union mathématique internationale à l’occasion de la remise de la médaille Fields à Mme Maryam Mirzakhani, précise : « Maryam Mirzakhani a apporté des contributions frappantes et très originales à la géométrie et à l’étude des systèmes dynamiques. Son travail sur les surfaces de Riemann et sur les espaces de modules met en relation plusieurs disciplines mathématiques - la géométrie hyperbolique, l’analyse complexe, la topologie, et la dynamique - et les influence à son tour. Elle a bénéficié d’une vaste reconnaissance pour ses premiers résultats en géométrie hyperbolique, et son travail le plus récent constitue une avancée majeure dans l’étude des systèmes dynamiques. » [11]
La première école primaire moderne de l’Iran fut fondée vers 1888 à Tabriz par Mirzâ Hassan Roshdieh (1851-1944). L’école Roshdieh de Tabriz fut créée après la fondation de la première Université moderne de l’Iran (Dar ol-Fonoûn) en 1851. Ces deux événements témoignaient du début d’un mouvement de modernisation pour instituer un système éducatif qui avait l’ambition de devenir « national ». Mais ces deux événements représentaient, en quelque sorte, deux courants d’idée différents : tandis que le Dar ol-Fonoûn voulait former une « élite scientifique », l’école Roshdiyeh et les autres premières écoles modernes du pays - primaires ou secondaires - suivaient une logique à la fois différente et complémentaire : la massification et la démocratisation de l’éducation pour tous.
Aujourd’hui encore, le système de l’éducation nationale, tant au niveau scolaire qu’à l’enseignement supérieur, semble se fonder idéologiquement sur l’idée de la massification de l’éducation. Cette tendance a d’ailleurs été accentuée après la victoire de la Révolution islamique de 1979. Cependant, il y a quatre décennies, un organisme a été fondé en Iran pour se charger d’un enseignement spécialisé pour les collégiens et les lycéens surdoués. Fondé en 1976, le « Centre de l’éducation des surdoués » était responsable de deux établissements scolaires pour filles et garçons, indépendamment du ministère de l’Education nationale. En 1987, ce centre a été rattaché à l’Education nationale, et est devenu l’« Organisation nationale pour le développement des talents exceptionnels ». Cette organisation supervise aujourd’hui les activités de plusieurs collèges et de lycées de filles et de garçons à Téhéran et dans plusieurs provinces. En organisant des concours nationaux, cette organisation réalise une sélection intense des candidats et repère les élèves qu’il juge particulièrement doués pour recevoir une éducation scolaire plus poussée que dans la filière classique.
Maryam Mirzakhani a été élève au Lycée Farzanegan de Téhéran, qui dépend de l’« Organisation nationale pour le développement des talents exceptionnels ». Mais il ne faut pas croire que ce système élitiste soit le seul moyen favorisant un bon niveau d’éducation pour les filles, d’autant plus que le nombre d’élèves - filles et garçons - qui étudient dans les établissements de cette organisation est restreint. En effet, c’est surtout dans le système scolaire classique que les filles brillent : contrairement aux idées reçues dans les pays occidentaux, « en Iran, les femmes sont bien plus présentes que les hommes à l’université. Le nombre de femmes admises est passé de 40% à plus de 59,9% durant la dernière décennie, alors que le nombre d’élèves (féminins et masculins) est resté le même. Le taux d’obtention de diplômes universitaires, dans deux ou trois ans, sera de plus de 70% pour les femmes. » [12] Dans une interview en 2008, un journaliste américain avait demandé à Maryam Mirzakhani de décrire les différences qui existaient entre l’enseignement des mathématiques en Iran et aux Etats-Unis. La mathématicienne avait répondu : « Il est difficile pour moi de répondre à cette question car je n’ai étudié que dans quelques universités américaines, et je ne connais que très peu le système éducatif dans les lycées des Etats-Unis. Cependant, je tiens à vous dire que le système éducatif de l’Iran est très différent de ce que les gens s’imaginent ici. Quand j’étudiais au niveau du master et du doctorat à l’Université Harvard, j’avais toujours à expliquer aux gens qu’en tant que femme j’avais bien le droit et la possibilité d’étudier à l’université. Il est vrai que les filles et les garçons vont séparément aux écoles de filles et de garçons, mais il n’y a aucune distinction en ce qui concerne les cours et les filles ne sont aucunement privées des moyens qui sont partagés selon les règles de la parité. » [13]
En Iran, comme dans d’autres pays du monde, il y a un débat ancien sur l’élitisme éducatif. Mais il faut souligner que dans les pays développés et dans les pays en voie de développement, ce débat s’organise autour de préoccupations différentes. L’élitisme scolaire est souvent jugé être responsable d’une reproduction des inégalités, car il tend à favoriser l’accession des individus jugés comme étant les meilleurs aux postes élevés. Mais pour nuancer ce problème, les défenseurs de l’éducation élitiste disent que ce système ne doit pas être assimilé machinalement au favoritisme, parce que les concours d’entrée des établissements scolaires élitistes pourraient fonctionner comme un élément favorisant la justice et le mérite. Les détracteurs de ce système pour l’éducation d’une élite scientifique croient aussi qu’en matière éducative, l’élitisme réfute l’argument égalitaire selon lequel on pourrait réussir sans avoir obtenu de très hauts diplômes. Dans les pays en voie de développement, les experts opposés au système d’éducation élitiste se fondent surtout sur la question de la « fuite des cerveaux » en estimant qu’un organisme chargé de l’éducation pour les élèves surdoués peut devenir en quelque sorte l’agent des grandes universités des quelques pays les plus développés, pépinières de talents. L’argument est tout à fait légitime, mais il faut se rappeler que ces mêmes pays en voie de développement ont besoin de former leur élite scientifique et ils ne peuvent peut-être pas abandonner un système scolaire et universitaire plus ou moins élitiste, en marge de leur système classique,
afin de pouvoir accélérer ce processus.
Grâce à Gauss, nous avons appris à additionner plus facilement beaucoup de chiffres qui se suivent…
Le petit Johann Carl Friedrich Gauss (1777-1855) avait environ 7 ans quand il fut puni par son maître à l’école. Celui-ci lui donna pour punition une addition : Gauss devait faire la somme des nombres de 1 à 100.
1+2+3+…+99+100= ?
Mais Gauss eut l’idée géniale de les écrire dans l’ordre décroissant :
100+99+...+3+2+1= ?
Le petit surdoué se rendit compte que si on additionnait les « opposés » des première et deuxième lignes, on trouvait toujours 101.
100+1=101 , 99+2=101 , 98+3=101 … 51+50=101
Nous avons donc 100 fois 101. Mais il y en a 2 fois trop, car nous n’avons pratiquement pas 100 aditions mais 50 ; ce qui nous donne :
100101 / 2=5050
En règle générale, avec « n » le nombre de termes de l’opération, on a :
n(n + 1) / 2
Une solution est une opération mentale qui, en substituant une pluralité analysable à un ensemble complexe d’éléments entremêlés, parvient à surmonter une difficulté, à résoudre une question, un problème théorique ou pratique.
(Le Petit Robert)
[1] International Congress of Mathematicians (ICM)
[2] International Mathematical Union (IMU)
[3] Freour, Pauline : Maryam Mirzakhani, Première dame des mathématiques, in : Le Figaro, 13 août 2014.
[4] Ghys, Etienne : Maryam Mirzakhani, médaille Fields 2014, CNRS, in : www.images.math.cnrs.fr
[5] Carey, Bjorn : Stanford’s Maryam Mirzakhani wins Fields Medal, in : www.news.stanford.edu, 12 août 2014.
[6] Ghys, Etienne : op.cit.
[7] Maryam Mirzakhani, Première femme à décrocher la médaille Fields, in : Libération, 12 août 2014.
[8] Pajot, Philippe : Grâce à l’Iranienne Maryam Mirzakhani, la médaille Fields se féminise, in : www.larecherche.fr, 13 août 2014.
[9] Maryam Mirzakhani : « The more I spent time on maths, the more excited I got », Interview in : www.claymath.org
[10] Ibid.
[11] Union mathématique internationale, The Work of Maryam Mirzakhani, in : www.mathunion.org
[12] Libération, op.cit.
[13] Claymath, op.cit.