N° 159, février 2019

Mohsen Moghaddam (1900-1988)
Professeur d’université, peintre, archéologue et collectionneur 


Arash Khalili


Mohsen Moghaddam participa aux fouilles archéologiques à Deylaman (province du Guilân).

Mohsen Moghaddam naquit en 1900 à Téhéran. Son père Mohammad Taghi Moghaddam, alias Ehtessâb-ol-Molk, était au service de trois monarques de la dynastie des Qâdjârs. Il fut chef du protocole à la cour de Nâssereddin Shâh (1848-1896), puis ambassadeur d’Iran en Suisse.

Mohsen entra à l’école allemande de Téhéran à l’âge de sept ans avec son frère Hassan, de deux ans son aîné. Lorsque son père obtint le poste d’ambassadeur d’Iran en Suisse sous le règne d’Ahmad Shâh, dernier roi de la dynastie des Qâdjârs, il y emmena son fils aîné Hassan avec lui, mais Mohsen resta à Téhéran et poursuivit ses études à l’école Tarbiyat. Cinq ans plus tard, Ehtessab-ol-Molk décida d’envoyer Mohsen accompagner son frère aîné Hassan en Suisse. Les deux frères étudièrent au Collège classique cantonal de Lausanne. Depuis son enfance, Mohsen éprouvait un grand intérêt pour la peinture, et son frère Hassan fut le seul à l’encourager plus tard à étudier la peinture en Suisse. En 1916, deux ans après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, les deux frères rentrèrent en Iran.

Mohsen Moghaddam s’inspira des motifs décoratifs du palais Tâgh-e Kasrâ à Ctésiphon (Irak) pour créer le logo de l’Université de Téhéran.

Dès leur retour, ils reprirent leurs études à Dâr-ol-Fonoun [1], premier établissement universitaire moderne de l’Iran. En même temps, Mohsen assistait aux cours de peinture du grand artiste iranien de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, Kamâl-ol-Molk [2], à l’École des Beaux-Arts de Téhéran que Kamâl-ol-Molk avait lui-même fondée en 1911. 

Moghaddam à Pasargades, à l’époque où il était inspecteur technique du ministère des Sciences et responsable de la supervision des activités archéologiques.

Après la fin de la guerre en Europe, le jeune Mohsen souhaita regagner l’Europe pour continuer ses études de peinture, mais son père s’y opposa. Finalement, il se rendit en Italie sans son autorisation. Il arriva à Florence en 1919, alors qu’il n’avait que 19 ans. Il y étudia trois ans, puis vécut pendant près de dix-huit mois en Allemagne, avant de s’installer à Paris où il se mit à étudier l’archéologie à la Sorbonne.

Mohsen Moghaddam (assis) accompagne l’archéologue français Roland de Mecquenem lors de fouilles à Suse et à Choga Zanbil.

Son frère Hassan Moghaddam mourut très jeune en Suisse en 1925 et son père décéda deux ans plus tard à Paris en 1927. Hassan Moghadam fut l’un des pionniers de la dramaturgie moderne de l’Iran dont l’œuvre la plus célèbre Ja’far Khân revient d’Europe (1921) occupe une place importante dans l’histoire du théâtre iranien de la première moitié du XXe siècle.

Après la mort de son père, Mohsen Moghaddam rentra en Iran et resta à Téhéran pendant deux ans. Pendant cette période, il fut plutôt peintre qu’archéologue. À cette époque-là, en l’absence d’enseignement académique des arts au niveau universitaire, l’École des Beaux-Arts de Kamâl-ol-Molk était considéré comme l’établissement le plus prestigieux de l’enseignement de la peinture et des arts picturaux de la capitale iranienne. Pendant deux ans (1928-1929), Mohsen Moghaddam enseigna l’histoire de l’art au sein de cette école dont il était lui-même ancien diplômé. Son rêve était de voir la création d’une faculté des Beaux-Arts au sein de l’Université de Téhéran. En 1929, Mohsen Moghaddam rentra à Paris et y poursuivit ses études pendant six ans.

Mohammad Taghi Moghaddam portant les habits officiels de la cour.

À l’aide de l’ambassade d’Iran en France, il fonda à Paris l’Association des études iraniennes. Là, il fit connaissance d’une jeune Française d’origine bulgaro-arménienne, Selma Kuyumjian. Cette dernière fut pendant quatre ans l’une des trois secrétaires de l’Association des études iraniennes. Ils étudiaient tous deux l’archéologique à l’École du Louvre et à l’Institut d’art et d’archéologie (Centre Michelet) de la Sorbonne. Ils se marièrent en 1936 à Paris.

Un an plus tôt, Mohsen Moghaddam avait reçu une lettre du ministère iranien des Sciences qui lui demandait de revenir en Iran après la fin de ses études en archéologie. Après son mariage, le jeune couple rentra en Iran. Mohsen Moghaddam était alors le premier Iranien ayant suivi des études universitaires modernes en archéologie.

Mohsen Moghaddam portant la robe de cérémonie de professeur d’Université qu’il a créée lui-même.

Dès son retour en Iran, il obtint un poste de professeur en histoire de l’art à l’Université de Téhéran. En tant qu’archéologue, il devait travailler en coordination avec l’archéologue et architecte français André Godard (1881-1965), qui occupait alors le poste de directeur des Services archéologiques d’Iran depuis 1928. Ce dernier venait aussi d’être nommé directeur du Musée national d’Iran fraîchement fondé en 1937, dont il avait été lui-même l’architecte. Moghaddam commença à enseigner également au département d’archéologie de l’Université de Téhéran.

Dès octobre 1936, Mohsen et Selmâ Moghaddam furent nommés inspecteurs techniques du ministère des Sciences pour superviser les activités des missions archéologiques françaises en Iran. Cette période fut aussi marquée par les relations assez compliquées, au début, entre Mohsen Moghaddam et André Godard.

Mohsen Moghaddam (premier à droite) en compagnie des professeurs de l’Université de Téhéran.

En 1937, Mohsen Moghaddam et son épouse partirent pour la province du Khouzestân en vue de superviser les activités de la mission française dirigée par Roland de Mecquenem (1877-1957) à Suse et à Chogha Zanbil. Le rapport que Mohsen Moghaddam remit au ministère des Sciences au sujet des irrégularités des activités des archéologues français fut à l’origine de la décision, un an plus tard, de l’Assemblée nationale d’Iran d’annuler la concession de fouilles archéologiques à la France datant de 1900.

Une partie de la collection de poterie de Mohsen Moghadam avant la transformation de sa maison en musée.

Parallèlement à ses activités archéologiques, Mohsen Moghaddam participa aussi à la fondation de la faculté des Beaux-Arts de l’Université de Téhéran où il enseigna pendant trente ans. Il créa le logo de l’Université de Téhéran en s’inspirant d’un motif décoratif du palais sassanide de Ctésiphon, et la robe de cérémonie des professeurs de cette université. 

Mohsen Moghaddam guide le président Charles de Gaulle lors de sa visite au Musée national d’Iran (Téhéran) en 1963. Un an plus tard, Moghaddam fut le premier Iranien à devenir Officier de la Légion d’honneur.

Mohsen Moghaddam, le collectionneur

 

Dès son retour de France avec son épouse, Mohsen Moghadam s’installa dans la maison paternelle au centre historique de Téhéran. Cette maison ancienne reste aujourd’hui l’une des plus belles maisons de Téhéran datant de la période qâdjâre. Pendant de longues années, Moghaddam a collectionné avec passion des objets antiques et des créations artistiques.

Moghaddam collectionnait des objets historiques et antiques de grande valeur qu’il achetait aux antiquaires ou aux particuliers : tissus, céramiques, poteries, verreries, pièces de monnaie, manuscrits, tablettes d’argile, sceaux, objets métalliques, peintures et miniatures, objets en bois ou en pierre, médailles… Moghaddam commença à collectionner des objets historiques dès l’âge de 12 ans quand il se mit à s’intéresser aux timbres postaux. 

En 1972, il légua sa maison ainsi que l’ensemble de ses collections à l’Université de Téhéran. Mohsen Moghaddam s’éteignit en 1987 à l’âge de 88 ans. Après la mort de sa femme Selma trois ans plus tard, l’Université de Téhéran décida, en tant que légataire universel, de transformer la maison en musée pour exposer ses collections. Cette université inaugura le Musée Moghaddam [3] en 2009.

La maison de Mohsen Moghaddam à Téhéran.

    Notes

    [1Rafi’, Hassan Rezâ, « Dâr-ol-Fonoun, l’école fondée par Amir Kabir le sage », traduit par Devolver, Maryam, in : La Revue de Téhéran, n° 11, octobre 2006, pp. 4-11. Accessible à : http://www.teheran.ir/spip.php?article481#gsc.tab=0

    [2Bombardier, Alice, « Kamâl-ol-Molk dans l’imaginaire des Iraniens. L’aura du dernier peintre de Cour », in : La Revue de Téhéran, n° 80, juillet 2012, pp. 36-43. Accessible à : http://www.teheran.ir/spip.php?article1605#gsc.tab=0

    [3Mirdâmâdi, Sara, « Le musée Moghaddam à Téhéran », in : La Revue de Téhéran, n° 91, juin 2013, pp. 77-78. Accessible à : http://www.teheran.ir/spip.php?article1741#gsc.tab=0


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