N° 31, juin 2008

L’art contemporain en Iran : état des lieux et perspectives


Alice Bombardier


Sous Rezâ Shâh Pahlavi (1925-1941), l’art contemporain iranien, - c’est-à-dire ces pratiques artistiques inspirées des arts européens (la photographie, le cinéma, la peinture académique de Kamâl ol Molk…) et introduites en Iran fin XIXème-début XXème siècle - représentait essentiellement un moyen de rapprochement avec l’Europe et d’accession à la modernité. C’était un simple instrument au service du développement du pays, dont la valeur propre était minime. Or aujourd’hui, il est frappant de constater combien l’art contemporain iranien, aux multiples visages, a acquis une certaine aura à l’intérieur du pays comme à l’étranger. Devenu prestigieux, entouré de mystère, il suscite le plus souvent l’admiration, voire de la fascination. En témoigne la multiplication des carrières artistiques dans le pays, mais aussi l’engagement d’Alexandros Georgiou, peintre et photographe grec qui, après un court séjour en Iran, a décidé d’organiser à Athènes une exposition dédiée exclusivement à l’art actuel de Téhéran (de mai à juillet 2008)*.

Comme l’exprime Mohammad Rezâ Fayyâz dans son article sur la musique iranienne*, l’idée de décadence, de stagnation de l’art en Iran ne serait qu’un cliché car il semble bien que le pays ait entamé une des phases les plus riches de son histoire artistique. En effet, maintes innovations sont repérables sur la scène artistique iranienne, tel le renouveau de la peinture sous-verre*, les débuts de la peinture de rue* ou l’épanouissement du film documentaire-d’animation*. Des synthèses originales ont également vu le jour, à l’exemple des compositions du groupe Nour, qui mêlent musique médiévale européenne et musique persane*.

Courants et techniques artistiques venus d’ailleurs sont désormais ancrés dans la culture locale, prépondérante - parfois obsédante dans le cas de l’Ecole Hazara*. Comme le remarquent Assal Bâgheri et Liliane Anjo, une grammaire de signes et de symboles proprement iraniens est même apparue au sein du théâtre et du cinéma*.

Cette créativité et cette soif d’innovation sont concomitantes d’un mouvement de sauvegarde de la culture nationale. Archiver le cinéma de guerre*, sauver de l’oubli la technique de la peinture sous-verre*, photographier des tombes*, redonner de l’importance à la dynastie Qâdjâre, recourir au symbole millénaire du lion et du soleil*, sont autant de tributs à la mémoire, qui ne doit pas être éclipsée par un trop-plein de contemporanéité.

Actuellement, les deux mots d’ordre de la scène artistique iranienne sont l’échange et l’ouverture. Grâce à l’art, l’Iran s’ouvre au monde et tente d’apprivoiser la modernité. Dans ce Cahier spécial de la Revue de Téhéran, nous aspirons à donner un aperçu du travail artistique effectué en Iran dans des domaines variés (peinture, théâtre, musique, cinéma et photographie) afin de mieux comprendre ce qui exalte aujourd’hui la société iranienne.


Les * renvoient à des articles publiés dans le Cahier du mois.


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