N° 31, juin 2008

La musique actuelle en Iran : divergence entre l’être et le paraître


Mohammad-Rezâ Fayyâz
Traduit par

Babak Ershadi


Étudier la situation actuelle de la musique en Iran a son importance. L’art musical en Iran mérite d’autant plus l’attention qu’il est aujourd’hui agité en profondeur. La croissance et la diversité des activités et créations musicales, et les efforts manifestés pour dialoguer, malgré les difficultés socio-historiques, par les différentes générations iraniennes, tout cela est la preuve d’un intérêt croissant porté à la musique en Iran. Grâce aux possibilités de communication, les Iraniens ont l’intention d’instaurer des relations acceptables entre leur propre passé et l’actualité mondiale.

L’étude des représentations portant sur la situation actuelle de la musique en Iran, dans l’esprit iranien d’aujourd’hui, nous paraît, à maints égards, digne d’intérêt.

L’écart, très complexe, existant en Iran entre la réalité et les représentations en matière musicale doit être envisagé de façon nuancée. Cet essai aspire à mettre en avant la divergence qui oppose l’être et le paraître dans la musique iranienne contemporaine. S’appuyant sur l’œuvre de Jean-Paul Sartre, nous distinguerions, au sein de cette dernière, deux attitudes différentes : "la création pour soi" et "la création pour autrui". Il ne faut pas considérer "autrui" comme quelqu’un en particulier. C’est plutôt la société dans son ensemble qui est dans ce cas visée par la musique.

L’évaluation d’ensemble de ce processus se heurte toutefois, pour diverses raisons, à des difficultés. Il est important de remarquer que "la création pour autrui", limitée par le pouvoir, influence "la création pour soi" et prend alors une troisième tournure, puissante, "la création en soi". Le problème n’est pas seulement que représentation et réalité sont en rupture mais il réside également dans la terrible capacité de falsification de la représentation mentale.

Un cliché très répandu dans certaines parties de la société iranienne est que, malgré des recherches étendues dans des domaines variés comme la littérature, les arts plastiques et surtout le cinéma, la musique en Iran connaît une phase de stagnation. Elle est parvenue dans une impasse et est devenue incapable de s’adapter aux conditions de vie actuelles.

Dans la logique de cette supposition inacceptable, "l’âge d’or" de la musique iranienne est soit fixé dans le passé, il y a quelques décennies ou quelques siècles, soit dans un vague futur. Ne retrouvons-nous pas ici deux archétypes opposés mais inhérents à la culture iranienne - la nostalgie et l’attente ?

Afin d’orienter notre essai de façon concrète, nous allons d’abord commencer par présenter les réalités de la "musique pour soi". La musique iranienne actuelle se divise en trois groupes :

1. La musique classique iranienne, les musiques régionales, les musiques du temps de la modernité, les différents styles populaires,… bref, tous les genres qui ont, de près ou de loin, un lien avec la culture iranienne.

2. Les créations influencées par la musique classique européenne. L’usage d’un certain nombre de caractères musicaux iraniens demeure, ainsi que différentes structures musicales spécifiquement iraniennes, mais les tonalités changent.

3. Des courants directement affectés par la musique occidentale, après 1950, combinant différents styles, comme le new age, le jazz, le rock, le blues ou même le flamenco et la musique d’Amérique latine.

Amir Hossein Ebnoddin, dessin au goudron

L’organisation interne de chaque groupe est structurée par des établissements d’enregistrement, des revues, des publications, des groupes de discussion… de telle sorte qu’il est possible de connaître l’ensemble des représentants de son style musical. Les contacts entre styles différents sont rares : un fan de musique moderne européenne n’est par exemple pas toujours au courant de ce qui se passe dans les milieux de la musique classique iranienne et un adepte de ce dernier style n’a peut-être pas été informé de la tenue d’un grand festival de flamenco la semaine précédente. Il nous apparaît donc que les différents courants de la musique iranienne fonctionnent avec sectarisme, ne dévoilant leur identité qu’à leurs membres, qui n’entretiennent que très peu de contacts avec les protagonistes des autres tendances. Pourtant, à l’intérieur de chaque groupe, il existe une véritable vitalité, qui nous paraît correspondre à une des époques les plus animées dans l’histoire récente de la musique iranienne.

Le mouvement musical se caractérise, à première vue, par un progrès quantitatif. Le musicologue américain, Bruno Nathel qui est l’auteur de plusieurs essais et articles sur la musique classique iranienne, avait écrit en 1978 : "La musique classique iranienne ne concerne qu’un nombre restreint de compositeurs et de musiciens, entre cent et deux cents personnes". Mais aujourd’hui, il y a des milliers de personnes à Téhéran et dans les grandes villes du pays qui forment des amateurs de musique classique. Il existe également des professeurs de musique classique, qui, rien qu’à Téhéran, forment chacun entre cent et deux cents élèves !

Pour de multiples raisons, à la fois sociales et culturelles, la musique traditionnelle iranienne a ainsi connu un essor sans précédent, de sorte que la réduction relative du nombre de ses amateurs observée depuis une dizaine d’années n’a pas altéré son enracinement dans la société iranienne. Quant à la musique classique occidentale, le nombre de ses adeptes a également enregistré une nette croissance depuis une décennie. Le célèbre compositeur Shâhin Farhat n’exagère peut-être pas trop lorsqu’il dit que les amateurs de la musique classique occidentale sont plus nombreux en Iran que dans certains pays d’Europe.

Nasser Nazar, directeur d’un grand institut d’enseignement musical à Téhéran, rapporte que plus d’un millier d’enfants et d’adolescents sont formés dans son école et apprennent à jouer des instruments occidentaux. Son école de musique a déjà rassemblé huit orchestres de différents niveaux, spécialisés dans la musique occidentale, qui ont donné plus de 50 concerts en 2007, avec 150 spectateurs en moyenne. Or, l’école de Nasser Nazar ne représente qu’un établissement parmi des dizaines d’autres, actifs dans le domaine privé et assurant surtout l’enseignement de la musique classique occidentale.

En ce qui concerne les courants et groupes musicaux iraniens directement influencés par la musique occidentale moderne, il faut préciser qu’il est difficile d’en présenter des données statistiques précises, en raison de sa tendance à la clandestinité. Cependant, la présence affirmée de ces courants dans le domaine privé ou sur internet témoigne de son potentiel important et de son développement croissant.

Faute d’une analyse détaillée de la qualité musicale des œuvres produites ces dernières années par chacun des trois grands courants musicaux existant de nos jours en Iran, mentionnés précédemment, il est nécessaire de mettre ici l’accent sur deux évolutions importantes :

- La revalorisation de la notion de "technique" : une importance plus grande lui est conférée dans la présentation, la pensée et l’organisation de l’œuvre musicale. Les trois courants convergent sur ce point.

- La diversité et la profondeur des recherches en matière musicale : de nouveaux procédés créatifs apparaissent au sein de chacun des trois grands courants cités. L’état d’esprit iranien -c’est-à-dire l’ensemble des croyances et habitudes d’esprit qui informent et commandent la pensée d’une collectivité, et qui sont communes à chaque membre de cette collectivité- est actuellement en quête de contemporanéité.

La vie musicale convergeait autrefois vers les mêmes centres d’intérêt. Mais la musique actuelle exprime visiblement un désir de changement : la diversité des goûts et des points de vue est aujourd’hui exacerbée. Ainsi le premier courant réunit des tendances multiples, voire divergentes. Il englobe les défenseurs d’un traditionalisme conservateur et conformiste mais aussi les partisans d’un renouveau musical, fondé sur l’histoire de la musique iranienne (ou d’une région particulière), ou sur l’adaptation prudente d’emprunts étrangers.

Le deuxième courant, celui de la musique classique occidentale, embrasse, lui aussi, des tendances très diversifiées, du classicisme de Haydn [1] au minimalisme. [2]

Amir Hossein Ebnoddin, peintre

Et dans le troisième courant, nous constatons que les combinaisons sont encore plus sophistiquées, alliant par exemple la musique espagnole du XIIIe siècle à la musique du Kurdistan ou adaptant la musique traditionnelle iranienne au rock, musique populaire d’origine américaine, issue du jazz.

La tenue de 50 concerts (officiels) dans un laps de temps très court, à l’été 2007, à Téhéran avec plus de 80 000 spectateurs et un chiffre d’affaires de 2,1 millions de dollars est une preuve supplémentaire du dynamisme qui caractérise aujourd’hui la vie musicale en Iran.

Ce dynamisme est à constater également dans le domaine des recherches théoriques et intellectuelles. Il y a quinze ans très peu d’articles sur la musique étaient publiés chaque année. Or, aujourd’hui, il existe même une revue spécialisée dans la prise de son ! En tout, sept revues spécialisées sont maintenant publiées en Iran, sans compter les rubriques des journaux consacrées régulièrement à la musique et les sites web. Cela témoigne, parallèlement au développement de l’enseignement supérieur, de l’intérêt que porte aujourd’hui la société iranienne à la théorie musicale, étant assoiffée de changements et de nouveautés en ce domaine.

Par conséquent, malgré l’ambiguïté du statut officiel de la musique en Iran, tour à tour encouragée ou rejetée par les instances officielles, la musique iranienne vit actuellement l’une des périodes les plus riches et les plus dynamiques de son histoire et cela, en dépit de l’insuffisance, parfois paralysante, des fonds et soutiens financiers, de l’instabilité chronique des organismes publics et évidemment des crédits qu’ils affectent à la promotion de l’art musical.

Etant donné que les Iraniens ont le plus souvent une représentation partielle et partiale de la musique dans leur pays, les points de vue des artistes, des historiens de l’art et des critiques qui travaillent sur les évolutions de la musique contemporaine et dont les idées reflètent et influencent, à la fois, l’opinion publique, méritent ici d’être pris davantage en considération.

Seyyed Alirezâ Mir’alinaghi, historien de l’art, a dirigé la publication d’un recueil d’articles de 200 pages, écrits par des intellectuels iraniens sur la musique composée ou interprétée en Iran entre 1941 et 1996. Il nous confie que tous les textes écrits sur la musique ces dix dernières années pourraient être résumés en une dizaine de pages ! De nombreux intellectuels iraniens s’avèrent en effet indifférents et condescendants envers la vie musicale qui existe dans leur pays aujourd’hui. Cela est certainement dû à l’influence de la pensée occidentale et de la comparaison qui y est établie entre la musique occidentale et la musique iranienne. Cette dernière leur semble dès lors "médiocre", "primitive", "paysanne"… Elle ne mérite pas, à leurs yeux, d’être prise sérieusement en considération.

Le célèbre écrivain, Bâbak Ahmadi, dont les écrits sensibilisent les jeunes lecteurs à la pensée occidentale, décrit cette attitude de la classe intellectuelle envers la musique iranienne :

"Au milieu du XXe siècle, la musique mondiale avait déjà connu de très profondes évolutions : Prométhée de Skriabine [3] ; le système dodécaphonique de Alban Berg [4] ; la sérialisation du rythme, de la dynamique et des timbres dans la musique de Webern [5], les Quatuors de Bartok [6], la musique de chambre de Hindemith [7], l’opéra grotesque Le Nez de Chostakovitch [8],… Mais rien de tout cela n’avait eu lieu dans la musique iranienne. Quelques musiciens rêvaient d’adapter une musique rustique et paysanne à la musique polyphonique afin d’élaborer des œuvres symphoniques, qui n’étaient finalement que de pâles copies des œuvres d’Aminollâh Hossein. La génération suivante n’a rien inventé d’original non plus : les musiciens de l’époque ont seulement remplacé l’instrument qui accompagnait le chant par un orchestre composé d’instruments analogues, sans percevoir d’ailleurs combien les évolutions ont été nombreuses pour en arriver à ce stade en Europe. Ils se sont contentés aussi de composer selon des formes déjà très travaillées, comme la sonate [9], apparue en Occident à la période baroque.

Un orchestre pas comme les autres, peinture de Djamshid Aminifar, février 2006

Les compositeurs iraniens ne connaissaient que très mal les dernières expériences et les acquis de la notion de rythme dans la musique mondiale. Alors ils en ont été réduits à prendre une flûte et un tambour pour tenter d’atteindre leur utopie mystique dans les ruines de la musique Qadjar. C’est cette musique qu’ils ont baptisée de "traditionnelle". Pour le public qui aspire à la nouveauté, il ne reste donc plus que les hurlements de la musique "pop" et du rock iranien, complètement déconcertants à en perdre la tête. Pour cacher leur ignorance musicale, ils adoptent une attitude anti-conformiste, qui s’oppose aux usages établis, aux opinions reçues, croyant que cela leur permettra de faire preuve d’originalité. Mais l’originalité leur fait cruellement défaut."

La remise en question de la qualité musicale des œuvres contemporaines risque de détacher la musique iranienne de la vie sociale d’une part et de la vie intellectuelle de l’autre. Les compositeurs et les musiciens se sentent isolés sur une île lointaine, malgré le progrès quantitatif du nombre de musiciens, qui devrait normalement démultiplier les liens avec la société.

Contrairement aux intellectuels qui gardent quasi-unanimement le silence en ce qui concerne la musique de leur pays, "les gens de la musique", compositeurs, chanteurs, musiciens, théoriciens,… font couler beaucoup d’encre pour définir l’état actuel de l’art musical en Iran. Mais c’est malheureusement toujours le même refrain : ils tirent la sonnette d’alarme contre la "crise", la "stagnation" et l’"impasse" de la musique iranienne.

Pour le célèbre musicien Mohammad-Reza Lotfi, "la musique iranienne est actuellement en train de tomber dans un cercle vicieux". Le chanteur de renom, Shahrâm Nâzeri, en dit plus long :

"Il y a tant d’efforts déployés, mais malheureusement il n’en sortira pas grand-chose de bon, car malgré ces efforts, on n’est pas dans la bonne direction et on risque à tout moment de repartir à zéro… Beaucoup sont persuadés que l’amour qui renforçait autrefois le lien entre l’artiste et le public n’existe plus… Les artistes se sentent épuisés, ils croient que leurs sensations et leurs émotions ont perdu de leur vigueur et de leur fraîcheur : or l’art est bien le fruit de l’amour. Sans amour, il meurt. Aux premières années de la Révolution, nous nous réveillions chaque matin, la tête pleine de nouvelles mélodies et de chants, pour créer de nouvelles œuvres. Aujourd’hui, nous devons parfois attendre cinq ans pour que la muse nous inspire enfin un petit morceau… Pleins d’amertume, nous avons réalisé peut-être que cet art n’exaucera plus la plupart de nos anciens souhaits. Croyez-moi, il est si dur de prendre conscience aujourd’hui que nous nous sommes battus si dur et si longtemps pour un but qui restera éternellement inaccessible."

Le célèbre musicien Parviz Meshkatiân critique, quant à lui, le marasme de la composition musicale en Iran, en mettant le doigt sur les difficultés techniques et théoriques de la musique iranienne. Mais pour le compositeur Hossein Dehlavi, il faut chercher ailleurs la cause des problèmes : "La situation n’est pas favorable au travail de compositeurs qui ont subi de longues années de tensions, d’instabilité et de pressions."

Le chef de l’Orchestre symphonique de Téhéran insiste sur l’inefficacité, voire l’aspect contreproductif de la formation musicale actuelle :

"Parmi les nombreux concerts de 2007, il n’y en a pas un qui puisse être considéré comme un "événement" culturel ou artistique. Ils étaient tous de pure routine. Par conséquent, il est peu probable qu’un changement de l’état actuel de la musique iranienne survienne. Pour qu’il y ait transformation, il faut que la vision de ceux qui prennent les décisions évolue… Je regrette de vous dire qu’au lieu d’épanouir les jeunes musiciens et compositeurs, futurs professionnels, les centres universitaires et les conservatoires tuent le talent des jeunes qui y mettent les pieds, le cœur plein d’amour pour la musique, et qui sont aussitôt déçus par la mauvaise formation qu’il reçoivent et l’avenir incertain qui les attend sur le marché de l’emploi."

Sâssân Fâtemi, musicologue et professeur à l’Université de Téhéran, a écrit : "Depuis quelques années, tout le monde parle, au moins dans le domaine de la musique classique iranienne, de l’absence d’éléments nouveaux, de répétitions continuelles et lassantes, du manque d’inspiration… Bref, c’est ce que nous pouvons bel et bien appeler une stagnation."

Ainsi, à l’exception des responsables officiels qui prétendent, en fonction de leur position, que le baromètre de l’atmosphère musicale du pays est au beau fixe, tout le monde parle effectivement d’une impasse. Dans un tel contexte, rares sont les voix, comme celle de Mohammad Moussavi, rédacteur en chef de la revue musicale Mâhour, qui évaluent la musique iranienne dans le cadre de son histoire et de sa propre culture. Selon lui, en se plaçant de ce point de vue, la musique iranienne vit actuellement une période de croissance et de progrès.

Tout cela nous permet de mieux comprendre l’écart entre l’être et le paraître qui existe aujourd’hui dans le domaine de la musique iranienne : le dynamisme de cette musique est indubitable malgré toutes les difficultés rencontrées et l’omniprésence, en toile de fond, d’une maladie diagnostiquée de toutes parts, par le public, les intellectuels et les musiciens eux-mêmes. Serait-ce une "maladie imaginaire" comme dirait Molière ? S’il en est ainsi, il faut se rappeler que les maladies imaginaires apparaissent en réaction à la réalité extérieure, une réalité qui devient virtuelle à telle point qu’elle transforme la représentation qu’on se fait du monde extérieur. Les phobies [10] de la musique iranienne contemporaine, menacée par mille et une crises s’expliqueraient par divers éléments :

- Il faut admettre que l’absence totale de formation musicale dans le pays, de l’école primaire aux établissements d’enseignement supérieur, est très préjudiciable. Par conséquent, la grande majorité des Iraniens n’a pas reçu d’éducation de base en musique permettant une compréhension plus profonde et plus sérieuse de l’art musical et de ses contextes culturels, historiques et sociaux. Pour ne pas présenter ici un tableau trop noir de la musique iranienne, nous devons toutefois souligner que la société iranienne tend progressivement à rattraper son retard par une sorte de professionnalisation et de spécialisation progressive en matière musicale.

Farshad Fozouni, musicien iranien expérimental qui travaille beaucoup à partir de bruits de bouche

- L’écart qui existe entre les pouvoirs publics et les réalités de la vie musicale en Iran semble parfois beaucoup plus vertigineux que celui qui existe entre l’être et le paraître au sein de la musique iranienne. En effet, ce système s’avère incapable d’organiser et de favoriser le dynamisme social qui tend de plus en plus vers le pluralisme et la diversité, notamment en matière d’art et de musique. Les organismes affectés à cette tâche n’ont pas les motivations, les moyens budgétaires et les ressources humaines, nécessaires pour valoriser l’ensemble des activités musicales en Iran.

- La révolution des technologies de communication a facilité l’accès à la musique étrangère. Mais à l’instar d’une grande partie de la population mondiale, la société iranienne n’a pas la capacité d’assimiler d’un coup cette immense quantité de musique récemment découverte.

- De même que de nombreuses questions culturelles et sociales, le goût musical fait l’objet en Iran d’un violent conflit de générations. Les idées neuves et les méthodes créatives affrontent timidement les idées reçues. La situation démographique du pays (65% des Iraniens ont moins de 25 ans) pèse en faveur des nouveaux courants musicaux, mais cette tendance jeune ne parvient pas à secouer l’appareil décisionnaire. A cet égard, la musique iranienne est comparable à un grand centre commercial possédant des tonnes de nouvelles marchandises en entrepôt, mais dont la vitrine ne change pas !

- La musique iranienne est aujourd’hui caractérisée par le pluralisme des idées et la diversité des goûts. Elle reflète en effet les évolutions fondamentales de la société iranienne contemporaine. Autrefois, dans un climat de suprématie, un discours dominant était capable de se maintenir assez facilement. Aujourd’hui c’est l’industrie de la musique qui présente au public ses stars. Le problème, c’est que notre "malade imaginaire" n’est pas encore conscient du chemin parcouru, de la phase hégémonique à la phase pluraliste. En d’autres termes, la scène musicale iranienne est devenue plurale, admettant l’existence conjointe d’opinions et de comportement culturels, sociaux, différents, mais la force de l’inertie est encore pesante.

- La question de l’Occident occupe depuis très longtemps l’esprit iranien qui cherche à se positionner par rapport à cet Autre qui le fascine et l’effraie en même temps. Avec la mondialisation, cette préoccupation prend deux aspects différents. En premier lieu est apparu un mouvement sans précédent de vulgarisation des sciences et des connaissances fondamentales. De nouvelles idées, qui fascinent l’esprit iranien, ont également émergé. En second lieu pointe le souci légitime de ne pas perdre son identité. Voilà la double nature de la mondialisation : le doute et l’épanouissement. La musique iranienne est aujourd’hui à la fois soucieuse de son passé et de son présent. La synthèse qui sera faite entre passé et présent déterminera l’avenir de l’art musical dans le pays.

Notes

[1Franz Joseph Haydn (1732-1809), compositeur autrichien qui joua un rôle fondamental dans le développement du style classique en musique.

[2École des arts modernes qui réduit au minimum les éléments constitutifs qui entrent dans la composition d’une œuvre d’art, et pour laquelle l’œuvre est un objet structuré.

[3Aleksandr Nikolaïevitch Skriabine (1872-1915), pianiste et compositeur russe post-romantique d’inspiration mystique.

[4Alban Berg (1885-1935), compositeur autrichien

[5Anton von Webern (1883-1945), compositeur autrichien qui influença toute une génération de compositeurs au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

[6Béla Bartok (1881-1945), pianiste et compositeur hongrois marqué par la musique traditionnelle des Balkans et de Hongrie et l’un des principaux compositeurs de la musique moderne.

[7Paul Hindemith (1895-1963), compositeur et violoniste américain d’origine allemande. Il est l’un des novateurs de la musique du XXe siècle, dont il inculqua les valeurs modernes à ses élèves.

[8Dmitri Dmitrievitch Chostakovitch (1906-1975), le principal compositeur russe du milieu du XXe siècle.

[9Pièce instrumentale en plusieurs mouvements, alternativement lents et rapides, destinée à un petit nombre d’exécutants. La sonate, née en Italie, s’est répandue en Europe vers la fin du XVIIIe siècle.

[10Phobie : peur intense et persistante d’un objet, d’une situation ou d’une activité spécifique. Les personnes véritablement phobiques ne peuvent pas mener une vie normale, bien qu’elles soient conscientes de l’irrationalité de l’anxiété dont elles souffrent.


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