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Au Journal de Téhéran
Eshâgh Mousseli, grand musicien iranien
Traduit de la « Revue de Musique »
8 Shahrivar 1318
31 Août 1939
aissance. Eshâgh Mousseli, grand musicien iranien de l’époque islamique, fils d’Ebrâhim ebn Bahman ebn Nask (Pachang ?) Arrajâni et de Châhak Râzi, contemporain du calife Mehdi Abassi, est né en l’an 150 de l’Hégire. Les historiens ne nous donnent pas son lieu de naissance mais puisque son père Ebrâhim avait épousé Châhak dans la ville de Rey, la naissance d’Eshâgh a eu lieu après l’émigration d’Ebrâhim de Moussel (Mossoul). Comme dès l’année 150, il rejoignit le calife Mehdi à Bagdad, il ne nous reste aucun doute sur la naissance d’Eshâgh dans la ville même de Rey. Son prénom est Aba Mohammed, d’après Aghâni, il est connu sous le nom d’Aba Safvân, et lbn Khallakân le nomme aussi Ebn-on-Nadim Mousseli.
Ses études. Bagdad, centre du Califat, a rassemblé un grand nombre de savants, philosophes et lettrés au cours des IIème et IIIème siècles de l’hégire. Eshâgh fréquenta toutes les grandes écoles et apprit auprès des grands maîtres les sciences et les arts de son temps. D’après Ibn Khallakân et Abol Faradj Esfâhâni, Eshâgh était très fort en histoire, histoire littéraire et grammaire ; il n’était pas moins fort dans les sciences religieuses, la loi islamique et la rhétorique. L’écrivain d’Aghâni écrit à son sujet : « Le calife Ma’moun lui avait permis d’entrer dans le cercle des maîtres et des docteurs qui fréquentaient sa cour. » Ailleurs, il écrit qu’Eshâgh était grandement respecté par les maîtres puisqu’il avait ses entrées à la cour de Ma’moun avec le grand juge Yahya Ibn Adham, et que dans la plupart des cas difficiles, le juge lui laissait la priorité de la parole.
Bien des fois, le calife Ma’ moun dit de lui : « Si Eshâgh n’était pas musicien je lui aurais offert un emploi de juge ».
Il a souvent dédaigné le chant et la musique ; c’est de ses autres connaissances dont il était fier. Cependant, même si, en tant que grand scientifique, il eut quelques égaux, pour la musique, il n’avait pas de rival, car il connaissait tout ce qu’on avait inventé avant lui et il fut un précurseur et un grand musicologue.
Il a entre autres développé et facilité les méthodes d’enseignement de la musique et il peut être considéré comme le plus grand maître de musique de son époque.
Nous ne connaissons pas ses maîtres mais il a sans doute été l’élève de son père. Son oncle, Mansour Zolzol, lui apprit à jouer de l’oud. Les historiens ont relevé qu’Eshâgh connaissait fort bien les musiques de la Grèce et de Rome et qu’il lisait les philosophes grecs.
Nous ne pouvons rapporter ici les anecdotes prouvant qu’Eshrâgh connaissait les musiques étrangères et qu’il fréquentait les philosophes grecs ; ce qui nous importe ici est de savoir qu’il était un des grands maîtres de la musique orientale.
Les califes contemporains d’Eshâgh. Eshâgh Mousseli a été contemporain de cinq des califes abbassides. Il remplaça d’abord Ebrahim, son père, à la cour d’Haroun-al-Rachid, pendant les cinq dernières années du califat de ce dernier. Il fut aussi sans doute musicien à la cour du calife Amin, mais nous ignorons tout de cette époque de sa vie. Quant au calife Ma’moun, il le respectait et le chérissait fort. Après Ma’moun, Eshâgh devint maître de musique à la Cour du calife Mosta’sam. Bien que les historiens n’aient point mentionné ce fait, Eshâgh a connu aussi le calife Al-Vathegh Bellâh. Il devint aveugle pendant les deux dernières années de sa vie et mourut en l’année 235 de l’hégire.
Œuvres d’Eshâgh. Eshâgh a laissé des œuvres dans tous les domaines des sciences et des arts de son temps. Malheureusement, parmi les historiens, il n’y a qu’Ebnonnadim qui cite dans son Al-fehrest quelques uns des ouvrages du maître. Mais nous ne pouvons rien préciser du titre et des contenus de ces ouvrages puisqu’ils sont malheureusement perdus.
Il y a des doutes en ce qui concerne l’Aghaniée Khabir qu’on attribue plutôt à Hemad-Ebn Eshâgh, fils du grand musicien. Il est l’auteur d’un grand nombre de monographies historiques qu’il serait long de citer ici. Voici les noms de ces ouvrages de musique : Aghâni, Aghâni-e Môbad, Choix d’Aghâni pour Wâssegh, Le livre de la danse, etc.
Voici un certain nombre d’ouvrages variés : Ketâb-ol Khat val Echârât (livre de calligraphie), Ketâb-ol-Charâb (Livre du vin), Ketâb-e Mavâriss-ol Hokamâ (Tradition des philosophes), etc.
Le caractère d’Eshâgh. Ayant vécu dans un milieu islamique pur à Bagdad (centre du Califat) il est plus fanatique que son père. Bien que les anecdotes citées par les historiens le présentent comme un buveur, nous ne pouvons douter de sa foi. D’ailleurs, tous ses biographes sont d’accord sur ce fait que, mourant, il n’a pas manqué à ses devoirs de croyant et a jeûné très affaibli.
D’après l’écrivain d’Aghâni et Ebn-e Khallakân, il avait le caractère gai, spirituel. Il avait toujours accès à la cour des califes qui le respectèrent tous. Il était bon causeur.
Femmes et enfants d’Eshâgh. L’écrivain d’Aghâni nomme seulement Damân comme unique femme d’Eshâgh. Nous ne savons pas s’il avait plusieurs femmes ou non. Il avait six fils : Hamid, Hemâd, Ahmad, Ahmad Fazl et Ebrâhim. Seul Hemâd a pu acquérir un renom après son père. Il connaissait fort bien la musique et la pratiquait.
Les anecdotes légendaires de la vie d’Eshâgh. Abol Faradj cite un grand nombre d’anecdotes qui nous semblent légendaires et qui n’ont pas une grande importance dans la vie d’Eshâgh. Ce que nous devons rappeler ici sont les légendes attribuées à son père Ebrâhim et qu’on attribue parfois à Eshâgh lui-même. Les plus importantes d’entre elles sont celles de Satan et des filles frivoles qu’on cite dans les Mille et une nuits au nom d’Eshâgh. Mais l’écrivain d’Aghâni les attribue à Ebrâhim et à Haroun-al-Rachid.