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La province du Sistân et Baloutchistân est située au sud-est de l’Iran, à la frontière de l’Afghanistan et du Pakistan. Elle compte environ 2,3 millions d’habitants et rassemble plusieurs villes importantes telles que Zâhedân, sa capitale, mais aussi Zâbol et Zahak au nord, ou encore Irânshahr, Sarâvân, Khâsh ou Tchâbahâr au sud. Avec une superficie de 181 785 km², elle est la plus vaste province d’Iran et se divise en deux parties : le Sistân au nord, et le Baloutchistân au sud. Elle se situe au voisinage des provinces du Khorâssân Jonoubi au nord, de Kermân à l’ouest, et de Hormozgân au sud-ouest. Elle rejoint également les frontières du Pakistan et de l’Afghanistan à l’est, et dispose au sud d’une bande maritime de 300 km donnant sur la mer d’Oman.
Elle est la province la plus sèche d’Iran, si l’on exclut les régions côtières, mais aussi la plus pauvre. D’un point de vue géographique, un contraste important entre le nord et le sud de la province peut tout d’abord être relevé : la géographie et l’écosystème du nord, malgré de vastes étendues sèches, est néanmoins marqué par la présence de la plaine du Sistân (dasht-e Sistân) formée grâce aux alluvions de la rivière Helmand (Hirmand en persan), ainsi que du lac Hâmoun, l’un des plus grands lacs d’eau douce au monde. Face à cela, au sud, le Baloutchistân est une terre aride, essentiellement constituée de montagnes et de terres désertiques. Si le climat d’ensemble est particulièrement chaud et sec, il existe une certaine variété de climats notamment dans les zones à proximité du volcan Taftân et certaines régions montagneuses, ainsi que dans la région côtière à l’extrême sud de la province. Sans prétendre être exhaustif, nous revenons ici sur certains aspects géographiques caractéristiques de la province.
Le Sistân comprend plusieurs chaînes de montagnes s’étendant du nord au sud de la région, dont le célèbre mont Khâdjeh. Au nord se situe le lac Hâmoun, véritable joyau naturel du Sistân, et qui est très présent dans l’ancienne mythologie perse ainsi que dans l’Avestâ. Il se situe à la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan Plusieurs rivières viennent s’y déverser dont Helmand, Hâroutroud, Farrahroud et Kâshroud. Son niveau d’eau dépend principalement de ces quatre rivières ; la plus importante étant celle de Helmand, qui prend sa source dans les montagnes de Kouh-e Bâbâ, à 80 km à l’ouest de Kaboul en Afghanistan. Lorsque les conditions sont favorables et que les eaux s’écoulent normalement, il atteint une profondeur de 10 à 11 m, et s’étend sur une surface allant de 2000 à 5660 km² en fonction des précipitations, dont 3800 km² sont situés en Iran. Lorsque le niveau baisse, le lac se scinde en trois étendues d’eau respectivement appelées Hâmoun-e Sâberi, Hâmoun-e Pouzak et Gowd-e Zereh, leur taille variant chaque année. Le lac Hâmoun est une zone écologique unique dans la province, avec l’avantage d’être régulièrement alimentée par diverses sources d’eau douce permettant le développement de l’agriculture et de l’élevage dans la région. Il constitue également une réserve naturelle unique hébergeant plus de 100 espèces d’oiseaux et accueillant des milliers d’oiseaux aquatiques migrateurs, notamment des pélicans, hérons et flamants roses. La partie iranienne est protégée par la convention de Râmsar.
La végétation s’étant développé sur les rives du lac Hâmoun est essentiellement composée de roseaux et de joncs qui sont utilisés par la population comme fourrage, matériau de construction de maisons et de bateaux, ou encore pour le tissage de tapis. Un mélange local composé d’herbes et de joncs fournit également l’essentiel de l’alimentation du bétail local, essentiellement des chèvres et des moutons. Il est également un milieu propice au développement d’activités liées à la pêche.
La principale source alimentant le lac, la rivière Helmand, a été l’objet de tensions entre l’Afghanistan - où elle prend sa source - et l’Iran tout au long des XIXe et XXe siècles ; les rivalités internes, transfrontalières et coloniales ayant bien souvent contribué à une détérioration de la situation. Au cours de ces deux siècles, des commissions coloniales ou nationales ont été mises en place afin d’arbitrer certains conflits de délimitation ou de construction de barrages. En 1871 puis en 1902, qui furent deux années de sécheresse importante dans la région, deux commissions dirigées par les Britanniques tentèrent de délimiter les frontières du Sistân et de définir plus précisément la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan dans cette région. La première mission fut conduite par le Général Frederic Goldsmith, qui établit une distinction entre la rive gauche de la rivière ou "Seistan principal" (Seistan Proper) et la rive droite ou "Sistân de l’extérieur" (Outer Seistan). La première partie appartenait à la Perse, et la seconde était attribuée à des chefs baloutches et afghans indépendants, dont l’allégeance à une autorité nationale était problématique. Cependant, face aux fortes réticences de la population locale, une frontière précise ne fut pas délimitée, mais juste un "tracé approximatif".
Durant la seconde partie du XIXe siècle, la dynastie qâdjâre s’est efforcée de faire valoir ses droits sur l’ensemble de cette province du fait de son appartenance millénaire à la Perse, en s’appuyant sur des faits historiques mais également en recourant aux histoires de l’épopée persane du Shâhnâmeh, dont certains héros tels que Sâm, Zâl et Rostam sont issus de la région du Sistân appelée alors "Zâbolestân". Quant aux Afghans, ils firent valoir qu’après la mort de Nâder Shâh Afshâr en 1747, le Sistân était passé sous la domination d’Ahmad Shâh Dorrâni – pour une courte période cependant. En 1872, après une seconde intervention de Goldsmith, le Sistân-rive gauche fut déclaré comme appartenant à la Perse tandis que les territoires situés sur la rive droite du fleuve revinrent à l’Afghanistan, laissant les deux parties insatisfaites et faisant craindre l’émergence de conflits futurs autour de la question de l’approvisionnement en eau mais également concernant cette "frontière liquide" et imprécise. Les problèmes commencèrent à émerger lorsque le cours du Helmand dévia sa course vers l’ouest, favorisant l’émergence de nombreuses terres cultivables du côté afghan. En 1883, le ministre qâdjâr des affaires étrangères accusa l’Afghanistan d’avoir dévié le cours du fleuve à la suite de la construction d’un barrage, dans un contexte où les différends concernant l’approvisionnement en eau et la définition de la "ligne Goldsmith" allaient croissant. Au cours des décennies suivantes et jusqu’au milieu du XXe siècle, divers événements, notamment des périodes d’inondations ou de sécheresse, ou encore des projets de canaux et barrages, incitèrent tantôt Iraniens et Afghans à coopérer, tantôt à revendiquer leurs droits de façon exclusive, donnant lieu à d’autres arbitrages britanniques en faveur de l’Afghanistan qui bénéficiait d’un volume croissant d’eau au détriment du Sistân iranien. Une solution réelle n’a jamais été trouvée jusqu’à aujourd’hui. Durant l’importante sécheresse de la fin des années 1990, les Talibans décidèrent de créer un barrage sur le Helmand dans le centre de l’Afghanistan, provoquant un assèchement total du lac Hâmoun et l’exil de centaines de villageois du Sistân.
Actuellement, l’essentiel de l’eau nécessaire aux exploitations agricoles locales demeure fourni par la rivière Helmand. Lors de pénuries, l’eau est fournie grâce à des puits-réservoirs. L’eau potable de la ville de Zâbol et les centaines de villages alentours demeure ainsi alimentée par ces puits. Cependant, les périodes de sécheresse comme en 1999 et 2001, qui provoquèrent l’assèchement total du lac Hâmoun, laissent entrevoir de nouvelles problématiques liées à la gestion de l’eau au niveau transnational. Les problèmes de sécheresse se traduisent en effet souvent par un accroissement de réfugiés afghans au Sistân, ainsi que l’abandon de nombreux villages ne pouvant plus cultiver les terres alentours soit du fait du manque d’eau, soit à cause des tempêtes de vent et de sable qui ont provoqué l’ensevelissement de dizaines de villages. Si des pluies abondantes ont permis la reformation du lac, la question de l’approvisionnement en eau n’en demeure pas moins l’un des problèmes les plus importants de la région.
Ainsi, malgré la présence de plusieurs lacs de faible profondeur (hâmoun), l’ensemble de la région du Sistân est caractérisé par son aridité : il y règne un climat continental sec, marqué par des étés très chauds (jusqu’à 50°C) et des hivers particulièrement froids (jusqu’à -12°C). Outre la chaleur estivale, le "vent de 120 jours" (bâd-e sad o bist rouz) contribue à une baisse croissante du niveau du lac Hâmoun ainsi qu’à l’érosion en emportant de nombreuses quantités de sédiments très fins.
La partie sud de la province, le Baloutchistân ("terre des Baloutches") iranien, auparavant reliée à la région de Kermân, constitue un vaste désert aride parsemé de nombreuses montagnes. Parmi les montagnes les plus connues, on peut citer la montagne volcanique Kouh-e Taftân située au nord-est de la ville de Khâsh, qui culmine à 4042 m et fait partie des volcans iraniens en semi-activité (des gaz sulfuriques s’y échappent régulièrement), Kouh-e Bazmân, ou encore Malek Siyâh Kouh au nord de Zâhedân, ancien volcan éteint culminant à 1642 m. Il se situe à la frontière entre l’Iran, l’Afghanistan et le Pakistan.
Malgré la sécheresse ambiante, le Baloutchistân compte plusieurs rivières : celle de Bampour, l’une des plus importantes de la région, bordée par une forêt dense essentiellement constituée de tamaris et qui prend sa source à 120 km au nord-est d’Irânshahr, mais également les rivières Kâdjou, Sarbâz ou Kahir.
A l’ouest, à la frontière avec la province de Kermân, la région du Baloutchistân comporte également le lac de Djâzmouriân (hâmoun djâzmouriân) d’une superficie variant de 2500 à 3300 km2 en fonction des précipitations, que viennent alimenter les rivières Bampour à l’est, et la rivière Haliroud à l’ouest. Le centre du Baloutchistân iranien contient également une certaine quantité d’eaux peu profondes.
Concernant la géographie humaine de la région, les Baloutches, en majorité sunnites, vivent pour la moitié en ville tandis que l’autre moitié vit en milieu rural, selon un système de tribus parfois divisés en clans rivaux. Il existe néanmoins un certain nombre de riches villages agricoles près de la ville d’Irânshahr ainsi qu’aux abords de la rivière de Bampour. L’irrigation est assurée grâce à un système de qanât, ainsi que par un barrage situé à proximité de Bampour. [1] La province a également d’importantes surfaces consacrées à l’élevage de bovins et d’ovins, avec des races propres à la région.
Malgré la pauvreté globale de la zone, le Baloutchistân dispose de certains atouts : le port de Tchâbahâr au sud qui, même s’il est loin d’avoir la même stature que Bandar Abbâs, n’en constitue pas moins un lieu important d’échanges. De façon générale, la présence d’une bande côtière au sud a permis le développement de certaines activités liées au secteur de la pêche. La province recèle également de nombreuses richesses naturelles telles que chrome, granit, cuivre (surtout dans les régions désertiques) mais aussi fer, plomb, zinc, étain, nickel, or et argent. Elle possède également un potentiel agricole non négligeable. Le Baloutchistân produit du blé, du maïs et des dates mais aussi des agrumes, pistaches, bananes, mangues, papayes et olives, tandis que le Sistân produit essentiellement du blé, de l’orge et diverses variétés de fruits. Le Sistân et Baloutchistân fait partie des provinces d’Iran produisant un volume important d’agrumes.
Au cours des deux dernière décennies, certains projets ont été mis en place afin de dynamiser la zone et de favoriser le développement d’activités économiques. Parmi ces projets, on peut notamment citer la création de la zone franche commerciale et industrielle de Tchâbahâr, construite à proximité des ports de Shahid Beheshti et de Shahid Kalantari, sur une surface de près de 14 000 hectares dont 10 000 sont destinés aux activités industrielles. Des marchés transfrontaliers permettent également d’échanger un volume important de biens entre l’Iran et le Pakistan. Cependant, malgré d’importants progrès réalisés après la Révolution de 1979 et la présence de 6000 km de routes asphaltées, la province demeure enclavée, et le manque d’infrastructures de transport empêche la création d’une réelle dynamique au niveau régional, malgré la présence de quatre aéroports internationaux (Zâhedân, Irânshahr, Zâbol et Tchâbahâr) et divers projets dans le domaine ferroviaire, notamment celui de la construction d’une ligne entre Bam et Zâhedan qui devrait contribuer à un certain désenclavement de la zone.
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[1] De façon générale, dans la province du Sistân et Baloutchistân, l’approvisionnement en eau potable ou pour l’industrie agricole provient de deux sources essentielles : les eaux de surface et les eaux souterraines. Les premières sont principalement constituées de 6 rivières (Sistân, Shirdel, Golmir pour le Sistân et Lâdiz, Bampour et Sarbâz pour le Baloutchistân). Au Baloutchistân, la principale source d’eau de surface est issue du barrage de Bampour pour Irânshahr, et du barrage de Pishin à Tchâbahâr.