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Elhâm Masoudiân,
Shivâ Vâhed,
Ma’ssoumeh Rajabi,
Elâheh Hâjj Mohammadzâdeh
Le 26 décembre 2003, à 5 h 28 du matin, la terre a tremblé avec une violence extrême dans la ville historique de Bam [3] qui se trouve à environ 1000 kilomètres au sud-est de Téhéran. La citadelle de Bam (Arg-e Bam) fut presque complètement détruite par ce séisme de magnitude 6,3. Occupant une superficie d’environ 200 000 m², cette citadelle est l’une des plus grandes constructions en adobe du monde et elle a été un lieu habité durant plus de vingt siècles. Elle est également une véritable mosaïque de styles architecturaux.
Un mur d’enceinte, des remparts, les portes de la cité, la Grande Mosquée, le Bazar, le tekiyeh [4], le caravansérail, l’école, le hammam, le zourkhâneh, les quartiers riches et populaires, les hauts quartiers qui comprennent la caserne, l’écurie, le moulin et le domicile du commandant, la résidence du gouverneur, le palais des Quatre Saisons (Tchahâr Fasl) [5] et la tour de guet, forment l’ensemble de la cité de Bam.
Faute d’études suffisantes, les avis divergent quant à la date de la fondation de la citadelle. Il est probable qu’elle fut bâtie à l’époque arsacide ou achéménide mais la plupart de ses bâtiments datent des époques timouride et qâdjâre. Cela dit, certaines parties, comme les iwans (grande cour) de la Grande Mosquée évoquent des périodes plus anciennes, telles que les époques samanide et seldjoukide. Et ce n’est qu’à partir de l’ère qâdjâre que la citadelle fut officiellement désaffectée.
Outre sa valeur historique, l’Arg-e Bam possède une indéniable valeur architecturale, en particulier en raison des différents styles qu’on peut y observer notamment dans l’architecture des bâtiments les plus anciens, celle des quartiers résidentiels et populaires, leur composition et leur disposition sur la pente d’une colline qui culmine au palais des Quatre Saisons.
Le séisme de Bam, en découvrant les couches inférieures de la structure et de ses composants en adobe, a attiré l’attention des archéologues. Des parties de la citadelle comme l’écurie et la caserne n’ont d’ailleurs pas été détruites et elles offrent un bon terrain d’études de la juxtaposition historique des styles et des matériaux, notamment en ce qui concerne les modalités de construction des toits arqués.
Etant donné la fragilité de la brique d’argile crue, on pourrait imaginer à quel point la destruction menace les monuments en pisé en Iran et il serait plus que nécessaire que les spécialistes profitent des expériences acquises après le tremblement de terre de Bam pour prévenir à l’avenir des événements identiques. A ce titre, des études de spécialistes ont abouti à la fabrication d’un nouveau type de mortier plus résistant permettant de résister à des chocs sismiques importants. De façon générale, sur les conseils de spécialistes de l’Université d’Ispahan et de l’institut de Grater [6], les responsables ont insisté sur la nécessité d’avoir recours aux savoir-faire et matériaux locaux.
Quelques jours après le séisme, l’Arg-e Bam a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO ainsi que sur celle du patrimoine mondial en danger. Depuis le tremblement de terre, et sous l’égide de l’UNESCO, des responsables iraniens et des experts internationaux ont travaillé conjointement avec la communauté locale pour la réhabilitation de ce patrimoine culturel : l’Organisation du Patrimoine Culturel Iranien, l’UNESCO et l’ICOMOS (Conseil international des monuments et des sites) ont co-organisé des ateliers pour la préservation et l’entretien de ce qui reste des richesses culturelles à Bam. Cette tragédie a également mis en évidence la nécessité de prêter davantage attention à la construction des bâtiments, notamment des écoles et des hôpitaux. De nombreux pays ont participé à l’élaboration de plans de sauvetage puis de reconstruction de Bam. Outre des aides financières pour la reconstruction de la citadelle, quelques pays comme le Japon, l’Italie ou encore la France ont envoyé des équipements dont des excavateurs ainsi que des groupes d’experts. De nombreuses organisations non gouvernementales ont également fourni des aides, se limitant essentiellement à des déblaiements.
A la suite du tremblement de terre, les autorités iraniennes ont rapidement mis en place une cellule de crise près de la citadelle et des échafaudages ont été dressés pour sécuriser ses murs. Peu après, le déblaiement des ruines et des pans extérieurs des murs de la citadelle, de la caserne et de la grande mosquée a été organisé. L’achat des maisons dévastées autour de la citadelle et l’interdiction de passage aux chauffeurs de camion sur le pont de l’Arg-e-Bam ont compté parmi les autres mesures prises par les comités locaux pour faciliter l’acheminement des secours. Lors de recherches archéologiques réalisées à la suite du séisme, plus de 200 000 poteries et 62 cadavres de nourrissons ont été découverts entre les murs de la citadelle, sans doute enterrés lors d’une guerre s’étant déroulée dans la région il y a plusieurs siècles.
Le projet de reconstruction partielle et de restauration de la citadelle historique fait l’objet de débat depuis 2004, et des réunions portant sur la nature et la complexité de la restauration de Bam et de son paysage culturel demeurent organisées jusqu’à aujourd’hui. Sous l’égide de l’Organisation de Nations Unies, l’Université technologique de Dresde [7] a commencé à mettre en place un programme de reconstruction de la citadelle historique de Bam en juin 2007. Plusieurs groupes de chercheurs de cette université se sont ainsi rendus sur place afin de réaliser des études locales et des recherches précises. Depuis quelques mois, le processus s’est accéléré et les phases de cartographie et des préparations techniques ont été terminées avec succès. L’un des principaux objectifs est également la restauration d’un bâtiment connu sous le nom de « Khâneh-ye Sistâni » [8], avec le concours des autorités iraniennes. Selon les chercheurs allemands, si l’effort de restauration demeure soutenu, la citadelle devrait retrouver en partie son éclat d’antan d’ici environ 15 ans.
[1] Ville historique de la province de Kermân
[2] Ville historique de la province de Kermân
[3] Ville historique de la province de Kermân
[4] Emplacement où l’on jouait des tragédies religieuses
[5] Palais à trois étages où l’on émettait des décrets pour les villes et leurs banlieues
[6] Institut lié à l’université de Grenoble en France
[7] Technische Universitنt Dresden, notamment réputée pour sa formation en architecture.
[8] Cette maison datant de l’époque zand, appartenait à une riche famille du Sistân, avant de devenir un important site touristique.