N° 61, décembre 2010

Goltchin Guilâni,
poète de la pluie, de la mer, de la nature


Mahssâ Dehghân


Cela vous est sans doute arrivé de croire connaître quelqu’un sans vraiment le connaître. Il est si proche de vous, et vous êtes sûr de le connaître. Pourtant quand on vous demande de le décrire, il ne vous vient rien de spécial à l’esprit. Cela tient à ce que votre connaissance à son sujet se limite à celle d’un nom de famille ou de quelques ouvrages. Chez vous, il n’a jamais été question d’une connaissance plus profonde que ce que la curiosité ou la nécessité impliquent.

Goltchin Guilâni est l’un des poètes contemporains qui a été introduit, il y a plusieurs décennies, aux lecteurs iraniens. Pourtant, c’est avec tristesse que l’on constate que la plupart des Iraniens ne se souviennent pas même de son nom ni de ses ouvrages. Il suffit de demander à un ami iranien de réciter quelques vers de Goltchin Guilâni. Il vous répondra sans doute : « Je ne connais pas ! ». Mais si vous demandez à la même personne de réciter le poème favori des livres de l’école primaire, Baz bârân (De nouveau, la pluie), il le fera, sans erreur et sans hésitation. Oui, c’est vrai, beaucoup de nous ignorons qui est l’auteur du poème préféré de notre enfance. Il nous a inspiré notre vivacité et notre joie d’enfant ; il a fait entrer l’agréable moiteur de la pluie nordique dans nos veines. Il a été tout près de nous chaque fois que l’on a murmuré sa chanson en marchant seul sous la douce pluie d’automne. On a grandi, et ses vers se sont enracinés dans notre mémoire mais son nom, au contraire, s’est effacé avec le temps.

Madjeddin Mirfakhrâi, surnommé Goltchin Guilâni, est né en 1914 (1293 de l’Hégire solaire), dans le nord de l’Iran, à Rasht. Il passe ses premières années dans le Guilân. Les souvenirs de cette époque affleureront plus tard dans son œuvre : la fraîcheur et la richesse des forêts verdoyantes de cette région, la beauté de ses paysages inspirateurs et la mélodie enchanteresse de la pluie du littoral nord, marqueront tous ses poèmes. Il poursuit ses études secondaires à Téhéran, mais se tourne bientôt vers la littérature et la poésie malgré sa famille qui souhaiterait qu’il devienne médecin. Après avoir obtenu sa licence de lettres persanes à l’Université de Téhéran, il part au Liban pour s’installer ensuite en Angleterre. A Londres, il réalise le rêve de sa famille : il entreprend des études de médecine qu’il achève avec succès. Londres, ville de brumes et de pluie, lui rappelle sans cesse le Guilân. Cette ville lui plaît tant qu’il décide de s’y installer définitivement.

Jeune, il commença à composer des poèmes. Si ses premiers poèmes étaient plutôt classiques, il fut plus tard influencé par le père de la poésie iranienne contemporaine, son compatriote Nimâ Youshidj, et adopta un ton plus moderne. Son premier poème de ce style est le fameux « Barân » (La pluie), publié en 1945, dans la revue littéraire Sokhan [1], l’une des revues les plus lues de l’époque. Il suscita l’engouement du public et prit bientôt place dans les livres d’école.

Clair, limpide et pure, "Barân" a profondément marqué l’esprit des enfants iraniens. Aujourd’hui, saisis d’une mélancolie nostalgique, les enfants d’hier récitent les vers pluvieux de Goltchin Guilâni dont le souvenir restera à jamais vivant.

La pluie

De nouveau, la pluie
Chantant une mélodie,
Versant une myriade de joyaux,
Tombe sur le toit de la maison.

Le jour pluvieux me rappelle
La promenade d’une journée lointaine,
Douce et agréable,
A travers les forêts du Guilân :

J’étais alors un gamin de dix ans
Heureux et content
Souple et fragile
Fringant et agile
Avec mes petits pieds enfantins
Je courais comme une gazelle
Je sautais le ruisseau
Je m’éloignais de la maison.

L’oiseau,
Le vent soufflant me racontaient,
Des histoires secrètes
Des mystères de la vie.

La foudre comme une épée tranchante
Coupait les nuages
Rugissant, le tonnerre aliéné
Battait les nuages

La forêt
Fuyant le vent
Tournait et tournait
Comme la mer
Partout tombaient
Les perles rondes de pluie

Le gazon au pied de l’arbre
S’est transformé petit à petit
En une mer
Dans cette mer liquide,
La forêt, à l’inverse
était apparente.

Comme elle était savoureuse, la pluie
Comme elle était belle
Dans cette chute de perles
J’entendais
Des mystères éternels
Des mots célestes
Oh mon enfant ! ةcoute-moi !
Du regard de l’homme mûr du demain
La vie
Soit en rose, soit en noir
Est belle, est belle, est belle.

Notes

[1Magazine littéraire fondé par Parviz Nâtel Khânlari.


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