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Tchelghis, la fille d’un brave gouverneur, est trompée par sa marâtre. Elle va au jardin de la magie et devient la captive du démon qui y réside. Hassan le chauve, fils paresseux, chassé chez lui par sa mère afin de le forcer à affronter les réalités de la vie, arrive par hasard dans ce jardin. Il connaît Tchelghis qu’il aime passionnément et essaie de briser le talisman qui la tient captive. Un génie lui explique qu’il ne pourra briser le sortilège qu’au prix de sa vie. Hassan le chauve veut parler à Tchelghis, mais il manque d’assurance. Le génie lui fait connaître une autre femme pour qu’il oublie son amour pour la belle Tchelghis, mais Hassan refuse et décide de devenir poète. Cependant, il change d’avis lorsqu’il rencontre un poète qui compose des poèmes pour des réclames publicitaires. Il souhaite avoir un ami sincère, qu’il ne trouve pas, et décide alors de devenir lutteur, décision à laquelle il renonce également après sa rencontre avec un lutteur qui ne pense qu’à remporter coûte que coûte toutes les compétitions. Il rejoint alors de nouveau Tchelghis qui lui demande de briser le sortilège démoniaque et de la libérer. Hassan est prêt à sacrifier sa vie et fait tout afin d’obtenir le talisman qui lui permettra de métamorphoser le démon en agneau. Il réussit, mais il ne meurt finalement pas et les deux jeunes trouvent le bonheur.
Dans cette version, l’histoire de Tchelgis et de Hassan le chauve est une adaptation théâtrale d’un vieux conte oral, plusieurs fois mis en scène et exploité par des générations d’artistes iraniens. Elle fut aussi le premier film d’un jeune cinéaste, et l’accueil retentissant que lui réserva le public annonçait d’ores et déjà un grand talent du cinéma iranien. Hassan katchal (Hassan le chauve) fut tourné dans la ville ancienne de Kâshân, limitrophe du désert central d’Iran, dont la vielle architecture, conforme au conte, procurait une scène riche de matières historiques. C’était en 1970. Malgré son jeûne âge, les innovations de ce cinéaste surprirent les réalisateurs et nombre d’entre eux devinrent rapidement ses imitateurs.
Né le 19 août 1944 à Téhéran, Abbâs Ali Hâtami est le deuxième fils d’un imprimeur et d’une femme au foyer. Chaque été, durant les vacances, le jeune Abbâs Ali aidait son père dans la maison d’édition. Là-bas, dans l’espace empli de particules de plomb et parmi les machines à imprimer, avec l’aide de son père, il composait des phrases improvisées avec des caractères d’imprimerie, montrant la créativité de son esprit d’enfant. L’imprimerie était située tout près d’une église, dont les officiants s’exerçaient au prosélytisme et à la diffusion de la culture biblique. Il y découvrit de très belles images et des livres iconographiques qui le familiarisèrent avec l’art et l’architecture chrétiens. Adolescent, il tomba malade et séjourna quelques temps dans un manoir auprès d’un parent de sa mère, médecin et aristocrate qâdjâr. Ce séjour peu ou prou obligatoire lui apporta une connaissance fondamentale sur la vie d’une noblesse alors déjà en voie d’extinction. La sœur cadette du médecin, également malade, fut une excellente source de renseignements sur cette aristocratie en voie de disparition. Chaque soir, le jeune Abbâs lui racontait une histoire, souvent des contes traditionnels qu’il embellissait de détails imaginaires.
Parallèlement, il apprit la musique avec son oncle Ebrâhim Hâtami, joueur de sitar et commença à découvrir le cinéma avec un projecteur 8 mm dont il se servait pour regarder des dessins animés, des documentaires et des compétitions sportives. Il se mit également à fréquenter les salles de théâtre et de cinéma, et à s’intéresser à tous genres de spectacles. Sa vocation théâtrale le poussa vers les salons de l’avenue Lâlehzâr dont les billets étaient moins chers, pour les séances de jour. C’est aussi l’époque où se diffuse la radio. On entend tout, et on voit tout également, avec un peu d’imagination. Les pièces radiophoniques du dramaturge et acteur Nosratollâh Mohtasham marquèrent alors durablement la sensibilité et l’imaginaire du jeune futur cinéaste.
Tout en étudiant au collège des arts dramatiques, il décida de travailler sur les thèmes nationaux et tout en s’intéressant de très près à l’histoire iranienne, il composa se première pièce sérieuse intitulée Dib (Diable) à partir des contes et légendes du peuple de Téhéran, en y donnant une forme versifiée. La parution de cette œuvre marqua le début de ses activités dans le domaine des lettres et de l’art folklorique et traditionnel. Il s’intéressa particulièrement aux vieux récits, dont il revivifia certains en y ajoutant des ramifications modernes et dramatiques. Il composa alors les pièces Khâtoun-e khorshid bâf (La dame qui tricote le soleil) en sept actes et puis Ghesseh-ye harir o mard mâhigir (Conte de la soie et du pêcheur), pièces transformées plus tard en séries télévisées. La création de ces pièces le fit connaître en tant que dramaturge de style. Il raconte à ce propos : "Comme j’écrivais des pièces versifiée dans un langage lourd et rythmique, on croyait que c’était ma vieille grand-mère qui les composait et qu’elle s’abstenait de les signer, car la notoriété n’aurait pas été compatible avec son âge, et que c’est pour cela que je les signais, moi." En 1966, il compose une pièce moderne intitulée Adam o Havâ (Adam et Eve), qui marque une évolution dans son œuvre et intéressa des producteurs de la télévisions nationale à la recherche de nouveaux talents.
Il composa son premier scénario sous le titre de Shab-e djom’eh (Jeudi soir) en 1967, court-métrage réalisé par Hajir Darioush qui lui proposa d’abord de le traduire en français afin qu’il soit réalisé par des Français, mais Hâtami refusa et c’est Hajir Darioush lui-même qui tourna le film. L’année 1969 fut une année féconde pour le cinéma iranien. Kimyâ’i, Mehrju’i et Taghvâ’i réalisèrent alors des films tels que Gheysar, Gâv (La vache) ou Arâmesh dar hozour-e digarân (Repos en présence des autres). Hâtami, lui, commença cette année-là le tournage de Hassan katchal. Hassan katchal avait été pour la première fois mis en scène par Dâvoud Rashidi, en tant que pièce théâtrale, en mars 1969, avec le jeu, entre autres, de Parviz Fannizâdeh et Esmâil Dâvarfar. C’est avec ce film qu’Ali Hâtami commença alors sa carrière de cinéaste.
La longue liste de ses films témoigne autant de son intérêt pour les valeurs traditionnelles que son questionnement face à une modernité parfois menaçante. Hâtami racontait l’histoire d’une façon captivante, et se faisait le narrateur des moments doux et amers de la vie des Iraniens à travers les âges. En dépoussiérant la face de l’histoire iranienne, Hâtami s’est efforcé de familiariser la société iranienne avec sa vraie identité. Mis à part ses séries télévisées et films grandioses, Hâtami fit également construire un site reproduisant le vieux Téhéran de l’époque qâdjâre. Il décéda le 7 décembre 1996 des suites d’un cancer.
Sa participation comme réalisateur dans des films tels que Towghi, Bâbâ Shemal, Kamâl-ol-Molk, Hâdji Washington, comme scénariste dans Khastegâr (Le soupirant), Sattâr Khân ou Ghalandar, comme costumier dans Soltân-e- Sâhebgherân et comme producteur dans Delshodegân, prouve sa maîtrise de tous les procédés cinématographiques. Sa mort précoce causa une profonde émotion au sein de la société iranienne, à qui il aurait encore pu faire découvrir d’innombrables chefs-d’œuvre.
Références et bibliographie :
Abdol-Karim Arienkhou, Târikh-e sinemâ-ye irân (Histoire du cinéma iranien), Editions Shabnam, 1999.
Revue Hadaf, "Simâ-ye bozorgân-e sinemâ-ye Iran", No. 72, 7e année.
Journal Etela’ât, 25 Shahrivar 1389, "Ali Hâtami, mard-e sinemâ-ye ta’ahod"