Le Masnavi de Djalal od-Dîn Rûmî est une œuvre tellement riche et précieuse, qu’il serait possible d’en écrire des articles chaque jour durant des années. Aucun vers n’est dit au hasard, chaque histoire peut être décortiquée, nous être utile pour mieux nous connaître et être appliquée dans notre vie quotidienne.

L’ensemble de l’œuvre nous aide à nous approcher de la Vérité qui nous entoure.

Dans le présent article, nous avons choisi de partager notre point de vue sur la signification d’une partie de la première grande histoire du Masnavi : "le Roi et la jeune esclave", appelée aussi "la belle servante". Nous tenons à rappeler au lecteur que ce point de vue est le fruit de recherches effectuées sur de longues années et que nous espérons être proches de la vérité que veut nous transmettre Mowlânâ, mais qui n’en reste pas moins personnelle, et que d’autres interprétations peuvent exister.

Nous avons évoqué cette histoire parmi quatre dans un article précédent, en en donnant un résumé assez simplifié. Nous avons opté cette fois-ci pour une version plus proche de l’original qui donne un peu l’esprit des vers de Rûmî, mais qui n’en reste pas moins une adaptation en conte. Il s’agit de la version du livre sorti en 1988 intitulé Le Mesnevi, 150 Contes soufis, de Djalâl al-Dîn Rûmî [1]. C’est en 1990 que la traduction intégrale de Eva de Vitray Meyerovitch et Djamshid Mortazavi fut éditée aux éditions du Rocher.

"Le Roi et la jeune esclave" parle de nous, de nos erreurs, du lien entre notre corps, notre djân (principe vital) et notre esprit, de l’amour éphémère par rapport à l’Amour Véritable qui lui, nous apporte l’équilibre.

L’histoire

Note : toutes les "belle servante" ont été changées en "jeune esclave", les "sultan" en "roi", et les "bijoutier" en "orfèvre".

Il était une fois un roi, maître de la foi et du monde. Parti pour chasser, il s’éloigna de son palais et, sur son chemin, croisa une jeune esclave. En un instant, il devint lui-même un esclave. Il acheta cette jeune femme et la ramena à son palais afin de décorer sa chambre de cette beauté. Mais aussitôt, la jeune esclave tomba malade.

Il en va toujours ainsi ! On trouve la cruche mais il n’y a pas d’eau. Et quand on trouve de l’eau, la cruche est cassée ! Quand on trouve un âne, impossible de trouver une selle. Quand enfin on trouve la selle, l’âne a été dévoré par le loup.

Le roi réunit tous ses médecins et leur dit :

"Je suis triste, elle seule pourra remédier à mon chagrin. Celui d’entre vous qui parviendra à guérir l’âme de mon âme pourra profiter de mes trésors."

Les médecins lui répondirent :

"Nous te promettons de faire le nécessaire. Chacun de nous est comme le messie de ce monde. Nous connaissons la pommade qui convient aux blessures du cœur."

En disant cela, les médecins avaient fait fi de la volonté divine. Car oublier de dire "Incha’ Allah" rend l’homme impuissant. Les médecins essayèrent de nombreuses thérapies mais aucune ne fut efficace. Chaque jour, la jeune esclave dépérissait un peu plus et les larmes du roi se transformaient en ruisseau.

Chacun des remèdes essayés donnait le résultat inverse de l’effet escompté. Le roi, constatant l’impuissance de ses médecins, se rendit à la mosquée. Il se prosterna devant le Mihrab et inonda le sol de ses pleurs. Il rendit grâce à Dieu et lui dit :

"Tu as toujours subvenu à mes besoins et moi, j’ai commis l’erreur de m’adresser à un autre que toi. Pardonne-moi !"

Cette prière sincère fit déborder l’océan des faveurs divines, et le roi, les yeux pleins de larmes, tomba dans un profond sommeil. Dans son rêve, il vit un vieillard qui lui disait :

"Ô roi ! Tes vœux sont exaucés ! Demain tu recevras la visite d’un étranger. C’est un homme juste et digne de confiance. C’est également un bon médecin. Il y a une sagesse dans ses remèdes et sa sagesse provient du pouvoir de Dieu."

A son réveil, le roi fut rempli de joie et il s’installa à sa fenêtre pour attendre le moment où son rêve se réaliserait. Il vit bientôt arriver un homme éblouissant comme le soleil dans l’ombre.

C’était bien le visage dont il avait rêvé. Il accueillit l’étranger comme un vizir et deux océans d’amour se rejoignirent. Le maître de maison et son hôte devinrent amis et le roi dit :

"Ma véritable bien-aimée, c’était toi et non pas cette jeune esclave. Dans ce bas monde, il faut tenter une entreprise pour qu’une autre se réalise. Je suis ton serviteur !"

Ils s’embrassèrent et le roi dit encore :

"La beauté de ton visage est une réponse à toute question !"

Tout en lui racontant son histoire, il accompagna le vieux sage auprès de la jeune esclave malade. Le vieillard observa son teint, lui prit le pouls et décela tous les symptômes de la maladie. Puis, il dit :

"Les médecins qui t’ont soignée n’ont fait qu’aggraver ton état car ils n’ont pas étudié ton cœur."

Il eut tôt fait de découvrir la cause de la maladie mais n’en souffla mot. Les maux du cœur sont aussi évidents que ceux de la vésicule. Quand le bois brûle, cela se sent. Et notre médecin comprit rapidement que ce n’était pas le corps de la jeune esclave qui était affecté mais son cœur.

Mais quel que soit le moyen par lequel on tente de décrire l’état amoureux, on se trouve aussi démuni qu’un muet. Oui ! Notre langue est fort habile à faire des commentaires mais l’amour sans commentaires est encore plus beau. Dans son ambition de décrire l’amour, la raison se trouve comme un âne, allongé de tout son long dans la boue. Car le témoin du soleil, c’est le soleil lui-même.

Le vieux sage demanda au roi de faire sortir tous les occupants du palais, étrangers et amis.

"Je veux, dit-il, que personne ne puisse écouter aux portes car j’ai des questions à poser à la malade."

La jeune esclave et le vieillard se retrouvèrent donc seuls dans le palais du roi. Le vieil homme commença à l’interroger avec beaucoup de douceur :

"D’où viens-tu ? Tu n’es pas sans savoir que chaque région a des méthodes curatives qui lui sont propres. Y a-t-il dans ton pays des parents qui te restent ? Des voisins, des gens que tu aimes ?"

Et, tout en lui posant des questions sur son passé, il continuait à lui tâter le pouls.

Si quelqu’un s’est mis une épine dans le pied, il le pose sur son genou et tente de l’ôter par tous les moyens. Si une épine dans le pied cause tant de souffrance, que dire d’une épine dans le cœur ! Si une épine vient se planter sous la queue d’un âne, celui-ci se met à braire en croyant que ses cris vont ôter l’épine alors que ce qu’il lui faut, c’est un homme intelligent qui le soulage.

Ainsi, notre talentueux médecin prêtait grande attention au pouls de la malade à chacune des questions qu’il lui posait. Il lui demanda quelles étaient les villes où elle avait séjourné en quittant son pays, quelles étaient les personnes avec qui elle vivait et prenait ses repas. Le pouls resta inchangé jusqu’au moment où il mentionna la ville de Samarcande. Il constata une soudaine accélération. Les joues de la malade, qui jusqu’alors étaient fort pâles, se mirent à rosir. La jeune esclave lui révéla alors que la cause de ses tourments était un orfèvre de Samarcande qui habitait son quartier lorsqu’elle avait séjournée dans cette ville.

Le médecin lui dit alors :

"Ne t’inquiète plus, j’ai compris la raison de ta maladie et j’ai ce qu’il te faut pour te guérir. Que ton cœur malade redevienne joyeux ! Mais ne révèle à personne ton secret, pas même au roi."

Puis il alla rejoindre le roi, lui exposa la situation et lui dit :

"Il faut que nous fassions venir cette personne, que tu l’invites personnellement. Nul doute qu’il ne soit ravi d’une telle invitation, surtout si tu lui fais parvenir en présent des vêtements décorés d’or et d’argent."

Le roi s’empressa d’envoyer quelques-uns de ses serviteurs en messagers auprès de l’orfèvre de Samarcande. Lorsqu’ils parvinrent à destination, ils allèrent voir l’orfèvre et lui dirent :

"Ô homme de talent ! Ton nom est célèbre partout ! Et notre roi désire te confier le poste d’orfèvre de son palais. Il t’envoie des vêtements, de l’or et de l’argent. Si tu viens, tu seras son protégé."

A la vue des présents qui lui étaient faits, l’orfèvre, sans l’ombre d’une hésitation, prit le chemin de palais, le cœur rempli de joie. Il quitta son pays, abandonnant ses enfants et sa famille, rêvant de richesses. Mais l’ange de la mort lui disait à l’oreille :

"Va ! Peut-être crois-tu pouvoir emporter ce dont tu rêves dans l’au-delà !"

A son arrivée, l’orfèvre fut introduit auprès du roi. Celui-ci lui fit beaucoup d’honneur et lui confia la garde de tous ses trésors. Le vieux médecin demanda alors au roi d’unir l’orfèvre à la jeune esclave afin que le feu de sa nostalgie s’éteigne par le jus de l’union.

Durant six mois, l’orfèvre et la jeune esclave vécurent dans le plaisir et dans la joie. La malade guérissait et embellissait chaque jour.

Un jour, le médecin prépara une décoction pour que l’orfèvre devienne malade. Et, sous l’effet de sa maladie, ce dernier perdit sa beauté. Ses joues se ternirent et le cœur de la jeune esclave se refroidit à son égard. Son amour pour lui s’amenuisa ainsi jusqu’à disparaître complètement.

Quand l’amour tient aux couleurs ou aux parfums, ce n’est pas de l’amour, c’est une honte (ou un mensonge). Ses plus belles plumes, pour le paon, sont ses ennemies. Le renard qui va librement perd la vie à cause de sa queue. L’éléphant perd la sienne pour un peu d’ivoire.

Il disait :

"Un chasseur a fait couler mon sang, comme si j’étais une gazelle et qu’il voulait prendre mon musc. Que celui qui a fait cela ne croie pas que je resterai sans me venger."

Il rendit l’âme et la jeune esclave fut délivrée des tourments de l’amour. Mais l’amour de l’éphémère n’est pas l’amour.

La jeune esclave, avant que le roi ne tombe amoureux d’elle, est un être avec un niveau social bien inférieur à lui, qui de plus peut être vendue et achetée. Mais lorsque le roi tombe amoureux d’elle, elle n’est plus une esclave.

Mowlânâ nous dit :

"L’âme (djân) du roi devint esclave de cette esclave" (extrait de la traduction intégrale) ou dans la version ci-dessus "en un instant il devint lui-même esclave".

La jeune esclave n’en est plus une puisqu’elle est devenue "roi".

Et le roi n’est plus "roi" ; il est devenu l’esclave de ce nouveau "roi".

Note : Roi en persan n’a pas de féminin ou masculin. A l’époque Sassanide il y a eu des femmes "roi" entre le Ier et le VIème siècle.

La royauté chez Mowlânâ

Etant donné que le Masnavi est un livre qui parle de notre intérieur, la royauté dont nous parle Mowlânâ est un état avec lequel nous sommes nés, mais qu’il faut arriver à conserver afin de mourir en roi.

Disons plus simplement, nous naissons tous roi mais la plupart du temps nous ne mourons pas roi parce que nous avons tendance à nous "laisser aller".

Pourquoi n’arrivons-nous pas à garder notre état royal ?

Un roi qui règne sur le pays de son existence n’a pas le droit de tomber amoureux de "petites choses".

Un roi n’a pas le droit de se mettre en colère, sinon il ne serait pas juste.

Portait de Rûmî dans son tombeau à Konya

Un roi n’a pas le droit d’être attaché au monde matériel et physique car il ferait des erreurs de jugement (ex : si un roi n’aimait qu’Ispahan, s’y installait et ne s’occupait que de lui… qu’adviendrait-il du pays entier et des populations ?)

Un roi devient un bon roi lorsqu’il ne veut que le meilleur pour son pays.

Mais le roi de cette histoire qui, en vérité, symbolise notre propre vie intérieure, commet justement cette erreur. A cause de sa faiblesse liée à la concupiscence qu’il laisse se développer en lui, il tombe amoureux d’une personne plus "petite" que lui. Et il perd tous ses moyens lorsque l’esclave tombe malade. Il ne s’occupe de rien d’autre et est totalement désespéré.

L’amour n’est pas remis en question, mais Mowlânâ veut nous amener à comprendre l’Amour Véritable.

Livre 1 vers 115

"En parlant de l’amour, l’intellect gît impuissant, tel un âne couché dans la boue : c’est l’Amour seul qui a donné l’explication de l’amour et du sort des amoureux."

L’Amour Véritable est l’intellect véritable ou la raison véritable.

Le roi, notre djân (le principe vital) et l’esclave notre corps

Le roi qui ne pense qu’à son corps n’est pas raisonnable, et le roi qui ne pense qu’à son djân (sa vie) ne l’est pas non plus.

Le djân est ce qui nous garde en vie. Nous l’appelons souvent "âme", mais ce n’est pas l’âme. Le djân est le principe vital, c’est ce qui nous permet d’être en vie au même titre que les végétaux, animaux, et le reste. Ce qui nous différencie, c’est notre possibilité de créer par notre pensée ou notre esprit puis par nos actes l’environnement nécessaire qui puisse faire place à l’âme.

Nous naissons. Nous avons un djân. Enfant, nous développons notre personnalité avec notre esprit qui lui sait différencier le bien et le mal. C’est l’esprit qui donne les ordres au djân, et le djân au corps. C’est grâce à notre esprit, à nos pensées, que nous pouvons purifier notre djân. Si nous pensons "bien", alors nous deviendrons "bien", et si nous pensons "mal", alors nous deviendrons "mal". Donc la purification du corps et de l’esprit commence tout deux par l’esprit puisque c’est l’esprit qui choisit à la fois ce que l’on mange et ce que l’on pense.

Pour comprendre la différence entre le djân et l’esprit, nous pouvons dire que dans un état de coma, nous possédons toujours notre djân, mais notre esprit est ailleurs. Au moment de la mort, c’est le djân qui disparaît.

La perfection de l’Amour et l’intellect (liée à l’esprit) est la création de l’équilibre. Et c’est dans l’équilibre que se crée l’environnement propice à la descente de l’âme dans notre corps.

Notre roi (celui de cette histoire) comprend très vite que ce qu’il a acheté et dont il est tombé amoureux est malade. Nous sommes clairement convaincus que l’âme ne peut être malade, c’est le djân qui peut être malade lorsqu’il est sorti de son état d’équilibre. Et c’est de cela que souffre la jeune esclave.

Lorsque nous parlons du roi et de l’esclave, il ne s’agit pas de deux personnes dont l’une est d’un rang social, et l’autre d’un rang plus bas. Le roi est un outil important dont nous avons besoin constamment pour vivre, comme pour respirer.

En vérité, ce roi est notre djân.

Le roi a choisit la jeune esclave avec son esprit. Et par ce choix, il a mis son djân au service de son corps. Alors que le corps doit toujours rester au service de l’esprit et du djân.

La jeune esclave est notre physique qui doit être contrôlé par le roi. Si notre corps est au service de notre roi, ou tout simplement son ami, tout va bien. Mais si notre roi devient esclave de notre corps et que toutes les envies du roi ne sont que celles de son corps, alors on sort totalement de l’équilibre.

Celui-là est raisonnable qui choisit des amis plus raisonnables que lui et qui ont eux trouvé un équilibre dans leur vie.

Trois autres esclaves : L’attachement au monde, la jalousie et la colère appelés aussi les trois souris

Nous avons évoqué dans les articles précédents certaines de ces "esclaves" qui nous font descendre de notre royauté : la colère, l’attachement au monde et la jalousie.

Est-ce que nous mangeons par le nez ? Ou par notre oreille ? Non, alors que nos oreilles et notre nez ont un chemin vers notre intérieur. Mais c’est bien la bouche que nous utilisons pour manger. Tant que nous sommes dans l’équilibre, tout va bien. Mais si nous voulons manger par l’oreille, alors nous le perdons. Pourquoi ? Parce que nous perdrons l’ouie, et aurons toujours faim.

S’agissant de la colère, si elle est contrôlée, elle nous aide à trouver l’équilibre.

Un exemple : si nous subissons une cruauté, si nous la colère ne venait pas en nous, alors nous ne comprendrions pas qu’il s’agit de la cruauté. Si nous nous mettons en colère, c’est que nous comprenons la différence entre la cruauté et la non cruauté.

Si nous utilisons la colère dans ce même instant, ce n’est pas bon car nous sortons de l’équilibre, mais si nous contenons notre colère sans l’exposer, elle nous donne une force qui nous permet de trouver le chemin pour sortir de la cruauté.

Ce n’est donc pas la colère qui est mauvaise, mais la manière de l’exposer et le moment de l’utiliser qui est important. Car en parlant de contrôler la colère, notre but n’est pas non plus de devenir des "aubergines".

Concernant l’attachement au monde et la jalousie, c’est la même chose. Ils ne sont pas mauvais en soi. S’ils sont utilisés au bon moment et au bon endroit, ils peuvent même nous aider à nous élever et à nous perfectionner.

L’attachement à Dieu, l’attachement à notre conjoint, aux bontés de nos amis, aux arbres, à la nature nous permettent de rester toujours dans l’équilibre.

La jalousie envers quelqu’un qui sait ne pas s’énerver, la jalousie envers les bonnes choses n’est pas non plus de la jalousie.

En se libérant des besoins matériels superficiels que peut avoir notre djân à travers notre corps, nous nous libérons en même temps des trois souris [2] ; car en vivant pour notre esprit et non pour notre corps, alors notre colère, notre jalousie ou notre attachement au monde ne se déclenchent plus pour notre petite personne, mais pour des raisons plus grandes liées à notre esprit de justice et de vraie grandeur.

Le hakim et l’orfèvre

Dans cette histoire, nous avons quatre personnages : le roi, la jeune esclave, le vieux sage (ou hakim) et l’orfèvre. Nous avons dit que le roi est notre djân, la jeune esclave notre corps.

Et nous considérons que le hakim (ou le vieillard) est notre équilibre et l’orfèvre nos envies physiques.

Notre djân (roi) tombe amoureux de notre corps (jeune esclave), notre corps (jeune esclave) des plaisirs physiques (orfèvre), et le hakim (sage) est celui qui vient créer l’équilibre entre eux tous.

Tuer l’orfèvre en vérité sert à rétablir l’équilibre. Il ne s’agit pas ici de tuer un homme.

Notre corps, qui est la jeune esclave de notre propre histoire, est coincé entre son djân, c’est-à-dire son roi, et ses envies physiques qui lui viennent de l’extérieur, l’orfèvre.

Le hakim montre la vérité de l’orfèvre à la jeune esclave, et c’est à partir de ce moment-là que la jeune esclave, elle-même libérée, peut voir la vérité et la grandeur du roi, donc de son djân. Elle retrouve alors sa place qui est de servir son roi : notre corps doit être au service de notre djân et de notre esprit.

Pour arriver à un esprit pur, notre hakim doit se trouver entre notre djân et notre esprit. Et petit à petit, le roi deviendra lui-même hakim.

L’équilibre dans la connaissance

Ce qui nous amène à l’équilibre, c’est la connaissance.

Le roi se trompe en allant vers les médecins qui sont des médecins en apparence parce qu’ils ne connaissent pas la maladie de la jeune femme.

Mais lorsqu’il s’endort dans la mosquée, qu’il atteint son hakim et fait connaissance avec lui, il finit par comprendre qu’il n’était pas amoureux de l’esclave, mais qu’il est maintenant vraiment amoureux de son "sage intérieur".

Nous constatons ici que le hakim ne tue pas la jeune esclave pour libérer le roi. Il lui montre la vérité de ses désirs physiques afin qu’il les connaisse. La jeune esclave peut devenir reine en devenant la femme ou l’amie du roi, mais elle ne peut devenir roi.

C’est dans ce point que la différence entre les religions d’Abraham qui nous aident à devenir amis avec notre corps et les autres philosophies qui "tuent" la jeune esclave ou le corps en le mettant en prison, en lui imposant des interdictions drastiques.

Encore une fois, le roi (djân) peut devenir ami avec la jeune esclave (son corps), mais elle ne peut pas devenir son esclave.

Mowlânâ veut nous montrer une solution pour trouver l’équilibre entre notre djân et notre corps.

Ce qui nous sauve le djân, le réveille et rend actif notre hakim, c’est la connaissance. Et la connaissance commence par l’acceptation de l’évidence que nous ne savons rien, comme le disait Socrate, mais que nous nous devons de savoir ; lorsque cet équilibre est établi chez l’être humain, alors il est prêt à recevoir l’âme.

"Ô frère, tu es esprit, le reste n’est de la chair et os

Si ton esprit pense "fleur", alors tu es un champ de fleurs

Si ton esprit pense "épine", alors tu es bon à brûler dans une cheminée"

Notes

[1Edité chez Albin Michel, dans la collection "Spiritualités vivantes".

[2Cf. Article précédent paru dans le numéro 27 du mois de février.


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