N° 120, novembre 2015

Nouvelles sacrées (XXIII)
Les fronts nord-ouest


Khadidjeh Nâderi Beni


En 1987, l’Iran change de tactique avec les opérations de Karbâlâ 10 et Fath 5 (le mot signifiant "victoire") qui sont réalisées simultanément sur une vaste région allant du nord-ouest de l’Iran jusqu’au nord de l’Irak. A la base de cette tactique, il y a l’idée que la déroute de l’armée irakienne ne pourra se réaliser qu’avec des opérations menées sur plusieurs fronts simultanément. Cette idée émerge en 1985 quand, dès la fin de l’opération victorieuse de Badr [1], la situation exige qu’on lance plusieurs opérations irrégulières pour affaiblir les forces irakiennes.

A l’époque, les commandants iraniens estiment que de grandes opérations classiques ne permettraient pas de diminuer la puissance de feu irakienne et décident de poursuivre une stratégie basée sur de courtes attaques-surprises. Toutefois, le manque d’équipements constitue une difficulté sérieuse dans la mise en pratique de cette nouvelle stratégie. C’est pourquoi il est finalement décidé de monter deux opérations à lancer simultanément : l’une régulière (Karbâlâ 10), et l’autre irrégulière (Fath 5).

Pour ce faire, le Sepâh établit la base de Ramadân dont la mission principale est de recruter et de former des troupes pour les opérations irrégulières. Durant le recrutement, des Kurdes irakiens rejoignent les rangs de l’Iran avec lequel ils partagent le même objectif : défaire l’armée de Saddam. Parallèlement, la nécessité d’engager de nouveaux fronts à l’ouest et au nord-ouest du pays pour atteindre certains objectifs se fait remarquer. Il s’agit de : 1) affaiblir la puissance militaire de l’Irak en l’engageant sur plusieurs fronts ; 2) diminuer la pression irakienne sur les territoires du sud. 3) Limiter la présence militaire de l’Irak dans les régions sud et profiter de cette occasion pour planifier de nouvelles stratégies. 4) réduire la menace du groupuscule des Monâfeghins [2] à l’ouest du pays en augmentant les effectifs dans cette région.

Opération Karbâlâ 10

La vaste opération de Karbâlâ 10 débute le 14 avril 1987 à 2 h du matin et dans la région de Mâvout [3]. La zone opérationnelle, qui s’étend de Sardasht, dans la province de l’Azerbâidjan de l’Ouest, jusqu’au nord de Soleymânieh, comprend un bon nombre de hauteurs et de vallées difficiles à passer. La montagne de Gârou, qui est le sommet le plus élevé de la région, abrite quelques petits villages kurdes. De plus, il y existe de vastes forêts qui facilitent le va-et-vient des forces opérationnelles même pendant le jour. D’ailleurs, la présence militaire de l’armée ennemie dans cette région n’est pas très conséquente.

Les forces d’infanterie de la base de Nadjaf sont engagées sur les fronts nord-ouest alors nouvellement ouverts dans le cadre de l’opération régulière. Cette opération est appuyée par l’opération irrégulière de Fath 5, exécutée par les forces armées de la base de Ramadân, dont les troupes sont appuyées par des rebelles Kurdes irakiens. Le 14 avril 1987 à 2 h du matin, l’opération de Fath est donc amorcée à partir de l’axe de Soleymânieh. Dans l’ensemble, l’armée irakienne est surprise par ces nombreuses attaques lancées à partir de plusieurs axes, les plus importants étant la ville de Mâvout, les collines de Tchankâvi, les hauteurs de Goudjân, Ghomeysh, Bassin, Ghareh Dâgh, et la rivière de Ghal’eh Tchoulân.

La phase principale des deux opérations consiste à faire se rejoindre toutes les forces opérationnelles (régulières et irrégulières) dans un endroit précis. Dans la planification de ces opérations, les commandants iraniens prennent en considération quelques points essentiels : 1) la jonction des forces à l’ouest de Ghal’eh Tchoulân, 2) l’élaboration d’une route permettant la liaison des forces opérationnelles, 3) la mobilisation de forces logistiques pour soutenir les unités opérationnelles.

Opération Fath 5

Avec le commencement de l’opération Karbâlâ 10, les forces de la base de Nadjaf sont surprises par des chutes massives de neige sur les sommets de Tchankâvi. En revanche, les unités de la base de Ramadân arrivent à consolider leur position sur les sommets de Goudjâr en territoire irakien. Le lendemain après-midi, l’armée irakienne lance des contre-attaques qui échouent. Après avoir dominé les autres hauteurs de cette région dont les monts de Galân, Jâjileh, Garmâvand, etc., les forces irrégulières ouvrent des routes permettant le passage des unités opérationnelles. L’Iran, conscient de l’importance stratégique de Soleymânieh et de ses districts, engage quelques unités très équipées pour lancer des contre-attaques. Les combats se prolongent pendant dix jours, et les forces iraniennes arrivent à atteindre tous les objectifs prévus. La collaboration des combattants kurdes avec les forces iraniennes lors de l’opération Fath 5 aboutit à la libération de près de 50 villages kurdes et des hauteurs limitrophes de Soleymânieh dont Esbidâr, Ghareh Dâgh, Kalân, etc.

Les troupes iraniennes prennent en outre le contrôle de la route Mâvout-Soleymânieh. Les équipements de radiotélévision du nord de l’Irak sont complètement détruits ; de plus, des pertes conséquentes sont subies par l’armée irakienne : des centres militaires, dont le QG de la troupe 27 de l’infanterie, sont détruits ; plus de 1500 soldats irakiens sont tués, blessés ou capturés ; et enfin, une dizaine de chars et véhicules ainsi qu’un bon nombre d’équipements militaires sont anéantis.

Source :
- Amiriân, Mohammad, Seyri dar târikh-e djang-e Iran-Arâgh (Aperçu sur l’Histoire de la guerre Iran-Irak), 5 vol., Centre des études et recherches de la Guerre, Téhéran, 1367/1988.

Notes

[1Voir notre article « Combat à l’est du Tigre », n° 117, août 2015, consultable à l’adresse : http://www.teheran.ir/spip.php?article2104

[2Gorouhak-e Monâfeghin ; « Monâfegh » est un mot arabe qui signifie « hypocrite ». Pour en savoir plus, voir notre article « Du Forough-e Djâvidân à Mersâd », n° 105, août 2014, consultable sur : http://www.teheran.ir/spip.php?article1933

[3Ville située au voisinage de Soleymânieh, au nord de l’Irak.


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