N° 27, février 2008

Nos rois intérieurs vus par Mowlânâ


F. L. Miremadi, S. Nafici


Que nous le voulions ou non, nos actes sont influencés par nos pensées (et/ou notre esprit).

Dans la continuité de l’article du mois de décembre qui concernait deux histoires de perroquets tirées du Masnavî de Djalâl-o-Dîn Mohammad Mawlawî de Balkh, nous nous proposons ici de comparer les histoires qui figurent au début du livre 1er et dont les personnages principaux sont des rois.

Le Masnavî est composé de six livres et un total de vingt-cinq mille vers, qui ont été dictés par Mowlânâ et notés par son plus cher disciple, Husâm al-Dîn. C’est un peu à ce dernier que nous devons ce chef d’œuvre, puisque Mowlânâ enseignait son savoir et clamait ses vers dans les rues en dansant. Mais Husâm al-Dîn lui déclara qu’avant de disparaître, il se devait de transmettre son savoir le plus complètement possible par écrit afin que d’autres après lui puissent y avoir accès. C’est ainsi qu’ils se mirent l’un - Mowlânâ - à dicter, l’autre - Husâm al-Dîn - à écrire, ces vers qui nous transportent pas à pas au plus profond de notre être.

Il parle des religions, des animaux, des rois, des prophètes, et de tant d’autres personnages… Tous sont une partie de nous ; tous ces personnages et ces situations décrivent nos états intérieurs. Mowlâna nous permet de les connaître et par conséquent nous amène à mieux les maîtriser et les diriger.

Il nous présente plusieurs rois :
- le premier est tombé amoureux d’une jeune esclave,
- le second tue les chrétiens,
- le troisième voit Leilâ (la Leilâ de Madjnoun), mais ne la voit pas,
- le quatrième qui, pour défendre Moïse, jette les chrétiens au feu.

Dans un premier temps, nous allons évoquer les quatre histoires. Certaines sont soit étoffées soit raccourcies par rapport à l’original composé sous forme de vers.

Mis à part la première histoire, les textes des trois autres sont extraits des livres en cours d’édition, Tout le Masnavî pour tous, qui reprennent l’ensemble des histoires du Masnavî dans leur ordre originel, transcrites dans un langage simple en français et en persan, pour les petits et les grands.

Au début du Masnavî, Mowlânâ nous parle du Ney, la flûte, qui évoque ses joies et ses tristesses. Cette flûte, c’est notre propre personne et le souffle qui sort d’elle est le nôtre. C’est le Ney qui raconte toutes ces histoires et dans l’édition mentionnée ci-dessus ; et c’est aussi le Ney qui nous donne la morale des histoires dont nous reprenons à la fin de cet article certains passages.

Nous nous posons la question suivante : pourquoi Mowlânâ commence-t-il son livre en évoquant quatre rois ? Peut-être est-ce pour nous dire que nous sommes nous même des rois, que nous sommes notre propre roi et que nous pouvons faire les choix nous amenant à ressembler à l’un de ces quatre.

En les comparant, nous avons essayé de nous rapprocher le plus possible du message qu’a voulu nous transmettre Mowlânâ. Ce qui suit est notre avis ; il peut en exister d’autres.

Le roi et la jeune esclave.

Un jour, un roi monta sur son cheval et partit à la chasse. En chemin, il rencontra une jeune esclave et en tomba amoureux. Il l’acheta à ses parents, et l’emmena dans son palais. Mais la jeune femme tomba très vite gravement malade. Même les meilleurs médecins ne purent la soigner et comprendre de quoi elle souffrait. Chaque jour, son état empirait.

Le roi décida de demander l’aide de Dieu en se rendant pieds nus à la mosquée. Il se mit à pleurer et à implorer Dieu afin qu’il sauve sa bien-aimée sans laquelle il se sentait perdu. Au milieu de ses larmes et de ses prières, il finit par s’endormir. Il vit en rêve un vieil homme qui lui annonça que le lendemain, un sage viendrait pour l’aider, et qu’il devrait faire tout ce qu’il lui dirait afin que la jeune esclave soit sauvée.

Le lendemain, un sage vint, en effet. Il demanda à rester seul avec la jeune femme. Il lui prit le poignet pour sentir son pouls tout en lui posant mille questions sur son passé : les villes dans lesquelles elle avait vécu, les personnes qu’elle y connaissait. Lorsqu’il évoqua Samarkand, son pouls s’accéléra, et il comprit qu’elle était amoureuse d’un orfèvre qui y travaillait. Le sage demanda alors au roi de faire venir l’orfèvre, et de le marier à la jeune femme. Le roi respecta l’ordre donné dans son rêve, envoya des fidèles afin qu’ils ramènent l’orfèvre dans son palais en l’attirant avec de beaux discours et des promesses de richesse. Sitôt arrivé, ils lui demandèrent d’épouser la jeune femme, qui dès cet instant, se remit en effet de sa maladie jusqu’à une guérison totale.

Après quelques mois de bonheur, l’orfèvre tomba à son tour malade. Comme il était devenu laid et pâle, peu à peu l’amour de la jeune femme pour lui se refroidit. Il finit par mourir, et la jeune femme n’en fut cependant pas attristée pendant très longtemps.

" Ces amours qui sont fondées sur une apparence extérieure ne sont pas l’amour : à la fin, elles sont une calamité."

1) Le roi se trompe en tombant amoureux d’une personne qui n’est pas du tout de son rang.

2) Dans son action, à cause de sa première erreur, il se trompe à nouveau : au lieu de chercher à voir si la belle esclave est aussi amoureuse de lui, il donne de l’argent pour l’acheter parce qu’il croit que tout le monde doit aimer le roi ; et il croit que la royauté consiste dans le pouvoir et l’argent.

3) En achetant la jeune esclave, il pense la posséder et avoir le droit de lui faire l’amour. Mais elle ne lui donne pas cette possibilité puisqu’elle tombe malade.

4) Avec la maladie de la jeune esclave, le roi commet une autre erreur en invitant les médecins pour soigner sa bien-aimée et en leur faisant confiance. De plus, ce geste est motivé par son amour pour le corps de la jeune femme, et non pour son âme.

5) En faisant le choix de faire confiance aux médecins, le roi n’a fait qu’affaiblir sa bien-aimée.

6) Notre roi considère que le non rétablissement de la jeune femme, est lié à l’incompétence des médecins.

7) Notre roi croit à l’invisible. L’impuissance des médecins l’amène donc à se tourner vers la voie de l’invisible.

8) Il choisit la mosquée, le Mehrâb, la prière, les pleurs, et la conscience de son incompétence comme moyens pour arriver à son but.

9) En choisissant ces outils, notre roi atteint le hakîm (sage) de son existence et peut se donner la chance d’atteindre la connaissance en se sauvant de l’aveuglement, de la surdité et de la faiblesse.

Le roi et le vizir rusé

A une époque inconnue, vivait un roi cruel qui n’aimait pas les chrétiens. Il les emprisonnait et les tuait. Il croyait que Moïse était un meilleur prophète que Jésus et que personne ne devait avoir une autre religion que celle de Moïse.

Mais plus il tuait les chrétiens et les oppressait, plus ces derniers devenaient nombreux.

Le roi avait un vizir très rusé. Ce dernier conseilla au roi de ne pas se donner tant de mal. Les chrétiens ne diminueraient pas en étant tués. Et il se proposa de s’occuper de leur destruction. Le roi décida de lui faire confiance. Le vizir demanda à être emprisonné et que son oreille soit coupée, puis qu’il soit envoyé chez les chrétiens.

Avec son oreille coupée et son corps ensanglanté, le vizir alla vers les chrétiens. En le voyant dans un tel état, ces derniers lui donnèrent refuge.

Le vizir se présenta à eux comme le messager de Jésus. Il commença à tenir des beaux discours qui les amenèrent à lui faire confiance.

Le vizir et le roi considéraient les prophètes sur la base de leurs apparences et non au travers de leurs esprits et de leurs pensées. Ils ne voulaient pas croire que tous les prophètes n’étaient en réalité qu’une seule personne et un même esprit parlant d’un Dieu unique, et que la lumière qui brille dans leur cœur vient du soleil unique de la foi.

Leur ignorance les amenait donc à devenir jaloux de la foi des chrétiens, et à imaginer de multiples plans en vue de la détruire.

Chaque jour, le nombre de chrétiens se ralliant au vizir augmentait.

A cette époque, les chrétiens étaient divisés en douze tribus qui cohabitaient très en paix grâce à leur croyance commune. Et les douze chefs de tribus avaient cru en ce vizir cruel et rusé.

Le vizir menteur écrivit douze lettres pour les chefs de tribus dans lesquelles il parlait de la religion de Jésus. Il avait pris le soin de faire en sorte que les douze lettres soient différentes.

Le vizir menteur inventa un autre stratagème pour l’éradication des chrétiens. Il s’enferma 40 jours dans sa chambre et ne parla à personne. Les chrétiens pleuraient derrière la porte de sa chambre et l’imploraient de sortir afin qu’il leur parle de la religion de Jésus. Mais lui ne venait pas afin de les garder dans l’attente.

Le vizir communiqua en cachette avec les chefs de tribus. Il parla séparément à chacun d’eux et leur dit : "Après moi, c’est toi qui sera mon successeur. Prends cette lettre et applique ce qui est écrit car elle vient de la part de Jésus. Et fais la guerre à celui qui n’a pas cru en toi. Sache que les autres chefs diront qu’ils ont une lettre semblable à celle-ci, mais ils mentiront. Ne fait preuve d’aucune indulgence envers eux."

Après ces douze rencontres secrètes, le vizir menteur se suicida. Les chrétiens furent très tristes et portèrent son deuil pendant de longs jours. Un jour, les gens dirent aux chefs : "Lequel d’entre vous est son successeur ?" Les douze chefs sortirent chacun leur lettre et dirent : "Moi !"

De cette façon, le vizir menteur sema la discorde parmi les chrétiens et les tribus chrétiennes, et les contraignit à se faire la guerre, au lieu de croire en Dieu et de cultiver leur amitié commune.

1) Le roi se trompe en établissant une différence entre Moïse et Jésus.

2) Sa première erreur l’amène à en commettre une deuxième : il croit qu’en tuant les chrétiens, il peut éliminer l’esprit de Jésus.

3) Il se sert de son pouvoir pour concrétiser ses propres désirs. Mais les épées pointues de ses soldats, même si elles coupent les mains et les jambes des chrétiens, ne peuvent éliminer la croyance qui est dans leur cœur.

4) Reconnaissant son incapacité à faire disparaître les chrétiens, le roi écoute et fait confiance aux ruses de son vizir.

5) En s’engageant dans cette voie, ce roi a choisi le chemin sinueux. Et à chaque instant, il s’éloigne de la Vérité.

6) En faisant confiance aux ruses de son vizir, le roi se tranquillise alors qu’il ignore de quelle ruse son vizir va user.

7) Notre roi se considère vainqueur. Par conséquent, quand le vizir lui demande de lui couper l’oreille et les mains, il le fait et croit encore plus en son vizir.

8) Ce roi-là a choisi les outils suivants pour arriver à son but : le mensonge, la ruse, considérer Jésus et Moïse comme des êtres fondamentalement différents, tuer les chrétiens.

9) Il ne reste d’autre issue que de couper les mains du vizir et son oreille, et de devenir lui-même aveugle à la Vérité et non-croyant, ce qui aboutit à leur suicide (celui du vizir revient un peu au même que celui du roi) dans la "saleté". Même si en apparence ce roi crée des conflits au sein des chrétiens, en réalité, il ne fait que se détruire lui-même.

Le roi et Leilâ

Un jour, un roi vit un jeune homme qui vivait en plein désert, pleurant et malheureux. Il demanda : "Qui est ce jeune homme ?"

On lui répondit : "Il est l’un des fils d’un riche Arabe et veut épouser une femme nommée Leilâ qu’on ne lui donne pas. Et lui, par amour pour elle, est venu dans le désert."

Le roi demanda : "Quel est le nom de ce jeune garçon ?" On répondit : "Madjnoun."

Le roi ordonna : "Emmenez Leilâ afin que je vois la beauté qui a rendu cet homme si amoureux."

On amena Leilâ au roi. Le roi dit : "Eh, Leilâ, mais tu n’es pas si belle !" Et Leilâ répondit : "Silence ! C’est parce que tu n’es pas Madjnoun. Toi, tu ne vois que mon apparence et la compare à celle des autres femmes. Mais Madjnoun est amoureux de mon esprit et il me voit avec les yeux de l’amour véritable."

1) Le roi se trompe car il considère que l’amour de Leilâ et Madjnoun est basé sur les apparences.

2) La première erreur l’a aussi amené à commettre la deuxième : il pensait qu’en voyant le corps de Leilâ, il pourrait comprendre ou connaître l’amour de Madjnoun.

3) Il ne peut voir la réalité de Leilâ même si elle se tient devant lui parce qu’il ne voit l’amour que dans sa dimension physique et extérieure.

4) Ce roi n’est pas tombé amoureux et ne veut tuer personne. Il veut juste trouver une réponse à sa propre question. Mais il utilise un moyen qui ne convient pas : il s’agit de ses yeux de chair, qui ne peuvent voir que l’aspect extérieur des choses.

5) En choisissant sa vue comme instrument de jugement, le roi se prive de la Vérité de Leilâ.

6) Ce roi ne croit en rien d’autre que ce qu’il voit avec ses yeux, c’est pourquoi il prend tout à la légère. Il ne croit pas qu’il puisse exister autre chose derrière les apparences.

7) Ce roi n’a d’autre issue que de se ridiculiser lui-même, et c’est ce qui se produit. Il n’atteint pas les connaissances de Madjnoun et il restera aveugle pour toujours.

8) Les outils qu’il utilise pour atteindre son but sont : la vision de l’apparence, le ridicule, se croire plus grand que les autres.

9) Ce roi est tellement vide qu’il n’y a même plus rien à en dire.

Le roi et le feu1

Il était une fois un roi qui n’aimait pas Jésus et qui importunait les chrétiens.

Un jour, le roi ordonna que l’on fasse un grand feu et que l’on place une idole à côté.

Et il ordonna aux chrétiens de se prosterner devant l’idole, sinon, ils seraient envoyés dans le feu.

Pour échapper à cette mort atroce, les gens se prosternaient devant l’idole.

Arriva le tour d’une femme qui avait un enfant dans les bras et qui croyait profondément en Jésus. Elle refusa de se prosterner devant l’idole, et le roi, pour la forcer, ordonna que l’on jetât son enfant dans le feu.

Au moment où la femme allait finalement se prosterner pour sauver son enfant, celui-ci, qui avait déjà été jeté dans les flammes, se mit à crier : "Mère, mère, ne te prosterne pas… il n’y a pas à avoir peur de ce feu… ce n’est qu’un feu en apparence… Dieu l’a transformé en jardin pour ses amis."

La mère alla alors à l’intérieur du feu et le reste des chrétiens suivirent son exemple, et ne se prosternèrent plus devant l’idole.

Le roi se mit en colère et ordonna cette fois aux soldats d’empêcher les gens d’aller dans le feu.

Les gens qui s’étaient prosternés devant l’idole par peur du feu, s’y dirigeaient maintenant eux aussi.

Les soldats éloignèrent les gens du feu et le roi entra dans une profonde colère.

Et il s’adressa au feu et lui demanda pourquoi il ne les avait pas brûlés. Le feu répondit qu’il n’en avait pas reçu l’ordre.

Puis le roi dit : "Toi qui brûles même ceux qui te prient ; pourquoi ne brûles-tu pas les chrétiens qui ne te prient pas ?"

Le feu répondit : "Dieu ne m’a pas donné le droit de les brûler."

Le roi lui rétorqua : "Peut-être as-tu perdu ton pouvoir de brûler !"

Le Feu, sûr de lui : "Viens toi-même dans le feu, et je te montrerai si j’ai perdu mon pouvoir !"

Le roi ne tira pas la leçon de cet évènement et continua à ennuyer les chrétiens malgré leurs supplications. Face au refus obstiné du roi, le feu devint de plus en plus grand, jusqu’à brûler son palais et le roi lui-même.

1) Le roi se trompe en pensant qu’il peut éliminer un croyant en le menaçant par le feu.

2) Sa première erreur l’a amené à commettre la deuxième : il pense que comme il a des "lèche-bottes" autour de lui, le feu est aussi à son service.

3) Même si les chrétiens se sont prosternés devant son idole, c’était en apparence, juste pour sauver leur vie. Mais leur âme et leur cœur restaient quand même avec Jésus.

4) Ce roi ne fait confiance à personne d’autre qu’à lui-même. C’est donc lui qui commet la plus grande erreur. Quand la femme croyante refuse de se soumettre et de se prosterner, il jette son enfant dans le feu.

5) Ce roi jette l’enfant d’une croyante dans le feu ; la croyance de la femme, à cause de son amour pour son enfant, se met à vaciller. Le roi n’a pas la possibilité de voir la Vérité ; il reste aveugle devant Elle.

6) Ce roi pense qu’il ne peut faire confiance ni parler à personne, et considère que lui-même sait tout sur tout, car il ne croit pas en l’invisible et aux choses qui échappent à la connaissance sensible. Mais il pense également qu’il est en train de défendre Moïse.

7) En réalité, il a perdu la face lorsque l’enfant jeté dans les flammes s’est mis à parler. Il est encore aveugle et ne voit pas que les autres personnes vont dans le feu et ne brûlent pas. Ses yeux voient mais son esprit ne peut accéder à la connaissance.

8) Il a choisi l’égoïsme, l’égocentrisme, de se cacher derrière la religion et de se considérer plus grand qu’il ne l’était comme moyen pour arriver à son but.

9) Il ne verra donc pas les signes lui permettant d’atteindre la connaissance, et même s’il est capable de parler avec le feu, il ne saura véritablement entendre ses conseils. Bien que les autres lui disent d’arrêter ce carnage, il s’obstine dans ses erreurs et ses cruautés. Il n’a donc d’autre issue que la disparition par le feu de la cité, du château et du roi tyranniques.

Ce qui ressort de ces comparaisons

Commençons par ce dernier roi, le quatrième, et gardons le meilleur - le premier roi - pour la fin.

Le quatrième roi ne croit en personne d’autre qu’en lui-même. Il est cruel, jaloux de la croyance des chrétiens et reste très attaché à ce monde et à son pouvoir. Sa plus grande erreur est de persister dans ses erreurs et de ne jamais vouloir les reconnaître.

Le destin de ce roi est de finir dans les flammes parce qu’il ne respecte pas la croyance des autres et ne croit qu’en lui-même.

Il perd à la fois dans ce monde, mais aussi dans l’autre (celui de la vie après la mort) ; nous pouvons dire encore qu’il perd à la fois dans la face du monde, mais aussi dans sa Vérité.

Le troisième roi est un peu représentatif d’une grande partie d’entre nous. Il ne voit que les apparences. Il ne fait ni le bien, ni le mal, mais il est ignorant, même un peu vide.

Nous avons mille beautés qui nous entourent et viennent à nous chaque jour, et nous passons simplement à côté d’elles sans essayer de comprendre le secret et la grandeur qui existent en elles.

Ce roi nous dit que nous avons une Leilâ merveilleuse cachée en chacun de nous, mais dont nous ne voyons pas la beauté car nous ne sommes pas Madjnoun.

Que faut-il faire pour être Madjnoun ? Peut-être commencer par suivre la voie du premier roi.

De plus, ce roi a l’air inoffensif, mais il n’est pas à l’abri de devenir cruel et jaloux comme celui qui précède (le roi précédent) et celui qui suit, car son environnement fondé sur les apparences peut laisser place à toutes sortes d’influences qui pourront le faire vaciller.

Le deuxième roi est trompé par sa colère et sa jalousie qui l’empêchent de voir juste.

Il voit double et perçoit Moïse et Jésus comme différents, alors que leur esprit n’est qu’un.

Le Ney nous dit : "Celui qui se laisse envahir par la colère ou l’attachement au monde matériel, dérive et finit par voir double. Tous les messagers ne sont qu’un et si quelqu’un manque de respect à l’un, il a manqué de respect à tous. Ceux qui ont le même esprit sont une seule âme dans plusieurs corps."

Les chrétiens se sont laissés complètement aller en faisant confiance au vizir, "mais toute personne parlant bien n’est pas forcément quelqu’un de bien, étant donné que les belles paroles doivent être accompagnées de bonnes actions. Se laisser tromper par les apparences n’aboutit qu’à l’ignorance et à la destruction."

Mowlânâ évoque dans le livre original au milieu de ces histoires un autre récit, qui est imagé et permet de retenir des points essentiels. Il s’agit du "grenier à blé" qui a été repris de l’adaptation du Masnavî citée au début de l’article :

" L’humain qui ne se satisfait que de bonnes paroles et de belles apparences est comme quelqu’un qui sème du blé, le récolte, mais le garde dans un grenier rempli de souris. Il finit par perdre une grande partie de ce qu’il récolte à cause des souris qui la mange. Par conséquent, son grenier ne se remplit jamais.

Il faut essayer de récolter les bonnes paroles et les bonnes actions dans la grange de notre existence en éliminant les souris de la colère, de l’attachement au monde matériel et de la jalousie."

Ce deuxième roi a transformé ses trois "souris" en pouvoir négatif qui se sont rassemblées dans le vizir de son existence. Il gagne à la face du monde puisqu’il réussit à éliminer les chrétiens. Mais il s’est caché derrière la religion pour les détruire et ne sera pas gagnant dans l’autre monde qui est la Vérité du monde.

Les chrétiens et le vizir représentent certains traits de notre personnalité. Nous nous trompons souvent nous-mêmes avec la religion car si nous allons au temple juste pour dire aux autres que nous sommes croyants, alors nous détruisons notre vraie croyance.

Le premier roi est le seul qui soit vraiment gagnant. Il est roi et pourtant, il a su comprendre ses erreurs, devenir humble en se rabaissant de son rang et en prenant la bonne direction pour trouver une solution à ses maux.

Avoir choisi la bonne voie lui a apporté aussi la connaissance : celle de comprendre ce qu’est l’amour véritable et en quoi consiste le véritable Pouvoir.

Il a su ne pas être jaloux, ne pas se mettre en colère, et comprendre qu’il s’était laissé emporter par la concupiscence en pensant pouvoir posséder l’amour d’une femme.

Ce roi a rencontré son hakîm, son Sage, qui existe en chacun de nous. Il a su donner le pouvoir à sa mosquée intérieure et non seulement se sauver dans ce monde, mais également dans l’autre.

Conclusion

A travers ses histoires, Mowlânâ nous rappelle certains aspects essentiels de notre être et nous donne les solutions pour trouver le bon chemin. En outre, il est facile de retenir ses histoires, alors que les conseils sont vite oubliés.

Il nous apprend que seule la politesse et l’humilité nous sauvent et qu’il est important de prendre conscience de nos erreurs et de savoir reconnaître que nous nous sommes parfois trompés.

Il nous rappelle que le Pouvoir est ailleurs, entre les mains de Celui que l’on ne voit pas, et que c’est Lui seul qui peut nous donner la vraie Vue et nous sauver de situations qui semblent sans issues.

Il n’existe qu’une seule Vérité ; celle de Jésus ou celle de Moïse ne peuvent pas être différentes.

Celui qui voit des différences entre elles s’est laissé envahir par les "souris" de la colère, de la jalousie et de l’attachement au monde terrestre.

Ce sont ces trois influences qu’il est indispensable d’éloigner de soi pour pouvoir émettre de meilleurs jugements, faire les bons choix et avoir une chance d’arriver à la connaissance intérieure. Sinon, nos jugements seront erronés, nos pensées et par conséquent nos actions, prendront de mauvaises directions et nous conduiront à notre propre perte.

La connaissance est le paradis de notre intérieur. Et celui qui l’atteint n’aura plus peur de rien et ne connaîtra plus le chagrin.

C’était l’anniversaire de la naissance de Jésus il y a de cela quelques semaines ; voici donc pour terminer un extrait de l’évangile selon Marc (45-33-10) :

"Celui qui veut être grand parmi vous doit devenir votre serviteur. Celui qui veut être premier parmi vous doit être l’esclave de tous. De même que le fils de l’homme (Jésus) n’est pas venu pour qu’on le serve, mais pour servir et donner sa vie pour la liberté des êtres humains."


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