N° 27, février 2008

La ville de Rey et les Allées et Venues des Caravanes
Le Caravansérail Kenâr Guerd


Afsaneh Pourmazaheri, Farzâneh Pourmazâheri


La voiture roule à vive allure sur la route en terre battue. Effaçant de temps en temps la vapeur condensée sur le pare-brise, je m’efforce de fixer du regard la route et les alentours dans l’espoir de le trouver. On est parti de la ville de Rey, il y a une demi-heure. Il est censé apparaître quelque part près d’ici, vers le kilomètre quarante de la route Téhéran-Qom. Finalement, le chauffeur fait halte et descend de la voiture. Quelques minutes après, un homme s’approche de moi en montrant du doigt une vieille porte en fer et me disant "Si vous cherchez le Caravansérail Kénar Guerde, allez par là ! Mais que cherchez-vous là-bas ? Il est désert.".

Le Caravansérail Kénar Guerde, Rey, Téhéran

Dès que l’on descend de la voiture, une bise sèche et froide souffle et nous fouette le visage. Je frappe à la porte. J’aspire à voir de près cet ancien caravansérail ne serait-ce que pour quelques minutes. Un homme robuste ouvre la porte, sans doute le gardien du Caravansérail Kénar Guerde. On passe par le seuil de la porte pour se retrouver aussitôt au milieu de la cour centrale du caravansérail qui était autrefois destinée à donner à manger aux animaux mais qui est à présent pleine de briques entassées. Le gardien perçoit notre étonnement, et nous indique que le bâtiment est en train d’être restauré. Il nous montre même quelques endroits où les briques sont de couleur plus vive ; tel un pansement guérissant les blessures du vieux bâtiment.

Le Caravansérail Kénar Guerde, Rey, Téhéran

Face au froid, il nous quitte pour rentrer dans sa petite chambre qui est apparemment l’une des cellules du caravansérail. Petit à petit, le soleil va se coucher. Il ne reste que nous, et le caravansérail enfoncé dans l’obscurité dont nous nous mettons à examiner sa façade. Ce qui était autrefois l’un des centres les plus peuplés de la ville est désormais une vieille bâtisse isolée, sombre et en ruine. Tout autour de la cour rectangulaire se trouvent plus d’une vingtaine de cellules. Quatre entrées voûtées dans les coins de la cour rattachent les quatre longs corridors à la cour centrale. Cependant, on ne peut accéder au toit du caravansérail que par deux d’entre eux. Une fois sur le toit, ce qui attire le plus l’attention sont de petits reliefs formant des demi-cercles sur le toit de chaque cellule. Ces vingt-huit reliefs donnent une beauté exceptionnelle au caravansérail. C’est à cet endroit même que la majesté du caravansérail se révèle aux yeux du visiteur. Les toits voûtés des corridors servant au repos des animaux sont criblés de petits trous permettant aux rayons du soleil d’y entrer et d’éclairer une zone précise. Il y a aussi des barres en fer travaillées dans le mur, permettant aux chameliers d’y attacher leurs animaux afin qu’ils ne puissent se sauver.

Le caravansérail Kénar Guerde compte parmi l’un des précieux bâtiments restant de l’époque Safavide. Au cours de son histoire, il a eu différents emplois jusqu’à ce qu’il soit petit à petit détérioré par le passage du temps. Il se compose d’étables, d’entrées, de cellules, d’une cour centrale et d’une cour privée, d’un réservoir d’eau, de vérandas publiques et privées, de canaux d’eau et de deux entrées. Pierres, briques, torchis et enduit comptent parmi les matériaux utilisés dans la construction du caravansérail. Dans la cour centrale ainsi que dans la cour adjointe et sur le mur des cellules, on peut admirer des décorations datant de l’époque de la construction du caravansérail. De nos jours, le caravansérail Kénar Guerde ainsi que beaucoup d’autres situés soit aux abords de la ville de Rey, soit dans l’ensemble de l’Iran ainsi que dans d’autres pays d’orient, comptent parmi des monuments historiques témoignant de la culture et de la façon de vivre passées.

Le Caravansérail Kénar Guerde, Rey, Téhéran

Jadis, en Orient, certaines nations menaient une vie de nomades, d’autres avaient l’habitude de voyager soit pour faire du commerce, soit pour trouver des maîtres cultivés et sages. De grandes armées lançaient des expéditions ou encore, au nom de leur foi, des croyants parcouraient des kilomètres afin d’effectuer des pèlerinages. Face à des conditions climatiques et naturelles souvent difficiles, il leur fallait des lieux pour se reposer, manger, nourrir leurs animaux et dormir. Des caravansérails furent ainsi bâtis entre de grandes villes afin de répondre à ce besoin. Les caravanes devaient parcourir une quarantaine de kilomètres, ce qui durait environ une journée, pour atteindre le caravansérail suivant. En Iran, les caravansérails furent nommés "Khân", en Europe "Relais de poste" et au Japon "Ryokan". Ils se composaient tous d’une cour principale destinée aux animaux, de chambres pour loger les voyageurs, d’une resserre pour garder les provisions, d’une mosquée et de salles de bain. Les caravanes y demeuraient deux ou trois jours et se remettaient en route. Elles voyageaient généralement le long de la Route de la Soie qui commençait par la Chine, passait par l’Afghanistan, l’Iran, la Syrie, la Turquie, pour aboutir à la Mer Noire.

Les caravansérails n’ont pas changé d’apparence. Ils sont toujours là où ils étaient des siècles auparavant. Mais nous avons changé de mode de vie, et les progrès technologiques réalisés dans le domaine des transports ont eu tendance à effacer l’importance de ces caravansérails. Aujourd’hui, nous les négligeons et oublions que sans eux, l’homme d’hier n’aurait jamais pu se mettre en route à tête reposée dans l’espoir de trouver bientôt un endroit sûr et confortable où se reposer.

Il y avait en Iran plus de mille caravansérails. Actuellement, il n’en reste que 128.


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