N° 37, décembre 2008

L’industrie navale iranienne au XVIIIe siècle, Nâder Shâh et l’histoire de son bâtiment de guerre


Djaafar Sepehri
Traduit par

Babak Ershadi


Des documents occidentaux, qu’ils soient anciens ou modernes, prétendent injustement que les Perses, au cours de leur Histoire plusieurs fois millénaire, n’ont jamais été un peuple navigateur. Mais contrairement à ce jugement hâtif et insuffisamment documenté, il est à noter qu’au moins pendant certaines périodes importantes de l’histoire de l’Iran, les forces navales et les flottes de commerce ont joué un rôle décisif dans le destin des Perses.

Dans la mythologie iranienne, la construction du premier navire est attribuée au roi Djamshid1. Dans son immense épopée Shâhnâmeh (Le Livre des Rois), Ferdowsi relate que de grands rois légendaires comme Key-Kâvous2 ou Key-Khosrô3 embarquèrent dans des navires lors de leurs expéditions aventureuses. Le poète Assadi Toussi retrace dans son œuvre épique Garshasb Nâmeh, les combats héroïques de grands guerriers contre les dragons et les démons dans l’Océan indien.

Portrait de Nâder Shâh, Musée de Victoria & Albert

Les premiers documents historiques évoquant des forces marines ou des navires de commerce de la Perse antique datent de l’époque des Achéménides4. Darius Ier (v. 521 av. J.-C.-486 av. J.-C.) qui avait hérité de l’Empire de Cyrus le Grand (v. 600 av. J.-C.-529 av. J.-C.), domina par sa flotte le golfe Persique. Son successeur, Xerxès Ier (v. 519-465 av. J.-C.) eut l’ambition de développer la présence des forces navales de l’Empire achéménide dans la Méditerranée orientale. A l’instar de son père, Darius Ier qui avait confié les premières explorations maritimes dans le golfe Persique aux navigateurs et aux géographes grecs, Xerxès fit recruter des navigateurs grecs et phéniciens loyaux vis-à-vis des Perses. En parallèle, les Achéménides engagèrent de jeunes marins perses dans la flotte de Méditerranée. Lorsqu’il accéda au trône à la mort de son père, Xerxès Ier écrasa une révolte en ةgypte puis passa trois années à mettre en place une flotte et une armée immenses pour punir les Grecs de l’aide qu’ils avaient apportée aux cités ioniennes en 498 av. J.-C., ainsi que de leur victoire sur les Perses à Marathon en 490 av. J.-C. Hérodote évalue les forces terrestres et navales combinées de Xerxès à plus de 2,6 millions d’hommes. Xerxès passe pour avoir franchi le détroit des Dardanelles sur un pont de bateaux de plus d’un kilomètre de long avant d’attaquer Athènes. Sous Darius et Xerxès, les flottes perses procédèrent à 33 voyages d’exploration, ce qui témoigne de l’intérêt des Perses pour ces régions inconnues associé à une volonté de développer leur zone d’influence.

L’Empire achéménide fut déchiré par de nombreuses révoltes au IVe siècle av. J.-C., mais le coup final fut porté par Alexandre qui envahit l’Empire perse en battant les troupes de Darius III dans une série de batailles qui eurent lieu entre 334 et 331 av. J.-C. Sous les Séleucides5, et pendant le règne de la dynastie parthe des Arsacides, la navigation ne se développa guère en Perse. Cependant, pendant cette même période (IVe siècle av. J.-C. - IIe siècle ap. J.-C.), la route de la soie, route commerciale reliant la Chine à la Rome impériale, pris une grande importance depuis son ouverture pour la première fois vers 100 av. J.-C. La route de la Soie s’étendait sur quelque 6 000 km. Outre les contacts commerciaux entre l’Orient et l’Occident, elle permit des échanges culturels et religieux. Cependant, une route maritime via l’Inde et l’Arabie permettait probablement le transport d’un volume plus important de marchandises que la célèbre voie terrestre ; ceci rendit nécessaire, aux yeux des Perses, le développement de leurs capacités maritimes. La dynastie des Sassanides6 réussit à restaurer la domination des Perses sur les voies maritimes du Moyen-Orient, surtout dans le golfe Persique et dans le nord de l’Océan indien. Pour la première fois dans l’histoire de la Perse antique, les Sassanides fondèrent ce que nous pouvons considérer comme une école supérieure de navigation. Pendant cette période, les Perses possédaient une grande flotte de commerce, active des côtes orientales de l’Afrique jusqu’en Chine, en passant par l’Inde. Les ports les plus importants des Sassanides se situaient sur les côtes septentrionales du golfe Persique : Sirâf (actuellement Bandar Tâhéri), Rey-Shahr (actuellement Boushehr). Le port d’Hormuz - au détroit d’Hormuz - et Tis (actuellement Tchâbahâr) au Baloutchistan furent également d’importantes bases maritimes perses pendant plusieurs siècles.

Portrait d’Afonso de Albuquerque à Goa (Inde). Technique mixte sur bois, Musée National d’Art Ancien de Lisbonne, Portugal.

Pendant la période islamique, la navigation musulmane au sein du golfe Persique, sur l’Océan indien et dans la Méditerranée fut dominée par les Perses. Dans une lettre adressée au deuxième calife, Omar Ibn Khattâb, le commandant des armées musulmanes estimait que les forces navales des Perses dans le golfe Persique étaient aussi puissantes que la marine byzantine dans la Méditerranée.

Après la formation des premières dynasties perses, pendant les premiers siècles de l’islam, les Perses devinrent de nouveau les maîtres incontestés du golfe Persique et de la mer d’Oman. Les Bouyides (en persan : Al-e Bouyeh)7 développèrent peu à peu leur flotte de commerce qui établit notamment des bases à Zanzibar (île de Tanzanie, au large de la côte orientale de l’Afrique, dans l’Océan Indien). Les immigrés perses, souvent originaires de Shirâz, gouvernèrent cette île pendant longtemps. Durant cette même période, des Perses chiites immigrèrent aussi au Siam (Thaïlande) et y formèrent une petite communauté influente jusqu’à l’arrivée des Occidentaux. Aux XIIIe et XIVe siècles, la Perse subit les invasions mongoles de Gengis Khân et de Tamerlan. Les mongols dévastèrent le pays, et les Perses perdirent le contrôle des côtes et des îles du golfe Persique et de la mer d’Oman.

L’occupation portugaise de l’île d’Hormuz

Au début du XVIe siècle, les Portugais s’emparèrent de plusieurs îles dans le golfe Persique et dans le détroit d’Hormuz. L’occupation de l’île stratégique d’Hormuz par la flotte portugaise eut lieu cinq ans après la défaite de l’armée de Shâh Ismâïl Ier (1487-1524), fondateur de la dynastie des Safavides, face aux armées du sultan ottoman Selim Ier à Tchâderân. L’annonce de la nouvelle de l’occupation de l’île d’Hormuz par les Portugais mit la cour safavide dans l’embarras ; car, jusqu’à cette date, l’armée safavide ne s’était pas encore munie d’artillerie et d’armes à feu, d’autant plus que les Perses n’avaient pratiquement plus aucun bâtiment de guerre dans les eaux du golfe Persique. Les hommes de Shâh Ismâïl se contentèrent d’organiser la résistance locale, en aidant financièrement les habitants des régions envahies par les Portugais secrètement. Le 4 mai 1515, les Portugais s’installèrent définitivement sur l’île d’Hormuz qui servait de base principale à leurs forces dans la région. Le Vatican soutenait les expéditions des Portugais vers l’Orient, l’Asie et le Nouveau Monde. En effet, le 4 mai 1493, le pape Alexandre VI (v. 1431-1503) partagea l’Amérique nouvellement découverte entre l’Espagne et le Portugal, les autorisant à poursuivre au nom du Saint-Siège leurs expéditions militaires en Asie et en Orient, accompagnés par les missionnaires de ce dernier.

Peinture de Gambroun (actuellement Bandar Abbâs) au détroit d’Hormuz, par C. Decker, peintre hollandais, 1665-1685.

Alfonso de Albuquerque (1453-1515), navigateur et conquistador portugais, fondateur de l’empire portugais en Orient, s’installa en Inde avant d’avancer à bord de son navire vers le golfe Persique en 1507. Mais l’occupation des îles et des ports du golfe Persique par les Portugais se déroula huit ans plus tard, lorsqu’ils prirent l’île stratégique d’Hormuz. Les navires portugais étaient équipés de puissants canons, tandis que les défenseurs de l’île en étaient dépourvus. Les Portugais contrôlaient toutes les îles et les ports de l’Est du golfe Persique. Pour défendre les régions situées à l’Ouest, le roi Shâh Ismâïl III nomma Khâdem Beig gouverneur du Khûzistân et de la province chiite du sud de la Mésopotamie (Bassora). Khâdem Beig était également le commandant en chef des forces navales au golfe Persique. Mais ce poste était un titre purement formel, étant donné que la marine était inexistante ; et ce d’autant plus qu’en l’espace de six ans (jusqu’en 1521) les Portugais envahirent toutes les îles iraniennes dont Bahreïn (sud) et le port stratégique de Gambroun (actuellement Bandar Abbâs) au détroit d’Hormuz. L’occupation portugaise dura jusqu’à l’époque du plus grand empereur de la dynastie des Safavides, Shâh Abbâs Ier le Grand (1571-1629). Shâh Abbâs débuta son règne en cédant des territoires aux Ouzbeks et aux Ottomans afin de se donner le temps de mettre sur pied une armée puissante et moderne. Mais à partir de 1588, il récupéra tous les territoires concédés et en 1623, il régnait sur un empire centralisé et prospère qui s’étendait du Tigre à l’Indus. Grand administrateur, Abbâs encouragea également le commerce et l’industrie. La vie à sa cour était fastueuse. Il se fit le protecteur des arts, qui prirent un grand essor durant son règne. Il fit reconstruire la ville d’Ispahan, qui devint sa capitale (v. 1598). Shâh Abbâs mit brillamment en place une politique étrangère intelligente et active. Il réussit finalement à libérer les régions occupées par les Portugais dans le sud du pays. En effet, Shâh Abbâs soutint la présence des forces navales anglaises dans le golfe Persique pour chasser les Portugais de la région. Sous son règne se nouèrent les premières relations commerciales avec la Compagnie anglaise des Indes orientales. Après Shâh Abbâs, le pouvoir des Safavides déclina. Si l’influence culturelle demeura forte en Inde, au sein de l’Empire ottoman et jusqu’en Europe, la Perse fut cependant minée par des conflits internes. En 1722, les tribus afghanes se révoltèrent et pillèrent Ispahan, la capitale safavide. Ce fut la fin de l’Empire fondé par Shâh Ismâïl Ier en 1502. De l’autre côté du golfe Persique, les tribus arabes de Mascate (Oman), longtemps soumises aux gouvernements iraniens, se révoltèrent en développant leurs activités maritimes et notamment la piraterie, tandis que les habitants de l’île de Bahreïn restèrent fidèles à l’Iran, malgré l’effondrement de la dynastie des Safavides. Les Arabes de Mascate prirent un pouvoir considérable dans la région du golfe Persique, en absence d’un pouvoir central en Perse. A ce propos, le capitaine anglais Alexander Hamilton a écrit : "En 1715, les Arabes de Mascate s’étaient procurés une flotte assez importante : un grand bâtiment de guerre équipé de 74 canons ; deux navires moyens dont l’un était équipé de 60 canons et l’autre de 50 canons ; 18 petits bateaux ayant chacun entre 12 et 32 canons. Ils avaient aussi plusieurs barques qu’ils avaient munies de 4 à 8 canons. Grâce à cette puissance navale, les Arabes de Mascate ont dominé une vaste zone maritime depuis l’Inde jusqu’à la mer Rouge. Leur présence avait remis en cause la sécurité de la zone étant donné qu’ils ne cessaient de pirater tous les navires de commerce traversant les eaux de cette vaste région."

En 1717, l’imam de Mascate, le Sultan Ben Seyf Thâni, occupa l’île de Bahreïn. Les habitants de l’île fidèles à la Perse se révoltèrent deux ans plus tard contre les pirates de Mascate. Le Sheikh Djabbâreh, chef de la tribu Al-Houleh, réussit à repousser les pirates et à libérer l’île. Malgré le vide politique qui ravageait la Perse, après la chute d’Ispahan, les Arabes de Bahreïn proclamèrent l’appartenance de l’île par rapport à la Perse.

A partir de 1724, la Russie et l’Empire ottoman décidèrent de se partager la Perse. Les forces de l’Empire ottoman avancèrent vers le sud et occupèrent les ports et les îles du golfe Persique et du détroit d’Hormuz. Leur présence intensifièrent l’insécurité, de sorte que seule la flotte de la Compagnie anglaise des Indes orientales fut capable d’assurer la sécurité des navires de commerce dans les eaux du golfe Persique.

L’île d’Hormuz, Ghal’eye porteghâlihâ (Citadelle des Portugais)

Néanmoins, dans les provinces non occupées de la Perse, une armée nationale fut levée et chassa les Afghans en 1729, envahit l’Inde et s’empara de Delhi en 1739, puis chassa les armées ottomanes (les Russes s’étant retirés). Les pirates de Mascate se retirèrent du golfe Persique et du détroit d’Hormuz.

Le chef de cette armée nationale était un général turkmène des Safavides, Nâder Ghuli Beg, qui monta sur le trône en 1736 et prit le nom de Nâder Shâh.

Nâder Shâh (1688-1747), roi de Perse de 1736 à 1747, était membre de la tribu turkmène des Afshârs, né dans la province du Khorâssân. Après le pillage d’Ispahan par les tribus afghanes, Nâder Ghuli Beg prit la tête d’une bande d’aventuriers et lutta contre l’occupation afghane de la Perse. Ayant chassé les Afghans en 1730, il rétablit sur le trône l’héritier légitime de la dynastie safavide, le Shâh Tahmasp II. Ayant chassé les Turcs ottomans d’Azerbaïdjan en 1731, il renversa l’année suivante Tahmasp II, déclarant roi le fils de celui-ci. Abbâs III n’était qu’un enfant et Nâder assura la régence jusqu’en 1736, lorsque mourut le jeune souverain. Il s’empara alors du trône et se proclama Shâh de Perse. S’efforçant de rétablir la puissance de l’Empire perse, il tenta de mettre fin à l’opposition entre musulmans chiites et sunnites et mena une inlassable guerre de reconquête. En 1738, il s’empara de l’Afghanistan. En 1739, il envahit le nord de l’Inde, occupa Delhi, la capitale de l’Empire mongol, puis se tourna contre l’Ouzbékistan, attaquant Boukhara et Kiva. Après avoir rétabli l’ordre et la stabilité en Perse, Nâder Shâh eut finalement le temps de s’intéresser à reconquérir le golfe Persique et la mer d’Oman, d’où la nécessité de créer une marine puissante.

La rivalité entre les ports de Bassora et de Boushehr

Sous Nâder Shâh, le port de Boushehr, situé au centre du golfe Persique prit une importance toute particulière, car le roi l’avait choisi, en raison de sa situation stratégique, en tant que base principale de ses forces navales.

La ville de Boushehr fut construite par le roi Ardéshir Ier, roi de Perse (224-241), fondateur de la dynastie des Sassanides. Il édifia la ville de Boushehr qu’il baptisa Ram-Ardéshir, appelée ensuite Rey-Shahr et finalement Boushehr.

Nâder Shâh nomma le Sheikh Nâsser Khân à la tête de ses forces navales. Le fils de Nâsser Khân, Abou Mohaïri se mit à reconstruire et moderniser la ville et le port de Boushehr. En effet, Boushehr devint l’un des ports les plus importants de tout le golfe Persique et garda son prestige sous les dynasties zand et qâdjâre. Boushehr devint un rival important de Bassora, sur la rive occidentale d’Arvandroud (Chatt ol-Arab), à 120 km du golfe Persique. Pendant cette période, Boushehr fut l’un des principaux centres de commerce entre le golfe Persique et l’Océan indien.

La création de la flotte du golfe Persique et de la mer d’Oman

En automne 1733, les partisans de la famille royale des Safavides se révoltèrent contre leur ancien général, Nâder, qui réprima leur révolte. Les rebelles prirent refuge sur l’île de Kish. Par ailleurs, Nâder envoya Latif Khân Dashtestâni à Bandar Abbâs en tant que son représentant auprès des Compagnies anglaise et néerlandaise des Indes orientales. L’objectif de Nâder était d’établir des relations avec les Européens afin de pouvoir leur acheter des navires de combat. Nâder Shâh souhaitait obtenir une réponse immédiate à sa demande. Les représentants des deux compagnies anglaise et néerlandaise demandèrent un délai à Latif Khân. Après plusieurs semaines de consultations, les deux compagnies européennes rejetèrent la demande des Perses, sous prétexte que leurs navires appartenaient à leurs gouvernements respectifs et qu’ils n’avaient pas obtenu l’autorisation de les vendre à Nâder Shâh.

L’île d’Hormuz, Ghal’eye porteghâlihâ (Citadelle des Portugais)

Après la réponse négative des Européens, Nâder Shâh décida d’acheter ses navires aux Perses de l’Inde. Ces derniers possédaient plusieurs chantiers navals sur les côtes occidentales de ce pays. Nâder Shâh expédia Latif Khân en Inde pour acheter ou affréter plusieurs navires pour combattre les rebelles réunis sur l’île de Kish. Les Perses de l’Inde firent comprendre à Latif Khân qu’aucune des compagnies navales européennes ou indiennes n’était disposée à aider le nouveau roi de Perse, craignant une réaction hostile de la part de l’Empire ottoman qui soutenait les Arabes de Mascate dans la région du golfe Persique. Les Perses de l’Inde réussirent, cependant, à convaincre les deux compagnes anglaise et néerlandaise d’affréter chacune un navire à Nâder Shâh, provisoirement et uniquement pour attaquer les rebelles sur l’île de Kish.

Après avoir réprimé les rebelles, Nâder Shâh décida de fonder sa propre marine, étant donné qu’il avait compris qu’il ne pouvait compter ni sur une alliance avec les Européens ni avec les Arabes des côtes du sud du golfe Persique. Par ailleurs, la plupart des navires européens dans la région étaient des bateaux de commerce, inadaptées à l’usage militaire, d’autant plus que les Européens craignant que la formation d’une flotte perse dans le golfe Persique ne mette en péril la sécurité de la zone, notamment en provoquant l’Empire ottoman ou leurs alliés arabes à Mascate, capables de prendre des mesures de représailles à l’encontre du commerce européen dans le golfe Persique et en mer d’Oman. Les représentants des deux compagnies anglaise et néerlandaise firent comprendre à Latif Khân qu’il fallait mieux que les Perses commandent leurs navires aux chantiers navals européens en Inde, pour éviter une éventuelle réaction des Ottomans.

La construction du bâtiment de guerre de Nâder Shâh

Du fait de sa méfiance envers les vraies intentions des compagnies anglaise et néerlandaise et pour éviter toute dépendance par rapport aux Européens, Nâder Shâh préféra que son bâtiment de guerre soit construite dans un bâtiment à Boushehr et non pas en Inde. Le premier problème qu’il dut surmonter fut de trouver du bois nécessaire à la construction du navire. Il décida donc d’acheminer le bois des régions forestières du Mâzandarân vers Boushehr. Le Mâzandarân se situant au bord de la mer Caspienne, la distance à parcourir était donc de plus de mille kilomètres. Le convoi traversa, en deux mois, les chaînes de montagnes de l’Elbourz et du Zagros, et les vastes plaines du plateau central de l’Iran. Selon les documents du bureau de la Compagnie anglaise des Indes orientales à Bandar Abbâs, le bâtiment de guerre de Nâder Shâh devait être long de 100 mètres et muni de nombreux canons. Un atelier à Bandar Abbâs fut chargé de fabriquer les canons. En septembre 1741, deux canons de bronze avaient déjà été fabriqués et il était convenu qu’après les premiers tests, plus de 300 canons de marine soient fabriqués à Bandar Abbâs.

Au mois de décembre, les représentants des compagnies anglaises et néerlandaises reçurent des décrets de Nâder Shâh. Dans son "dastour" (ordonnance), le roi avait demandé aux Anglais d’envoyer trois maîtres charpentiers de marine à Boushehr ainsi que tout l’outillage nécessaire. Le chef de la marine iranienne avait été chargé de payer toutes les factures de la compagnie anglaise. Le chef du chantier était un capitaine finlandais, engagé par Nâder Shâh, qui ne voulait pas confier tous les travaux aux Anglais. Tout le monde se mit au travail, mais Nâder Shâh arrêta les activités du chantier naval de Boushehr, car il dut affronter les révoltes dans différentes parties de son Empire, notamment sur les frontières nord-ouest. Il fut assassiné en 1747 lors d’un coup d’Etat à Ghoutchân (Khorâssân), et le projet de son bâtiment de guerre fut définitivement abandonné. Les ruines de son chantier naval étaient encore visibles à Boushehr jusqu’au début du XIXe siècle.

Bien que Nâder Shâh ne put jamais réaliser son rêve de construire des bateaux, il réussit pourtant à créer une force navale assez importante en achetant des navires étrangers ou en confisquant les bateaux des pirates, et ce d’autant plus que les chantiers navals de Boushehr et de Bandar Abbâs réussirent à construire 19 bateaux moyens et petits pour la marine de Nâder Shâh. Grâce à cette puissante force navale, le roi réussit à sécuriser le golfe Persique, vassaliser la plupart des chefs locaux arabes et augmenter le volume du commerce maritime de la Perse. Le gouverneur de Boushehr, Mohammad-Taghi Khân, acheta un navire aux Français, tandis que Nâder Shâh acheta quatre autres navires de taille moyenne aux Perses de l’Inde. L’imam de Mascate, qui s’était soumis de nouveau au roi des Perses, lui offrit deux navires de combat dont l’un était équipé de 64 canons.

En 1742, l’imam de Mascate (Oman) demanda l’aide à Nâder Shâh pour réprimer les rebelles Arabes qui avaient envahi la forteresse Sahar à Oman. Nâder Shâh chargea son beau-frère Kalb-Ali Khân à la tête d’une petite flotte d’accompagner l’imam de Mascate sur la côte du Baloutchistan où il s’était réfugié. La flotte iranienne parvint à Mascate. Les troupes de Kalb-Ali Khân assiégèrent la forteresse Sahar et la prirent en juillet 1743. Les troupes de Nâder Shâh s’installèrent en Oman, ce qui ne tarda pas à susciter une vive réaction de l’Empire ottoman. Le sultan d’Istanbul expédia ses troupes vers Bassora pour déstabiliser les positions des Perses dans le golfe Persique. Nâder Shâh dut rapatrier la flotte de Kalb-Ali Khân pour attaquer les forces ottomanes à Bassora. Les armées de Nâder Shâh avaient déjà assiégé la ville de Bassora lorsque la flotte de Kalb-Ali Khân arriva dans la région ; la marine ne joua donc pas un rôle important dans la bataille. Mais en absence de la flotte perse à Mascate, les rebelles arabes encouragés par les Ottomans prirent peu à peu le dessus, et la position des Perses fut considérablement affaiblie en Oman.

Vue de la ville de Bandar Abbâs, on peut appercevoir les constructions anglaises et hollandaises avec leur drapeau respectif.

Dans un rapport à Londres en février 1745, le représentant de la Compagnie anglaise des Indes orientales écrit que Nâder Shâh s’était déjà procuré près d’une trentaine de grands navires et un grand nombre de navires moyens et petits. Il précisa que cette flotte était basée dans les deux ports de Boushehr au centre du golfe Persique et de Bandar Abbâs, au détroit d’Hormuz. "Il paraît que le roi [Nâder Shâh] est déterminé à renforcer ses forces navales pour s’imposer définitivement aux Ottomans et aux chefs locaux. C’est pourquoi il a conclu un grand contrat commercial avec les chantiers navals des Perses de l’Inde pour la construction de deux grands navires en Inde, en échange d’un volume important de marchandises et d’une somme considérable de 5 000 tomans", écrit-il dans ce rapport. Dans le même temps, les Perses originaires de Shirâz et qui s’étaient installés depuis longtemps à Zanzibar (île de Tanzanie, au large de la côte orientale de l’Afrique, dans l’Océan Indien), craignant l’influence grandissante des Européens, demandèrent à Nâder Shâh de soutenir leur gouvernement local sur cette île.

Après la bataille de Bassora, Nâder Shâh chassa les Européens de Bahreïn et reconquit Mascate et Oman. Il imposa ainsi sa domination sur l’ensemble du golfe Persique au détriment des Ottomans, des Européens et de leurs alliés locaux. En novembre 1743, Nâder Shâh appela les généraux et les hauts commandants de ses armées à participer à une réunion dont l’objectif était de déterminer la stratégie militaire et défensive de la Perse. L’objectif du roi était de mettre sur pied une grande armée régulière capable de mobiliser en quelques mois des centaines de soldats. Nâder Shâh souhaitaient que le nombre des soldats de son armée, en période de paix, ne soit jamais inférieur à 400 000 effectifs. Le projet de Nâder Shâh et de ses généraux consistait également à créer une puissante marine capable de chasser définitivement les Ottomans et surtout les Européens du golfe Persique et de la mer d’Oman. Le procès-verbal de cette réunion militaire est conservé aujourd’hui au musée de Saint-Pétersbourg. Dans ce document, Nâder Shâh exprime sa méfiance vis-à-vis des puissances européennes. Il ne connaissait que peu les évolutions survenues à l’époque en Europe, mais il avait bien compris le projet des grandes puissances maritimes de l’Europe visant à étendre leur zone d’influence dans les terres musulmanes, d’où son projet de défendre les zones maritimes de l’Iran, notamment le golfe Persique, face aux puissances étrangères.

Cette méfiance à l’égard des Européens s’étendit également aux relations économiques. Nâder Shâh regardai d’un œil douteux les activités des compagnies anglaises et néerlandaises des Indes orientales. Après la fermeture des bureaux de ces compagnies à Ispahan, Nâder Shâh leur permit de garder leurs bureaux et leurs dépôts à Bandar Abbâs, afin de répondre aux exigences de la realpolitik8. Mais il n’accepta le commerce avec les compagnies européennes qu’à contrecoeur. Il soutint ainsi l’idée que la Perse ne devait s’appuyer que sur ses ressources et moyens pour développer ses industries, au lieu de s’habituer à dépendre des étrangers. Nâder Shâh avait critiqué souvent la politique menée par les rois safavides qui avaient encouragé les Anglais et les Néerlandais à développer leur présence maritime dans les eaux iraniennes. Il décida ainsi de réduire cette dépendance pour pouvoir chasser les Européens non seulement du golfe Persique et de la Mer d’Oman, mais également du nord de l’Océan indien et des côtes orientales de l’Afrique (Zanzibar) pour protéger l’espace vital de la Perse. Dans le même temps, en vue de limiter l’influence des Européens dans ces régions, Nâder Shâh conclut des accords bilatéraux avec les chefs locaux, surtout d’Oman, afin de les soutenir face aux agressions éventuelles des Européens.

Nâder Shâh et la flotte de la mer Caspienne

Canon portuguais situé dans l’enceinte du musée Nâder Shâh, Mashhad

En 1741, au cours d’un conflit avec les Lezgis du Daguestan (nord du Caucase) soutenus par les Russes, Nâder Shâh éprouva la nécessité de développer sa puissance maritime dans la mer Caspienne. Depuis les Sassanides jusqu’à l’époque des Safavides, les Perses avaient toujours confié le contrôle de la mer Caspienne face aux agressions éventuelles de leurs ennemis aux anciens gouverneurs locaux du Caucase, les Shervânshâhs9. Mais les rois safavides décidèrent d’en finir avec cette dynastie autonome afin de renforcer directement leur pouvoir dans le Caucase. Le renversement des Shervânshâhs fournit un terrain propice à une influence accrue des Russes dans le nord du Caucase et la mer Caspienne.

En 1724, profitant de l’effondrement de l’empire safavide, Pierre Ier le Grand (1672-1725), tsar de Russie, décida d’attaquer l’Iran pour réaliser son vœu d’accéder aux mers chaudes du golfe Persique et de l’Océan indien. Lorsque le sultan ottoman comprit que les Russes avaient préparé une armée de 45 000 soldats pour avancer vers le Caucase, il proposa à Pierre Ier un plan prévoyant le partage des terres des Safavides entre les Russes et les Turcs, et ce afin d’empêcher l’avancement des troupes du tsar vers l’Ouest. Pierre Ier mourut soudainement le 8 février 1725. Ses successeurs acceptèrent la proposition des Ottomans. Les deux armées étrangères occupèrent alors une grande partie de la Perse. Dans les régions non occupées, les généraux de l’ancienne armée safavide et les gouverneurs locaux organisèrent la résistance.

Le 21 janvier 1732, un représentant du gouvernement russe remit une lettre au gouverneur de Rasht (Guilân) annonçant que la Russie avait décidé unilatéralement d’abroger l’accord avec l’Empire ottoman portant sur le partage de la Perse. En effet, les Russes craignaient le pouvoir grandissant de Nâder Shâh. Par conséquent, avant que les troupes de Nâder Shâh n’avancent vers l’Azerbaïdjan et le Caucase, les Russes avaient déjà évacué les lieux. En effet, quelques mois avant l’annonce par la Russie du retrait de ses troupes d’Iran, les armées de Nâder Shâh avaient repoussé les Ottomans. Cependant, les Russes tenaient à préserver leurs bases à Bakou (aujourd’hui, capitale de la République d’Azerbaïdjan). Deux ans plus tard, Nâder Shâh conduisit son armée vers le Daguestân. Les Russes quittèrent aussitôt Bakou pour ne pas avoir à affronter les troupes perses. Selon les documents des archives impériales à Saint-Pétersbourg, les successeurs de Pierre Ier craignaient que les armées de Nâder Shâh ne s’arrêtent pas au Daguestan et qu’elles avancent vers le nord, dans la Russie profonde.

Avant le règne de Nâder Shâh, les Russes avaient obtenu le monopole quasi-total de la navigation dans la mer Caspienne. En décembre 1741, Nâder Shâh apprit la nouvelle du coup d’Etat (une révolution de palais) de l’impératrice Elisabeth Petrovna contre Ivan VI. Il voulut profiter de cette occasion pour convaincre l’impératrice russe de lui affréter une dizaine de bateaux pour qu’il se batte contre les rebelles du Daguestân. L’ambassadeur russe, Igor Kalioshkin, transmit la demande de Nâder Shâh à Saint-Pétersbourg, en prévenant l’impératrice que si les Perses s’emparaient de ces navires, ils ne les rendraient jamais au gouvernement russe, car la stratégie de Nâder Shâh consistait à constituer une marine puissante dans la mer Caspienne afin de mettre fin au contrôle de cette zone maritime par les Russes.

En février 1742, l’impératrice Elisabeth Petrovna et ses conseillers étudièrent la demande de Nâder Shâh et le rapport de leur ambassadeur en Perse. Ils finirent par décider de charger Kalioshkin de négocier avec Nâder Shâh.

Un an plus tôt, le 15 mai 1741, Nâder Shâh avait fait l’objet d’une tentative assassinat manquée lors d’un voyage dans la région montagneuse de Savâdkouh (Mâzandarân), incident qui le traumatisa fortement. Pour se rétablir psychologiquement, le roi s’installa plusieurs mois à Téhéran, alors un petit village au pied des monts Elbourz. Selon les archives nationales de Saint-Pétersbourg, l’ambassadeur russe rencontra le roi de Perse dans ce petit village devenu aujourd’hui la capitale de l’Iran. Dans son rapport à Saint-Pétersbourg, Kalioshkin décrit cette rencontre en ces termes : "Nâder se sent plus fort que jamais. Ses victoires militaires et diplomatiques successives l’ont convaincu de son invincibilité. Rien ne peut l’arrêter. Il faut nous méfier de Nâder et de la Perse de Nâder. C’est un militaire et un grand stratège. Donc, nous ne pourrons point nous assurer de son intention de respecter ses engagements politiques et diplomatiques. Il n’hésite pas à manifester son hostilité et son agressivité à l’égard des Ottomans, mais cela ne veut pas dire qu’il pourrait finir par s’allier avec la Russie. En tout état de cause, il n’est guère possible, à mon avis, d’imaginer un compromis politique avec Nâder qui préfère toujours régler ses affaires par la force. Il adore l’épée, les canons, les bons chevaux et les soldats loyaux et courageux. Non seulement les Russes, mais tous les Européens doivent s’inquiéter de sa puissance."

Dans son rapport, l’ambassadeur russe fait également état de l’intention de Nâder Shâh de créer une force navale dans la mer Caspienne, et la qualifie de dangereuse pour les intérêts de la Russie. Il évoque ensuite les batailles sporadiques entre les soldats russes et les troupes de Nâder Shâh au nord du Caucase, au cours desquelles les Perses avaient anéanti les unités militaires des russes.

Finalement, Saint-Pétersbourg décida de ne pas affréter de navires à Nâder Shâh. Ce dernier rencontra un capitaine anglais, John Elton, en juillet 1742. Le projet d’Elton était de réactiver le commerce entre l’Angleterre et la Perse via la mer Caspienne et le territoire russe. Nâder Shâh accueillit favorablement les propositions de John Elton. Elton fit construire un navire marchand à Kazan, port russe situé au nord de la mer Caspienne. Le bateau baptisé "Impératrice de Russie" arriva en juin 1743 au port d’Anzali dans la province iranienne du Guilân. Du retour au delta de Volga, le bateau accosta au Daguestân pour décharger sa cargaison de vivres et de munitions pour les troupes iraniennes dans le nord du Caucase. Ainsi, Nâder Shâh se servit des activités commerciales de John Elton pour renforcer ses positions au Daguestân et dans la ville de Darband.

Quelques mois plus tard, en décembre 1943, le consul russe au Guilân protesta officiellement contre les activités de John Elton. Ce dernier fut par la suite agressé à Darband par un officier russe qui le passa à tabac, car il avait déchargé plusieurs fois des cargaisons destinées aux troupes perses. Elton fut grièvement blessé. Il réussit à rencontrer Nâder Shâh dans son camp militaire au nord-ouest de Darband. Le capitaine anglais présenta de nouveaux projets de navigation et de commerce, suggérant également la possibilité de la mise sur pied d’un chantier naval sur la côte du sud de la mer Caspienne. Nâder Shâh conféra le titre de "Djamâl Beg" à Elton et le chargea de construire des navires modernes pour sa flotte. Il fit également identifier et punir les agresseurs russes de John Elton à Darband, et ce dernier rentra ensuite au Guilân pour commencer sa mission.

Nâder Shâh décida également de punir les pirates turkmènes qui avaient contribué à augmenter l’insécurité des régions situées au sud-ouest de la mer Caspienne. Il chargea Elton et ses hommes d’une mission de reconnaissance maritime en vue de localiser les pirates. Les services rendus par ce capitaine anglais inquiétaient de plus en plus les Russes, et ce d’autant plus que Nâder Shâh affichait une position de plus en plus hostile à l’égard de la Russie. Vers la fin de l’année 1743, un conflit militaire majeur sembla inévitable entre les deux pays. Mais à la dernière minute, et à la grande surprise des Russes, Nâder Shâh changea d’avis et attaqua les positions des armées ottomanes dans l’ouest de l’Azerbaïdjan. Cependant, les Russes savaient que leur position dans la mer Caspienne serait menacée si Nâder Shâh développait son contrôle à la fois sur le Caucase à l’ouest de la mer Caspienne, et sur le pays des Turkmènes à l’est. Au lieu d’affronter directement le roi de Perse, la cour de Saint-Pétersbourg envoya un émissaire spécial à Londres pour protester officiellement contre les activités des commerçants anglais qui coopéraient aux projets de John Elton. Le gouvernement britannique chargea un dénommé Henway, représentant des compagnies collaborant avec John Elton, de mener une enquête sur les activités du capitaine anglais en Perse. Dans sa relation de voyage en Perse (début 1744) et ses rapports au gouvernement anglais, Henway explique que les accusations portées par les Russes contre John Elton étaient exagérées. Elton avait mis sur pied un chantier naval près de Langroud (Guilân) mais les travaux avaient été interrompus en raison de grands obstacles techniques. Elton devait donc résoudre ses problèmes par des moyens rudimentaires.

L’assassinat de Nâder Shâh

Le 10 juin 1747, Nâder Shâh fut assassiné à l’âge de 59 ans, par ses propres officiers, dans le village de Fathâbâd près de Ghoutchân (Khorâssân). En réalité, le grand roi fut victime de son tempérament brutal.

Depuis quelques temps, il était devenu de plus en plus agressif et n’hésitaient pas à punir brutalement ses proches et ses généraux. La nuit de son assassinat, en vue de mépriser ses hauts officiers de tribus afshâre et qâdjâre, il avait confié la gestion de son camp militaire à un jeune officier pachtoune âgé de 25 ans, Ahmad Khân Dorrani. La même nuit, plus de 70 hauts officiers, dont la plupart étaient membres des tribus turkmènes afshâre et qâdjâre, décidèrent d’assassiner le roi. Ils tuèrent le jeune pachtoune et étranglèrent ses gardes du corps avant d’entrer sous la tente royale. Nâder mit la main à l’épée pour se défendre, mais les conspirateurs étaient trop nombreux. Le cadavre décapité de Nâder Shâh fut inhumé à Mashhad, selon ses souhaits. Roi de Perse de 1736 à 1747, Nâder Shâh réussit à empêcher le partage du pays entre l’Empire ottoman et la Russie, au lendemain de la chute de l’empire safavide. Pendant son règne de onze ans, ce grand général fonda un grand empire dont les frontières reconstruisaient l’ancien Empire perse des Sassanides. Mais les expéditions et les guerres successives de Nâder Shâh épuisèrent les ressources du pays attisant des conflits internes au sein même de sa cour. Son assassinat fut suivi d’une période de paix et de prospérité sous la dynastie des Zands, renversée ensuite par un chef de tribu turkmène, Aghâ Mohammad, fondateur de la dynastie qâdjâre (1794-1925).

1. Djamshid : personnage mythique, fils, frère ou neveu du roi Tahmoures, selon la légende. Les fêtes de son couronnement seraient l’origine de Norouz, fête du premier jour du printemps et du jour de l’an dans le calendrier iranien. Djamshid vécu entre 700 et 1000 ans, selon les récits. L’invention de l’arc, la construction des premières routes dans les plaines et dans les montagnes, ainsi que la construction du premier bateau sont attribuées à Djamshid (Dictionnaire Dehkhodâ).

2. Key-Kâvous : personnage mythique, roi légendaire dans les récits indo-iraniens. Son nom apparait à la fois dans les mythologies perse et indienne surtout dans les Veda, écrits sacrés les plus anciens de l’hindouisme (Dictionnaire Dehkhodâ).

3. Key-Khosrô : personnage mythique, fils de Siâvash. Sa mère était la princesse Faranguis. Dans la mythologie iranienne, Key-Khosrô est le plus grand roi de Perse. Il régna soixante ans et devint le roi le plus populaire et le plus aimé des Perses (Dictionnaire Dehkhodâ).

4. Achéménides : dynastie perse qui régna entre 550 av. J.-C. environ et 330 av. J.-C. Elle tire son nom d’Achéménès (Hakhamanish, env. VIIe siècle av. J.-C.), un petit souverain de l’Anchan (dans le sud-ouest de l’Iran), mais le véritable fondateur de la dynastie fut son arrière-arrière-petit-fils, Cyrus le Grand, fondateur de l’Empire perse. Au faîte de leur puissance, sous Darius Ier, les Achéménides régnaient sur un empire s’étendant de l’Indus à la Libye, de la Thrace à l’ouest et du golfe Persique au sud, au Caucase et à l’Iaxarte (actuel Syr-Darya) au nord.

5. Séleucides : dynastie de rois macédoniens qui régnèrent au Moyen-Orient du IVe au Ier siècle av. J.-C. ; établie lorsque l’empire d’Alexandre fut divisé entre ses successeurs.

6. Sassanides : dynastie perse fondée en 226 de notre ère, par un roi perse vassalisé, Ardéshir Ier qui se rebella contre les Parthes, et les battit à la bataille d’Ormuz (224). Il fit du zoroastrisme la religion officielle de la Perse. Ardéshir fut remplacé en 240 par son fils Shâhpuhr Ier, qui livra deux guerres à l’Empire romain, conquérant des territoires en Mésopotamie et en Syrie ainsi qu’une grande partie de l’Asie Mineure. Khosrô Anoushirvân (v. 519-v. 579) étendit son pouvoir jusqu’à la mer Noire et au Caucase, devenant ainsi le plus puissant de tous les rois sassanides. Le dernier des rois sassanides fut Yazdgard III. C’est sous son règne (632-641) que les Arabes envahirent la Perse.

7. Bouyides : dynastie iranienne qui régna sur le sud de l’Iran et la Mésopotamie aux XIe et XIIIe siècles. Le fondateur de la dynastie, Ali Emâd-od-doleh partagea son domaine parmi ses trois fils : Fârs et Kermân, Irak et Khûzistân, Hamadân et Ispahân. Les Bouyides prirent le siège des califes Abbâssides à Bagdad. Leur dynastie fut le pouvoir d’origine perse le plus puissant des premiers siècles de la période islamique.

8. Realpolitik : politique internationale basée sur des considérations de rapports de force et de possibilités concrètes, sans influence idéologique (Dictionnaire Robert).

9. Shervânshâhs : nom de cinq dynasties locales du Caucase, depuis la fin de la période Sassanide, jusqu’au XVIIe siècle, vassalisés souvent par le gouvernement central de la Perse. Les Safavides renversèrent la dernière dynastie Shervânshâh, dans le cadre de leur politique de centralisation.

Références et bibliographie
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- SARTON, George, Târikh-e elm (Introduction to the history of science), traduit par Ahmad Birashk, éd. Elmi-Farhangui, 1997.
- FARSHAD, Mahdi, Târikh-e Mohandessi dar Iran (Histoire de l’ingénierie en Iran), éd. Balkh, 1997.
- Hérodote, Histoires, traduit par George Rawlinson, éd. Elmi va Farhangui, 5ème année, 2008.
- MINORSKY, Vladimir, Târikhtcheh Nâder Shâh (L’Iran à l’époque de Nâder Shâh), traduit par Rashid Yâsami,éd. Donyâ-ye kétâb, 2006.
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- ARUNOVA, M.R. & ASHRAFIAN, K.Z., Dowlat-e Nâder Shâh-e Afshâr (Le gouvernement de Nâder Shâh Afshâr), traduit par Hamid Amîn, éd. Nashr-é Dâneshgâhi, 1977.
- DJONEYDI, Fereydoun, Zendégui va mohâdjerat-e nejâd-e âriyâ (La vie et l’immigration des Aryens), éd.Bonyâd-é Neyshâbour, 1989.
- IBN MOHAMMAD EBRAHIM, Mohammad Rabi’, Safine-ye soleymâni, Safarnâmeh safîr-e Irân be Siyâm (Le bateau de Salomon), éd. Dâneshgâh-e Tehran, 1999.
- NOURBAKHSH, Hossein, Farhang-e daryâyi khalidj-e fârs (Dictionnaire maritime du golfe Persique), éd. Amir-Kabir, 2002.


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