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La rencontre
J’ai, dans le miroir, regardé
Hélas, il n’y avait à l’infini
Que solitude !
Tiré du recueil La lune dans le brouillard.
Né en 1956, Mohammad-Rezâ Abdolmalekian est, entre autres, une figure importante de la génération des « poètes de la guerre ». Son œuvre est à ce titre marquée par la rhétorique du combat iranien contre l’Iraq. Elle célèbre l’esprit de résistance et la bravoure des soldats qui ont participé à la guerre. Le poète ne manque cependant pas d’aborder les thématiques liées aux champs de l’amour et d’autres sentiments humains, vécus dans la société moderne. Il s’écarte pour ainsi dire, et notamment dans ses derniers textes, de sa verve révolutionnaire pour traiter des sujets touchant à la sensibilité de la vie moderne. D’où l’évolution de sa poésie et le recours à la prose. De la forme poétique nimaïenne, sa poésie évolue vers l’adoption du vers blanc, forme plus souple pour l’expression des expériences de nos jours. C’est d’ailleurs la forme dans laquelle le poète a donné ses textes les plus réussis. Ils le sont notamment par la simplicité du langage et la clarté des idées. L’abandon des poèmes longs et la tendance de l’écrivain à composer des poèmes courts, sous forme de haïkus, n’y sont peut-être pas pour rien. Il reste à dire que parmi ses ouvrages les plus remarquables, nous pouvons citer La gentillesse et Je te parle avec simplicité.
« Pourquoi tu fais la guerre ? »,
Me demande mon fils.
Mon fusil au poing
Mon sac sur le dos
Je resserre les lacets de mes bottes.
Ma mère, avec à la main
Un Coran, un miroir et de l’eau
Sème la lumière dans mon cœur.
« Pourquoi tu fais la guerre ? »
Redemande mon fils.
Je réponds de tout cœur :
« Pour que l’ennemi ne te vole pas la lampe ! »
Avec toi
Je suis à l’abri
Je suis plein de toutes beautés
Sois mon asile
Pour que du poids de l’étrangeté,
Se déchargent mes épaules,
Et mes yeux,
De l’ennui de la solitude.
Je viens de loin
Du côté des champs de blé
Du côté des melonnières
Et du pays dont le ciel
Ne possède que deux robes
L’une bleue, qu’il porte le jour
Et l’autre, longue, qu’il met la nuit
Une robe ondulant
Dans la danse des mille et une nuits
D’étoiles lumineuses.
Je viens de loin,
Des ruelles de l’enfance
De la ville colorée des récits de mon père
Dits lors des nuits longues d’hiver
Et des yeux vivifiants de ma mère
Qui m’offrait dans son regard
Toute sa douceur.
Crois-moi !
La poésie est, en moi,
La révolte de l’unité
Et l’épopée de l’amitié
J’aime d’une autre manière
Et je suis unique autrement
Je ne suis comparable qu’à moi
Et toi qu’à toi
Que je quête depuis des années.
Avec toi
Je vois tout bleu
Tes yeux sont la gloire de la patience
Tes cheveux
La suite des pluies
Et ton cœur
Est le chant des mers.
Le murmure du bout des doigts du vent
Dans le doux rêve de ta chevelure
Est une beauté poétique
Jouant avec mon cœur,
Et la noblesse de ton dire
Fait pâlir
Tout autre propos.
Aux paysages de partout dans la nature
Je te vois
Dans la fontaine, à la rivière et dans la mer
Dans la fleur, dans l’arbre et la forêt
Dans la vallée, au mont et aux champs
Et pourtant
Je suis toujours étonné
Que tu sois tout l’amour dans un être
Que tu sois tout l’espoir
Dans un habit.
Tiré du recueil La gentillesse.
Pour connaître mon côté
Interrogez l’eau
La mer attend toujours
Les chants d’amour.
Tiré du recueil La gentillesse.
A tous les immigrés affligés sur les mers errantes du monde.
Toutes ces chaises abandonnées !
Et tous ces oiseaux errants !
Tu ne veux pas rentrer ?
Des nuits lointaines
Des bateaux pleins d’effroi
L’angoisse des pigeons d’Orient
Et dans tes yeux
La densité de la terreur.
ہ toutes ces lieues de distance
Tu ne peux vraiment te fuir ?
N’y a-t-il pas une issue
Dans cette nuit de l’insécurité
Pour que la faible lumière
De cet invisible pays
Se transforme en soleil
De gentillesse ?
Toutes ces chaises abandonnées !
Et tous ces oiseaux errants !
Tu ne veux pas rentrer ?
« S’il se trouvait un endroit sûr ?
S’il y avait un port pour abri ? »
Demandent ton regard
Et celui des oiseaux errants
Attachés, l’œil dans l’œil des pigeonneaux,
ہ la vue de ce port invisible.
Où êtes-vous emportés
Toi et ces oiseaux suppliciés
Par ce bateau renversé
Dans les eux lointains
Et par cette agitation noire
Des vagues troublées ?
Toutes ces chaises abandonnées
Et la grâce de la mère
Un bol d’eau claire
Et ces deux pauvres vieillards
Qui se tenaient endoloris
Au seuil de la porte
Dans l’attente de votre arrivée
Ce Coran, cette eau et ce miroir
Et des oiseaux errants
Qui héritaient de cette maison
Et des oiseaux suppliciés
Qui ne seront plus de retour.
Tiré du recueil Je te parle avec simplicité.
Les enfants
Grandissent
Que la vie est petite !
Tiré du recueil Je te parle avec simplicité.
Tchamkhâleh Une petite ville au nord de l’Iran.
Faisant face à la mer
Je ne me détourne pas vers la forêt
Ni me retourne vers toi
Mon sens se résume
Dans ce même instant
Où la vague me fait face.
Tu attends qui ?
Ce n’est pas moi
Celui que la mer ramène au rivage.
Demandez mon adresse
Aux poissons de la mer
Qui sont très loin
Et qui mordent à l’hameçon
Pour que le flot
De la largesse de mer
Ne s’efface pas
De l’esprit de vieux pêcheurs.
Tiré du recueil Je te parle avec simplicité.
Je ne dis rien
Sauf cet arbre
Je ne veux rien
Sauf cet oiseau
Laissez-moi tranquille !
Je veux, sans livre ni mot,
Retourner à la montagne
A ce même commencement
Où il n’y avait que le blé
Et Adam.
Tiré des poèmes nouveaux, publiés dans
Les poèmes choisis.
N’écrivez rien
Sur cette pierre
Ou écrivez seulement :
Une herbe inquiète
Qu’avaient perdu
Tous les agneaux.
Tiré des poèmes nouveaux, publiés
dans Les poèmes choisis.
Ma fille
Sur ton chemin
Dis bonjour au premier oiseau !
La voie du ciel
Commence à coup sûr
Par le second oiseau.
Tiré des poèmes nouveaux, publiés dans
Les poèmes choisis.
Les bateaux plongent dans le sommeil
Les navires également
Seul, je suis resté avec la mer
Et avec le poème
Qui s’est perdu entre nous
N’est-il pas celui-ci
Celui que j’écris ?
Ou bien, il est celui-là
Celui que fredonne la mer
Et qu’elle emporte, au loin, en soi
Tout le monde plonge dans le sommeil
Il n’y a que la mer et qu’un poème.
Tiré des poèmes nouveaux, publiés dans
Les poèmes choisis.