N° 73, décembre 2011

Gholamhossein Nami, peintre d’ici et d’ailleurs, des allers et des retours


Djamileh Zia


La Galerie Khak [1] a organisé du 17 juin au 11 juillet 2011 une exposition regroupant quelques tableaux de Gholamhossein Nami dessinés de 1994 à 2011. Dans les tableaux datant de la fin des années 1990, le désert est un thème important ; ensuite, les pays et les territoires, et plus tard la route et des motifs évoquant l’écriture persane deviennent le thème principal des tableaux, comme si le peintre avait représenté au fil de ces dix-sept ans ses réflexions et ses sentiments sur des allers et retours entre son pays natal et d’autres contrées, entre le passé et l’avenir.

Gholamhossein Nami

Gholamhossein Nami est né en 1936 à Qom. Il a étudié la peinture à la Faculté des Beaux Arts de l’Université de Téhéran puis à l’Université du Wisconsin aux Etats-Unis. Il fait partie des pionniers de l’art conceptuel en Iran et a été l’un des fondateurs du « Groupe libre des peintres et des sculpteurs » (Gorouh-e âzâd-e naghâshân va mojassameh-sâzân) dans les années 1970. [2] Il est devenu célèbre pour ses tableaux blancs comportant des formes tridimensionnelles. Il a enseigné la peinture dans plusieurs universités iraniennes jusqu’en 1988. Nami a exposé ses peintures en Iran, en Europe et aux Etats-Unis et a reçu plusieurs prix tout au long de sa carrière artistique. Plusieurs musées d’art contemporain en Iran et aux Etats-Unis ont acquis ses œuvres, et l’une des salles de la Maison des Artistes de Téhéran a été baptisée à son nom. Nami a émigré au Canada il y a sept ans, mais revient régulièrement en Iran pour des séjours de quelques mois. [3]

Tableaux de Gholamhossein Nami

Dans ses entretiens, Nami a parlé à plusieurs reprises d’un voyage qu’il a effectué en 1994 à Kâshân et à Abiyâneh, où il a redécouvert les paysages du désert. Nami a passé son enfance à Qom, une ville située elle aussi au bord du désert. Il dit qu’il a toujours aimé, depuis son enfance, l’architecture des maisons traditionnelles iraniennes des régions semi-désertiques, mais au cours de ce voyage en 1994, il a été surtout ébranlé par le contact de la terre ocre de ces régions, au point d’avoir emporté avec lui un sac rempli de la terre d’Abiyâneh pour l’utiliser dans ses tableaux. [4] Dans l’exposition à la Galerie Khak, le désert apparaît dans les tableaux de Nami quelque temps après ce voyage sous la forme d’une parcelle de terre craquelée. « Je cherche mon identité dans les fissures assoiffées du désert. Le désert a une étrange profondeur pour moi et peut-être est-ce ainsi pour tout le monde. Le nom du désert même, a une connotation symbolique et un sens différent en fonction des gens. Le désert est une terre assoiffée qui, parce qu’il a terriblement besoin d’eau, tombe amoureux du mirage et noue son sort à l’aridité et à la soif. En ce sens, je pense qu’en utilisant l’élément terre et le désert, j’ai approché quelques uns des signes abstraits de la culture iranienne qui peuvent inclure mon identité aussi », a dit Nami dans un entretien. [5]

La terre dont la couleur évoque le désert, les territoires et les pays sont les thèmes dominants des tableaux de Nami de 2002 à 2008. Dans plusieurs de ces tableaux, il y a des habitations que l’on devine à l’horizon. D’autres tableaux évoquent des territoires sur une carte, délimités par des lignes droites qui s’entrecroisent et se coupent (représentant des routes ou des frontières peut-être), et souvent, l’un des territoires est peint en noir. Cette zone en noir surprend comme une énigme, comme s’il s’agissait d’un espace dont on n’a aucune information ou auquel on n’a aucun accès. La couleur noire évoque également le deuil et la tristesse.

A partir de 2007, de petites formes curvilignes apparaissent dans les tableaux de Nami et en deviennent un élément constant. Elles sont dessinées surtout en bleu clair et beige, couleurs qui évoquent le ciel et la terre des régions désertiques de l’Iran. Ces petites lignes courbes, qui font penser à l’alphabet persan calligraphié, adoucissent les tableaux de Nami. Deux ans plus tard, le thème des pays et des territoires disparait et laisse la place à celui de la route. On pourrait penser qu’il y a un lien entre l’apparition des petites lignes courbes et la disparition des dessins des territoires, comme si ce qui symbolise la langue et la culture persanes a remplacé la terre ; celui qui a intériorisé ainsi son pays d’attache peut désormais prendre la route et partir ailleurs.

Le tableau de 2009 semble être un tournant : une route qui occupe la majeure partie du tableau, avec un encadré en son milieu (qui pourrait évoquer une fenêtre, une ouverture) d’où jaillit une couleur blanche au milieu du noir. Est-ce un signe d’espoir ? Les petites lignes courbes sont présentes des deux côtés de la route, comme pour la baliser. Dans ce tableau, la route est divisée en deux par une ligne rouge placée en son milieu, ligne en partie continue en partie discontinue comme pour montrer que sur cette route, les dépassements et les retours sont parfois possibles parfois impossibles.

La couleur dominante des tableaux de Nami s’éclaircit au cours des années qui suivent. Dans ses peintures de 2010 et 2011, les couleurs sont paisibles, blanc, bleu clair, jaune, et il y a un cercle au milieu des tableaux. Un espace rectiligne est placé au milieu du cercle et le divise en deux parties, comme les routes qui, dans les tableaux des années précédentes, étaient divisées en deux parties par une ligne médiane ; mais cette bipartition est atténuée du fait de la forme du cercle qui englobe et unifie les deux parties. Les petites lignes courbes évoquant l’alphabet persan occupent une grande partie du tableau. Le premier tableau à trois dimensions de Nami était composé deux cercles surélevés représentant deux têtes, celles d’une mère et d’un enfant. Les cercles des tableaux de 2010 et 2011 sont-ils des têtes eux aussi ? Quoiqu’il en soit, les tableaux récents de Nami donnent au spectateur un sentiment de sérénité qui est peut-être lié à une impression de suspension dans le temps et l’espace.

Notes

[2Le principal objectif de ce groupe (créé en 1974) était de provoquer un changement dans le milieu artistique de l’Iran, en mettant l’accent sur l’art conceptuel et en critiquant le marché de l’art. Ce groupe fut dissous en 1977.

[3Pour avoir plus d’informations sur Gholamhossein Nami, vous pouvez consulter son site officiel à l’adresse www.gh-nami.com.

[4Entretien de Leyli Golestan avec Gholamhossein Nami, paru dans le journal Hamshahri, consulté le 25 sept 2011 sur le site officiel de Gh. Nami.

[5Entretien du journal Iran avec Gholamhossein Nami, consulté le 25 sept 2011 sur le site officiel de Gh. Nami.


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