N° 73, décembre 2011

L’Imâm Hossein, le mois de Moharram et la tragédie de Karbalâ
Histoire et répercussions culturelles en Iran au travers du ta’zieh


Sarah Matloubi
Traduit par

Mahnâz Rezaï


Chaque année, au début du Moharram, premier mois du calendrier islamique, on commémore le souvenir de Karbalâ et de l’Imâm Hossein, en autre avec des spectacles de théâtre. Ce théâtre s’appelle ta’zieh. Le mot arabe ta’zieh signifie littéralement « consolation » et, par extension, désigne l’ensemble des cérémonies funèbres en l’honneur des martyrs de Karbalâ. Chacune des scènes de ce théâtre est nommée majles, qui signifie littéralement « séance ».

De nombreux touristes et voyageurs qui ont visité l’Iran au cours de l’histoire ont parlé de ces récits. Gobineau serait le premier à avoir exposé en détail le théâtre de ta’zieh. Il a d’ailleurs comparé les ta’zieh iraniens aux chefs-d’œuvre d’Eschyle ainsi qu’aux autres anciennes tragédies grecques.

L’Imâm Hossein a vécu à l’époque du gouvernement omeyyade et du calife Mo’âvieh. Après la mort de ce dernier, il n’a pas accepté de prêter serment d’allégeance à son fils Yazid, qui lui avait succédé. Ce serment entraînait une obligation d’approbation et d’obéissance. L’Imâm Hossein quitta alors La Mecque en 680 avec toute sa famille et un petit nombre de ses compagnons. Alors qu’ils étaient près de Koufa, dans le désert de Karbalâ, l’armée de Yazid les encercla.

Au début du mois de Muharram de l’an 61 de l’Hégire, l’Imâm Hossein se vit face à l’armée de Yazid. La centaine de fidèles de l’Imâm Hossein fut assiégée par des milliers de soldats de l’armée ennemie. Parvenue au cœur de l’Irak dans la plaine de Karbalâ, leur caravane cernée par l’ennemi, c’est-à-dire par l’armée de Damas, fut accablée par la soif. Auparavant, l’Imâm Hossein avait déjà averti ses compagnons que seul la mort les attendait. Il leur donna ainsi la liberté de choisir entre la vie ou la possibilité de se sauver grâce à l’obscurité de la nuit. En fin de compte, seul une quarantaine d’hommes resta avec lui et se prépara pour la bataille à l’issue de laquelle tous succombèrent. L’Imâm Hossein tomba le dernier en martyr. Parmi les martyrs se trouvaient des enfants de 13 et 11 ans de l’Imâm Hassan (frère de l’Imâm Hossein), ainsi que des enfants de l’Imâm Hossein, dont un nourrisson.

Ta’zieh - Photo : Fars

Le ta’zieh met en relief le fait que l’Imâm Hossein n’est pas seulement un combattant, mais aussi un martyr. Il y est présenté comme un être mythique et légendaire, qui s’est sacrifié pour le salut de son peuple et dans la voie de l’obéissance à Dieu.

Selon les traditions, ce fut sur l’ordre de Dieu que Mohammad avait marié sa fille Fâtima à ’Ali [1]. L’Imâm Hossein était leur second fils, né en l’an 4 de l’Hégire lunaire. Dès ses jeunes années, il lui arriva de convertir des gens.

Selon les hadiths, l’archange Gabriel avait annoncé au Prophète de l’islam la nouvelle du martyre futur de son petits-fils.

Mohammad aimait beaucoup ses deux petits-fils Hassan et Hossein. On raconte qu’un jour, l’Imâm Hossein lui montra sa gorge en lui disant qu’il avait mal à cet endroit. Le col de sa chemise lui avait laissé une trace rouge sur le cou. En voyant cela, le Prophète perdit connaissance. Revenu à lui, il dit que ce trait rouge marquait la place où sa tête serait séparée de son corps à Karbalâ.

L’Imâm Hossein perdit sa mère à l’âge de six ans environ. Il se maria avec la fille du roi iranien Yazdgerd III. De ce mariage naquirent plusieurs fils et plusieurs filles.

Comme nous l’avons évoqué, à cette époque, le calife de Damas était Yazid, fils de Mo’âvieh, fondateur de la dynastie des Omeyyades. Avant de quitter La Mecque, l’Imâm Hossein envoya son cousin Moslim ibn ’Aqil afin de s’enquérir des intentions des gens de Koufa qui lui avaient exprimé son soutien. Mais en réalité, Koufa était déjà tout entière occupée par les troupes de Damas et Moslim fut tué avant d’avoir pu remplir sa mission. Les deux fils de Moslim furent également tués.

Le petit groupe se heurta à l’armée de Damas. Celle-ci était nombreuse et bien équipée. Tous les hommes succombèrent très vite face à l’ennemi ou à la soif. Ces derniers sont considérés et honorés comme des Sohadâ-ye Karbalâ (les « martyrs » de Karbalâ) dont le ta’zieh est une commémoration.

Après le martyre de ses compagnons, seuls restèrent avec l’Imâm Hossein sa femme, la princesse persane Shahrbânou, ses deux sœurs, Zeinab et Kolthoum, son dernier fils, Zein-ol-Abidin (qui deviendra le quatrième Imâm après lui), sa fille, Sakineh, une enfant, son neveu ’Abdollah, le fils de Hassan. Le théâtre de ta’zieh représente l’ensemble de ces événements.

Face à l’Imâm Hossein et à sa famille se tient l’armée de Damas, commandée par Omar Ibn Sa’ad et Shemr, celui qui tranche la tête de l’Imâm Hossein. Dans le ta’ziyeh, cette scène pathétique commence toujours par un dialogue entre Shemr et Ibn Sa’ad.

Après le martyre de l’Imâm et de ses compagnons, la tête de l’Imâm Hossein fut emportée par eux à Damas. Ils emmenèrent également avec eux les survivants de cette sainte famille. Zein-ol-’Abidin, le dernier fils de Imam Hossein, succéda ensuite à son père.

Après sa libération, la famille de l’Imâm Hossein prit la route de Médine. Certains disent que le fils de l’Imâm Hossein, le jeune Zein-ol-’Abidin retourna à Karbalâ afin d’y rapporter la tête de son père et de l’enterrer avec les restes du corps mutilé.

De cette manière, les chiites se remémorent tous les ans le deuil de l’Imâm Hossein et de ses compagnons par ces représentations théâtrales, les ta’zieh. Dans le ta’zieh, la récitation qui est presque toujours en vers, est d’une importance particulière. Il n’est en quelque sorte qu’une représentation théâtrale versifiée d’un événement religieux central dans la conscience chiite jusqu’à aujourd’hui.

Notes

[1Bien entendu, le prophète Mohammad n’en avait pas moins demandé son avis à sa fille Fâtima qui avait accepté. Ce n’est donc en aucun cas un mariage dit "forcé".


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