Le Royaume de Salomon ; le tournage de ce film coûteux a provoqué une grosse polémique dans le monde du cinéma iranien. Avant ce film, des dessins animés ou tridimensionnels ont déjà été faits, mettant en scène les épisodes de la Bible et du Coran, tel que Le Royaume de David, qui raconte l’histoire des royaumes antiques de Palestine. Mais la représentation des rois-prophètes dans la culture iranienne est beaucoup plus ancienne que ces projets cinématographiques.

Aucun roi chez les Iraniens n’est plus sacré ni autant admiré et loué que le mythique Cyrus le Grand, et une liste infinie d’éloges-clichés suit toujours son nom. A préciser cependant que la plupart de ses admirateurs limitent leur connaissance à un poster façon art chic, décorant le mur d’un bureau impersonnel, standard occidental, et dernier cri !

Quoiqu’il en soit, Cyrus demeure le Roi modèle, l’archétype iranien du bon roi, unificateur de l’Iran, père de la nation aryenne, et fondateur de l’universel empire Achéménide, l’immense empire perse qui, à l’époque de ses successeurs, s’étendra du Nil à l’Oxus, et du Danube à l’Indus. Pas étonnant que pour les Perses achéménides, dans le monde entier, il n’y ait eu qu’un seul Dieu, une seule patrie et un seul Roi !

Outre ces titres légendaires, Cyrus est Oint de Yahvé d’après l’Ancien Testament et Dhol-Qarnayn (celui qui a deux cornes) selon le Coran. [1]

« Et ils t’interrogent au sujet de Dhol-Qarnayn. Dis : « Je vais vous en citer quelques faits mémorables ». Vraiment, Nous avons affermi sa puissance sur terre, et lui avons donné, pour toute chose, un moyen. » [2]

Le titre de Dhol-Qarnayn réfère clairement au rêve de Daniel commenté par Gabriel. Cette histoire biblique n’apparaît dans le texte coranique que par cette notice indirecte. Les Juifs ont pris ce commentaire comme l’annonce de l’arrivée du Messie de Babylone, libérateur des Hébreux, celui qui rebâtit le Temple de Jérusalem. Et Daniel, révéré par les Persans de toutes confessions, est aujourd’hui le seul nabi biblique dont le mausolée s’implante dans le territoire iranien.

L’enfance sûrement fictive de Cyrus ressemble à celle de certains prophètes sémites. Comme Abraham et Moïse, abandonné juste après la naissance, il serait miraculeusement retrouvé et honoré. Cette vie, comme affirme Christophe Levalois dans Royauté et figures mythiques dans l’ancien Iran, suit le modèle classique des historiens grecs : « L’existence commence par une occultation dès la naissance, pour la protéger, par un mode de vie pastoral, puis, par ses qualités éminentes, innées, le Prince est remarqué et retrouve son rang. Par la suite, il s’affirme comme un grand roi. » [3]

Dans Le Livre des rois de Ferdowsi, le même procès est suivi par le roi Key Khosrow, élevé et caché parmi les pâtres ou le héros Zâl, père du héros national iranien Rostam, qui est adopté par l’oiseau mythique Simorgh. Cyrus porte aussi le titre de « Lord’s Shepherd » dans le Livre d’Isaïe.

« Je dis de Cyrus : Il est mon berger, Et il accomplira toute ma volonté ; Il dira de Jérusalem : Qu’elle soit rebâtie ! Et du temple : Qu’il soit fondé ! »

Comme les prophètes sémites, le roi Cyrus est berger du peuple, et il est en outre choisi par Yahvé. Il est pareillement élu par Allah, pour diriger le peuple. A ajouter que deux Livres des rois de la Bible chrétienne sont classés parmi les Livres des Prophètes dans la tradition juive.

Notes

[1Edwin M.Yamuchi, Persia and the Bible, Baker Books, Michigan, 2000

[2Le Saint Coran, sourate Al-Kahf (La Caverne), versets 83-84.

[3Christophe Levalois, Royauté et figures mythiques dans l’ancien Iran, préface de Jean Varenne, Milan, Archè, 1987, p.13.


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