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5 Mars 1937
14 Esfand 1315
Nous publions ci-après le texte de la conférence faite à l’Alliance Française de Téhéran le 28 Février 1937 par M. E. Kogbeliantz, Docteur ès Sciences et professeur d’Analyse Mathématique et d’Astronomie à l’Université.
Mesdames, Messieurs,
Il n’y a pas à dire : la question posée est scientifique. Elle intéresse à la fois à plusieurs sciences : Astronomie, Biologie, Histoire, Sociologie, etc. Néanmoins, ce n’est pas une conférence scientifique que vous allez entendre, car le sujet de notre causerie de ce soir n’est pas encore bien étudié et la question reste ouverte : elle vient seulement d’être posée par la science. Par conséquent, nous n’avons à présenter ni à défendre aucune solution définitive de la question traitée. Tout ce que nous pouvons faire pour l’instant est de passer en revue les faits les plus importants ayant été récemment établis et qui semblent prouver l’influence du rythme qui caractérise la vie du Soleil sur les destinées humaines.
Vous vous dites certainement : "Mais c’est de l’Astrologie !" Oui, et pourtant, cela ne doit pas nous rendre sceptiques. Permettez-moi de vous rappeler que la science du XIXe siècle déclarait fausses toutes les idées anciennes sans les étudier : elles paraissaient alors des inventions naïves, incompatibles avec la réalité. C’est au XXe siècle que l’on a vérifié par des expériences précises et bien contrôlées l’exactitude de l’idée dominante de l’Alchimie. Les plus beaux rêves des alchimistes sont réalisés actuellement, y compris la transmutation du mercure en or obtenue pour la première fois par le chimiste japonais Nagaoka.
C’est le tour de l’Astrologie maintenant, et son idée centrale - l’influence des causes cosmiques sur les destinées humaines - est à l’ordre du jour de la science moderne. Son étude a déjà donné des résultats du plus haut intérêt que nous allons résumer ce soir. Ils sont si nombreux qu’en les exposant, il faut les systématiser, les enrouler pour ainsi dire autour d’un axe central. Cet axe sera pour nous la nouvelle doctrine de l’influence des taches solaires. Nous sommes donc obligés, pour obtenir un exposé bien clair, de nous placer au point de vue des défenseurs de cette doctrine. Je me permets d’ajouter que mon rôle se limite uniquement à vous faire cet exposé et que je n’ai pas la prétention de présenter ici une opinion personnelle.
Les faits acquis semblent prouver l’influence du rythme solaire 1) sur les unicellulaires, disons sur la cellule vivante ; 2) sur les organismes multicellulaires, c’est-à-dire sur les sociétés des cellules et en particulier sur l’homme ; 3) sur les sociétés humaines, donc sur l’histoire des peuples.
Avant de les exposer, il est important de montrer comment la science se représente le mécanisme possible de l’influence du Soleil sur les destinées humaines. Deux explications sont possibles et toutes les deux sont probablement exactes. Dans la première, l’élément biologique fondamental, la cellule vivante, constitue la clé de voûte du problème. Les faits prouvent que les taches solaires agissent sur la cellule vivante et sa réaction entraîne comme conséquence nécessaire l’influence des taches sur l’homme et sur l’histoire de l’humanité.
En effet, les réactions individuelles des milliards de cellules composant l’organisme humain ne peuvent s’intégrer et s’unir, n’engendrant ainsi la création de l’organisme tout entier que si ces réactions cellulaires sont identiques. Or, une cause cosmique, comme par exemple les taches solaires, agît également sur chacune des cellules et provoque la même réaction chez l’ensemble d’entre elles : l’influence d’une tache solaire sur l’homme s’explique ainsi comme la résultante de toutes les réactions que ses cellules manifestent sous l’influence d’une tache solaire. De même, les réactions humaines sont généralement divergentes et elles se neutralisent mutuellement sans engendrer une réaction collective d’un peuple ou d’une nation. L’intégration des réactions individuelles des membres d’une société humaine ne devient possible que lorsque ces réactions élémentaires sont convergentes et similaires. Or, l’influence des taches solaires agît de même sur chacun de nous, ce qui explique bien leur influence sur l’histoire des peuples. Cette idée fondamentale d’intégration des réactions élémentaires est bien illustrée par l’exemple d’une aiguille en fer : les milliards d’atomes qui la constituent et dont chacun est un aimant, ne produisent à l’extérieur aucune action magnétique, car les actions de ces aimants minuscules, orientées dans toutes les directions possibles, se détruisent mutuellement. Mais voici, vous approchez de l’aiguille un gros aimant. Son action sur les aimants minuscules composant l’aiguille les fait tourner tous vers lui et l’aiguille manifeste alors une réaction globale : elle devient un aimant à son tour, se jette spontanément sur le gros aimant et y reste accolée. Sa réaction est la résultante des réactions identiques de toutes les particules dont elle se compose.
D’autre part, l’action des taches solaires sur la cellule et sur les êtres vivants peut être aussi indirecte, car l’état du milieu ambiant, c’est-à-dire pour nous, celui de l’océan d’atmosphère terrestre qui nous baigne, dépend de l’état du Soleil et ses variations, en relation avec les taches solaires, suivent le rythme de la vie du Soleil. Par exemple, l’action excitante de l’ozone sur l’homme est bien connue et étudiée. Or, la teneur de l’ozone dans l’air est variable : elle augmente lors des maxima et diminue lors des minima des taches solaires. De même les orages magnétiques énervent et excitent le système nerveux et on sait bien, après les travaux de l’astronome français Deslandres, que leur fréquence et intensité suivent le cycle solaire.
Déjà Buckle (History of civilisation in England) insistait sur le rôle prédominant du milieu ambiant et considérait l’homme comme un produit de son milieu. Draper affirmait aussi dans son ouvrage History of intellectual development of Europe que l’évolution des peuples et leur histoire dépendait de l’influence des agents physiques naturels et suivait les lois naturelles. Enfin, le grand biologiste Pavlov (Les Réflexes Conditionnels, 1932, p.104) énonce clairement : "Toute la vie des protozoaires jusqu’aux organismes les plus complexes, y compris bien entendu l’homme, n’est qu’une longue série de systèmes isolés de plus en plus compliqués qui à tout moment rétablissent leur équilibre avec le milieu ambiant."
Ainsi, d’après Pavlov, l’homme est un résonateur vibrant avec le milieu ambiant car son organisme répond continuellement à toutes les variations des conditions physiques autour de lui. Or, ces dernières dépendent, comme on va le voir, de l’activité du Soleil et leurs variations sont causées par les changements de son état. Ainsi l’homme comme toute la matière vivante et général, vibre avec le Soleil et obéit à son rythme transmis par le milieu ambiant.
Le rythme du Soleil
Le Soleil est une sphère gazeuse énorme dont le volume est 1 300 000 fois celui de la Terre. La masse de cette dernière n’est que de trois millionièmes celle du Soleil qui, mesurée en tonnes, s’exprime par le chiffre deux suivi de vingt sept zéros ! Cette immense accumulation de la matière incandescente rayonne des torrents d’énergie sous forme de chaleur et de lumière. A son centre règnent des pressions et des températures inimaginables (un milliard d’atmosphères et 40 millions de degrés environ) qui dissolvent la matière en la transformant en énergie. Cette dernière s’échappe du centre, traverse toute la masse du Soleil et va se perdre à l’infini. Le feu intérieur dévore le Soleil et sa masse diminue chaque année de 130 000 milliards de tonnes, projetées sous forme de rayonnement.
Cet organisme formidable vibre et passe alternativement par des périodes calmes et agitées ; et la fièvre du soleil provoque l’éruption, sur sa surface, de taches dont le nombre, la position et l’importance varient périodiquement.
Quand le Soleil est calme on n’en voit presque point, mais cette accalmie ne dure que deux à trois ans. Des taches commencent à apparaître loin de l’équateur, petites d’abord et en petit nombre. Leurs dimensions et leur nombre augmentent rapidement, elles descendent vers l’équateur et le Soleil passe par une crise aiguë, appelée maximum des taches. Ensuite, l’agitation intérieure, la fièvre du Soleil, commence à tomber, les taches diminuent, deviennent plus rares et disparaissent près de l’équateur.
Le Soleil passe neuf fois par siècle par ces crises : une fois tous les onze ans et trois mois environ. Il est curieux d’observer que les années du calendrier arabe sont groupées en cycles de douze ans. Les années correspondantes des cycles différents portent le même nom, année du Lion par exemple, de sorte que ces noms reviennent périodiquement. Or, douze années arabes ne font que nos onze ans et demi environ et ce cycle arabe reflète peut-être le rythme solaire. Le cycle solaire complet à vingt-deux ans et demi et dans un cycle, il y a deux maxima et deux minima des taches solaires.
Plusieurs phénomènes terrestres reviennent périodiquement et leur allure générale accuse le cycle d’onze ans et un quart. Le potentiel électrique de l’atmosphère, pression et température de l’air, le champ magnétique terrestre varient continuellement et les courbes de leurs variations suivent l’allure générale de la courbe des taches solaires.
Or, l’état de l’atmosphère détermine le régime des pluies et ce dernier, comme l’a montré le météorologue Golitziqe, suit le cycle solaire. C’est pour cela que les variations du niveau du grand lac africain Victoria-Nyanza, suivent exactement la courbe des taches solaires, ainsi que l’allure des inondations de la vallée du Nil en Egypte. Le nombre des icebergs dans l’Océan Atlantique ainsi que leur température annuelle moyenne suivent également la courbe des taches solaires. Bref, tous les phénomènes météorologiques sont influencés par le cycle solaire.
En 1929, Edison Petit en a donné l’explication : il a démontré que la proportion des rayons ultra-violets dans la lumière solaire est variable et que ses variations suivent exactement la courbe d’activité solaire. Or, la quantité d’ozone dans l’atmosphère dépend de l’intensité du rayonnement ultra-violet et suit ses variations. Les phénomènes météorologiques sont déterminés à leur tour par la quantité d’ozone dans l’atmosphère et ceci explique pourquoi ils accusent tous sans exception le cycle solaire. La mince pellicule d’ozone située à 60 km au-dessus du sol joue un rôle important : sans ozone les rayons ultra-violets, mortels pour la matière vivante atteindraient le sol et y détruiraient toute vie (Fabry et Buissou, 1912). Une couche d’ozone d’épaisseur totale de trois millimètres sous pression normale suffit à filtrer ainsi les rayons du soleil. Telle est la ténuité du voile à l’abri duquel est née et continue à évoluer sur la Terre la cellule vivante.
Il y a une autre liaison, directe celle-là, entre la pluie et les taches solaires : une goutte de pluie ne peut se fermer qu’autour d’un ion (on appelle ainsi une particule électrisée). Les ions sont formés dans notre atmosphère par plusieurs facteurs et, entre autres, par des jets d’électrons. Or, chaque tache solitaire et les facules qui l’accompagnent sont pareils à un volcan en éruption qui rejetterait continuellement des électrons. Ces électrons mettent environ deux jours pour atteindre notre Terre après que la tache sur le Soleil se place vis-à-vis de la Terre et passe par le méridien central du Soleil, comme on dit en Astronomie. C’est que le Soleil tourne autour de lui-même comme la Terre, seulement en vingt-sept jours, et chaque tache, quelle que soit sa position sur le Soleil, vient à un moment donné vis-à-vis de la Terre. Quarante huit heures après, ses jets d’électrons enveloppent notre Terre, d’où les nombreuses conséquence d’un tel passage d’une tache par le méridien central du Soleil : tremblements de terre, orages magnétiques, aurores boréales, cyclones, ouragans, pluies ou neige. Ce cortège est classique et il suffit d’observer le passage d’une tâche pour pouvoir prédire avec certitude l’aurore boréale et l’orage magnétique. Quant au vent et aux pluies, cette liaison est particulièrement nette dans la région de Téhéran grâce à son climat désertique, donc absence d’ions autres que ceux produite par les taches. Cet hiver, j’ai observé par exemple plusieurs passages des taches et tous sans exception ont été suivis quarante huit heures après par des chutes de neige abondantes ou par la pluie.
Il est à noter que la fréquence et 1’intensité d’orages magnétiques et d’aurores boréales suivent exactement la courbe d’activité solaire et passent par les maxima et minima ensemble avec les taches solaires.
L’influence de l’activité solaire sur les phénomènes qui se produisent en dehors de la Terre est bien connue : la fusion plus rapide des calottes polaires de neige carbonique sur la planète Mars (Antoniadi) par exemple ou bien les queues des comètes beaucoup plus longues et brillantes pendant les années de maxima des taches (Backlund).
Ayant décrit le rythme solaire et sa répercussion dans l’atmosphère terrestre, tournons-nous vers l’activité des organismes unicellulaires. L’expérience décisive est celle de Métalnikoff, contrôlée par plusieurs autres biologistes : depuis 1910, il étudie à l’Institut Pasteur la vitesse de reproduction d’une infusoire. D’après ses résultats publiés récemment, la fréquence moyenne pendant vingt ans (1910-1930) est d’une génération par jour environ. Mais elle oscille du simple au double et ses oscillations suivent le cycle solaire : les années de minima, quand le Soleil est calme, elle baisse jusqu’à deux générations tous les trois jours (par exemple 233 en 1924) ; mais elle augmente jusqu’à trois générations tous les deux jours pendant les années de maxima (par exemple 470 en 1928). L’allure générale de la courbe ainsi obtenue est celle de la courbe d’activité solaire.
Lors de cette expérience, rien n’a changé pendant 20 ans autour de la cellule vivante ; ni la température, ni l’abondance de nourriture. Dans ces conditions, la vitesse de reproduction caractérise son activité vitale et cette dernière suit le cycle des taches. La cellule vivante vibre ainsi avec le Soleil.