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Le ghasîdeh est la forme la plus fréquente du IIIème au IVème siècle de l’hégire (IXe et XIe siècles de l’ère chrétienne), est une sorte de poème lyrique formée de plus de trente-deux vers ayant tous le même rythme. Tout comme dans un ghazal, le premier vers rime avec les vers pairs (ceux de gauche). Mais le ghasîdeh est souvent utilisé pour faire l’éloge d’un roi ou d’une nation ; ou encore pour l’épopée, l’éducation morale ou mystique, la plainte, la prière, la présentation des condoléances, les félicitations, etc.
Le nombre des vers de cette forme dépend de l’importance du sujet et du goût du poète. Le ghasîdeh constitue, entre autres, la forme poétique la plus importante et la plus difficile, car il s’agit d’un long poème s’étalant de trente-deux jusqu’à quatre-vingt vers, voire plus, écrit dans un seul rythme, sur une seule rime. C’est dans la composition même du ghasîdeh que le talent poétique du poète se révèle. La caractéristique originale de ce dernier est donc dans la manière de le composer, dans sa forme plutôt que dans l’idée suggérée. Roudakî et ’Onsorî ont composé de nombreux poèmes en suivant cette forme.
La disposition des rimes dans un ghasîdeh est la suivante (de droite à gauche) :
A | A | |||
A | B | |||
A | C | |||
A | D | |||
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Le ghazal un poème lyrique formé de dix à trente vers [4] dans lequel le premier vers rime avec les vers pairs. Cette forme fut très en vogue au VIème siècle de l’hégire (XIVe siècle) et chantait généralement l’amour et la souffrance des mystiques séparés de leur "Bien-aimé". Contrairement au ghasîdeh, dans le ghazal, le développement des différentes idées exprimées est permis. A titre d’exemple, dans les ghazals de Sa’adî, les derniers vers sont d’ordinaire consacrés à l’éloge et à la glorification des personnes illustres.
Il doit être composé dans un langage doux et gracieux. Il faut y éviter l’emploi des mots et expressions grossiers, rudes ou tout simplement banals. Les meilleurs ghazals persans se trouvent dans le Dîwân (Recueil) de Hâfez.
La disposition des rimes :
A | A | |||
A | B | |||
A | C | |||
A | D | |||
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Le masnavî est un long poème composé de vers à rimes plates. Comme les vers riment deux par deux, on l’a appelé "masnavî" qui vient de "ithnayn" signifiant "deux" en arabe.
La composition du premier masnavî connus date du début du IIIème siècle de l’hégire (Xe siècle). Le masnavî raconte généralement une histoire longue ou une légende. C’est pourquoi la longueur du masnavî n’est pas limitée et le nombre des vers n’est pas défini. Il en existe ayant des rythmes divers et les meilleurs se trouvent dans le Shâhnâmeh (Livre des rois) de Ferdowsî, le Masnavî de Mowlavî, Hadîgheh de Sanâ’î et Khamseh de Nezâmî.
La disposition des rimes :
A | A | |||
B | B | |||
C | C | |||
D | D | |||
E | E | |||
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Le ghét’eh ou "ghasîdeh fragmenté" est une sorte de poème dont la forme ressemble à celle du ghasîdeh, mais ne doit pas être pour autant confondue avec elle. Le ghét’eh est plus court. Chaque ghét’eh se compose d’au moins quatre et au plus de seize vers. Quant à la disposition des rimes, le deuxième vers rime avec les vers pairs. Il aborde en général les sujets moraux et éducatifs. Anvârî et Ebn-e Yamîn font partie des anciens poètes ayant utilisé cette forme de façon répétée et parmi les poètes contemporains, on peut citer la poétesse Parvîn E’tessâmî.
Cette forme de poésie fut inventée par les poètes iraniens et imitée plus tard par les poètes arabes. Il s’agit d’un quatrain composé dans le rythme de : " lâ hawla va lâ qowwâta illâ billâh ", dans lequel le premier vers rime avec les rimes deux et quatre. Il existe également des robâ’î dans lesquels l’ensemble des quatre vers riment les uns avec les autres. Les robâ’îs philosophiques de ’Omar Khayyâm ont acquis une réputation mondiale.
La disposition des rimes est la suivante :
A | A | |||
A | B |
Ou
A | A | |||
A | A |
Le dobeîtî est une sorte de robâ’î ayant les mêmes caractéristiques. Il s’en distingue seulement par son rythme. Les dobeîtîs de Bâbâ Tâher sont très célèbres dans la littérature persane.
Il comprend un poème composé de vers longs et de mètres inégaux, l’un court, l’autre long. Les poètes abordent dans cette forme les thèmes ironiques et critiques.
En ajoutant à chaque vers d’un ghazal ou d’un ghasîdeh, un vers court ayant le même rythme et la même rime, nous aurons un "mostazâd". Un grand nombre de poètes ont rédigé dans cette forme. Mais les plus anciens sont ’Attâr et Masoud Sa’âd Salmân. De nos jours, cette forme de poésie est consacrée aux sujets critiques.
Le mossammat est composé des strophes égales (en rythme et en mètre) et composé sur le même modèle, hormis le fait que chaque strophe possède sa propre rime. En outre, les derniers vers de toutes les strophes riment les uns avec les autres. C’est notamment dans l’œuvre de Manoutchehrî et de Mowlânâ que nous pouvons en trouver les plus beaux exemples.
La disposition des rimes dans une sorte de mossammat :
A | A | |||
A | A | |||
X | ||||
B | B | |||
B | B | |||
Y | ||||
C | C | |||
C | C | |||
Z | ||||
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Le tarkîb band se compose de strophes en forme de ghazal et égaux des points de vue du nombre des vers et du rythme. Mais chaque strophe possède sa propre rime et se termine par un distique [10] sur une autre rime. Les meilleurs exemples en sont ceux de Mohtasham Kâshânî et Djamâleddîn Eshâgh Esfahânî.
La disposition des rimes :
A | A | |||
A | B | |||
A | C | |||
X | ||||
X | ||||
E | E | |||
E | F | |||
E | G | |||
E | H | |||
Y | ||||
Y | ||||
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Le tardjî band possède les mêmes caractéristiques que le tarkîb band. La seule différence est que le distique, qui clôt la première strophe, se répète comme un refrain à la fin de toutes les autres strophes. Hâtef Esfahânî a composé le plus célèbre tardjî bands de la littérature persane.
La disposition des rimes :
A | A | |||
A | B | |||
A | C | |||
A | D | |||
X | ||||
X | ||||
E | E | |||
E | F | |||
E | G | |||
E | H | |||
X | ||||
X | ||||
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De nos jours, les seules formes poétiques demeurées en usage sont le ghazal et le dobeîtî. Les poètes contemporains, brisant les cadres, ont eu tendance à se révolter contre toute forme d’autorité et composent désormais des ghazals et dobeîtîs en les dénaturant de leur ancienne définition.
Une autre forme poétique, le sh’er-é now, l’équivalent français du poème en vers libre, qui a été fondé au début des années cinquante par Nimâ Youshîdj, se montre méfiante envers toute forme et préfère donner au poète l’occasion de choisir une forme pour ce qu’il va dire, dans la liberté et selon le sujet qu’il traite.
Il est vrai que she’r-é now libère le poème des anciennes conventions. Mais le rythme, la longueur des vers y sont, en revanche, en pleine harmonie avec la pensée.
L’absence de rimes, la mise en relief et l’accentuation des idées par la répétition des mots, l’inégalité des mètres, l’importance accordée à la mise en ligne, au rythme et à la musicalité sont, du moins, quelques caractéristiques de la nouvelle poésie persane.
La "Nouvelle vague" de la poésie (she’r-é modj-é now) est une autre forme poétique contemporaine dépourvue de rime, de rythme et de musicalité. Ce qui distingue cette poésie de la prose est la mise en ligne, l’abondance des images et des figures de style, ainsi qu’on le voit dans les poèmes d’Ahmad-Rézâ Ahmadî.)
Sources :
ARJANG, Golâmrézâ, La Langue et la littérature persanes, Téhéran, éd. Ghatreh, 1375 (1996).
CHAMISA, Sirous, Les genres littéraires, Téhéran, éd. Ferdows, 1383 (2004).
HOMAÏ, Djalâleddîn, L’Art de l’éloquence et les figures de style, Téhéran, éd. Dâneshgâh Sépâhiân, 1354 (1975).
[1] "Ghâleb : قالب " ou la forme poétique est le synonyme de genre poétique.
[2] Vient du mot "ghasd :قصد"(le but et l’intention) et le mot "ghasîdeh :قصیده"signifie faire attention à quelqu’un, faire l’éloge de quelqu’un. Le ghasîdeh est une poésie écrite dans l’intention de faire l’éloge de quelqu’un.
[3] Signifie toute parole concernant l’amour.
[4] Dans la poésie persane, un " beit :بیت " (vers) est composé de deux "mesrâ’ :مصراع "(hémistiche). Nous prenons ici le "vers" comme l’équivalent du "mesrâ’" et non pas de "beit".
[5] Littéralement "masnavî :مثنوی " signifie "deux par deux".
[6] Signifie un fragment. "Ghét’eh : قطعه"est en effet un fragment retiré du milieu de ghasîdeh.
[7] Mot arabe qui signifie "quatrain".
[8] Poème de deux distiques. Equivalent persan du "quatrain".
[9] Mot arabe signifiant "superflus". Cette appellation concerne l’existence des vers courts qui s’ajoutent comme superflus à chaque vers.
[10] Le distique ne constitue pas une strophe à elle seule. Il est en effet l’équivalent de "beit".