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Les zourkhâneh ont souvent été construits dans les ruelles des vieilles villes, avec un plafond en dôme et un plancher d’un niveau plus bas que celui de la rue. L’entrée est basse afin que les athlètes et spectateurs s’inclinent en franchissant la porte et marquent ainsi leur respect pour ce sport. Cette entrée s’ouvre sur un couloir étroit et bas de plafond. L’arène du zourkhâneh est un creux octogonal ou hexagonal de 4 ou 5 m de longueur, de 4 m de largeur et d’environ 1 m de hauteur qui se trouve au centre du zourkhâneh et que l’on appelle le gowd. Quelques couches d’herbe et de paille couvertes d’une couche de glaise destinée à amortir les chutes constituent le sol du gowd. Chaque matin, le gowd est aspergé d’eau pour éviter la poussière. La légende raconte que Pouryâ-ye Vali fut le premier à ébaucher le plan du zourkhâneh.
Si certaines ressemblances ont été établies entre le gowd et un mihrâb de mosquée, c’est parce que comme le mihrâb, le gowd doit être plus bas que le niveau du sol, afin de souligner sa dimension humble et sacrée. Les exercices physiques commencent et se terminent par un hommage à l’Imâm Ali. Ainsi, lors des actions sportives difficiles, les athlètes lui demandent d’intercéder auprès de Dieu au cri de "Yâ ’Ali" (« Ô Ali ! »).
1-L’athlète doit être intègre, honnête, matinal, de bonne humeur et modeste. Il doit éviter les vices et péchés divers.
2-Les sports traditionnels doivent commencer après la prière de l’aube et se terminer en fin de matinée. Pendant le Ramadan, les exercices se font de nuit, sans rythmes ni chants.
3-Il est interdit de s’exercer habillé en tenue normale : l’athlète doit revêtir le tonokeh [1] ou porter une sorte de pagne semblable au ehrâm [2], vêtement des pèlerins de la Mecque.
4- Les athlètes doivent obligatoirement avoir atteint l’âge de la puberté.
5-Dans le gowd du zourkhâneh, il est interdit de manger, de boire, de fumer, de parler ou de rire sans raison.
Les sports traditionnels se partagent en deux catégories :
1- Les exercices pratiqués avec un objet : soulever le sang, prendre le mil, tirer le kabbâdeh et le shenâ [3].
2- Les exercices simples : les exercices d’échauffement et d’étirement, le fait de tourner sur soi-même et la lutte traditionnelle.
Le mil est un objet en bois de forme cylindrique ressemblant à un tronc de cône. Son poids varie, selon les tailles, de 10 à 30 kilos. Sa forme rappelle la massue. Les athlètes s’en servent pour la musculation et les exercices d’agilité.
Le kabbâdeh est un autre instrument du zourkhâneh. Il ressemble à un arc et est fait de métal, ce qui explique sa lourdeur. Pour que l’équilibre de l’instrument soit maintenu, on pend entre les deux branches de l’arc une corde de fer. Il existe deux types de kabbâdeh, le premier pour amateurs est assez petit et léger et le second, à l’usage des professionnels, est grand et beaucoup plus lourd.
En persan, sang signifie « pierre » mais dans le zourkhâneh, ce nom s’applique à un objet rectangulaire doté d’une poignée au milieu et courbe d’un côté, composé de deux parties en bois qui sont reliées par des morceaux de métal. Sa forme rappelle celle du bouclier.
Le takhteyeh shenâ est une planche plate de 70 cm de largeur et de 2 cm d’épaisseur avec deux pieds trapézoïdaux de 4 cm de hauteur dessous.
Le tambour du zourkhâneh et le rythme de ses poèmes lyriques évoquent ceux de la guerre.
Le pahlavân Mahmoud Khârazmi, surnommé Pouryâ-ye Vali est le lutteur le plus célèbre de l’Iran. Il vivait au XIVe siècle à Khârazm [4]. Dans la culture du zourkhâneh, il est considéré comme une véritable légende, en particulier en raison d’un rouleau qu’on lui attribue, le Toumâr-e afsâneh-ye Pouryâ-ye Vali. Les récits de son courage et de sa bienveillance se racontent de manière diverse mais tous mettent l’accent sur la culture du zourkhâneh : avoir à la fois de la force et de la générosité. Jeune, il était si puissant qu’il battit tous les autres champions iraniens. Un jour, le roi de l’Inde lui demanda de lutter avec le plus grand pahlavân indien.
Pouryâ-ye Vali avait par hasard entendu le jeune champion indien prier Dieu en demandant de sauver son honneur devant le roi et d’aider à vaincre le grand champion iranien ; car il se serait déshonoré auprès de celui-là et lui et sa famille aurait terminé dans la misère. Le lendemain, devant les spectateurs stupéfaits, le pahlavân iranien est vaincu et le roi indien attribue un grand prix à son protégé. Quelques jours plus tard, le roi va à la chasse accompagné de l’iranien. Il tombe de cheval et menace de tomber du haut d’une falaise. Pouryâ-ye Vali le sauve en l’attrapant d’une main et son cheval de l’autre. Le roi comprend alors qu’il s’était laissé battre de son propre gré par le jeune champion indien et qu’en acceptant cet échec, il se dépouillait de sa fierté. Cette dimension d’abnégation de Pouryâ-ye Vali est fortement soulignée dans les mythes du zourkhâneh et on lui attribue également des pouvoirs mystiques.
Les sports traditionnels du zourkhâneh sont des sports d’équipe qui comprennent tous d’importants exercices d’échauffement physique, et restitués dans le contexte moral du zourkhâneh, ils renforcent les qualités spirituelles de l’homme telles que la noblesse, l’héroïsme, la modestie, le sacrifice et la grâce.
Ces sports comprennent également une bonne part de ce qui fait aujourd’hui partie de la médecine sportive (y compris la psychologie du sport, la physiologie du sport, etc.). Accompagnés par des exercices harmonieux et le rythme du morshed [5], ils suscitent la gaieté, la coordination des membres et l’élimination du stress.
1-Soulever le sang : augmente la puissance musculaire.
2-Jouer avec le mil : permet une meilleure résistance musculaire et une bonne coordination physique.
3-Tourner sur soi-même : renforce l’équilibre et augmente l’agilité.
4-Tirer le kabbâdeh : augmente la souplesse du corps, la coordination des membres, la résistance et l’équilibre général.
5-Mosht-o-mal [6] : aide en particulier à l’élimination de l’acide lactique.
6-Le shenâ : augmente la flexibilité et la résistance générale des muscles.
Sources :
Parto Beizaiee, Hossein, Târikh-e varzesh-e bâstâni-e Iran, Zourkhâneh, Téhéran, 1337.
Khazâ’i, Mohammad, Ta’sir-e moteghâbel-e farhang o varzesh. www.tebyan-hamedan.ir
[1] Culottes décorées par les motifs iraniens faites notamment de morceaux de cuir.
[2] Habit blanc que l’on porte au moment du pèlerinage de la Mecque.
[3] Faire des pompes.
[4] Dans l’Iran antique, c’était l’une des provinces du nord-est du pays, mais est situé aujourd’hui en Ouzbékistan et au Turkménistan.
[5] Le guide du zourkhâneh qui s’assoit à une place surélevée, face à l’audience, et fait tourner les athlètes au rythme d’un tambour.
[6] Une sorte de massage.