N° 55, juin 2010

Iradj Mirzâ, poète de la mere


Khadidjeh Nâderi Beni


On dit que Fath-Ali Shâh qâdjâr était très épris de poésie. Il transmit cet attachement à ses descendants, dont Iradj Mirzâ. Le père de ce dernier, Gholâm-Hossein Mirzâ, surnommé Sadr-ol-Sho’arâ (maître des poètes) était l’arrière-petit-fils de Fath-Ali Shâh et comptait parmi les poètes célèbres de la cour. Iradj Mirzâ naquit en 1871 à Tabriz. Il passa son enfance à étudier la langue persane chez des maîtres tels que Bahâr Shirvâni et Aref Esfahâni. Il apprit également la langue française chez un certain Lambert, ainsi que la logique et la rhétorique avec la famille Ashtiâni. Il se fit très tôt remarquer pour ses dons poétiques et fut encouragé dans cette voie par Amir-Nezâm Garoussi qui lui accorda le titre de Fakhr-ol-Sho’arâ (honneur des poètes). A 19 ans, Iradj Mirzâ perdit à la fois son père et son épouse ; durant la même année, il fut nommé poète à la cour de Mozaffareddin Mirzâ, à l’époque prince héritier des Qâdjârs. Il fut par la suite élu au secrétariat de l’administration en Azerbaïdjan, bureau dirigé à l’époque par Mirzâ Ali Khân Aminodowleh. Enfin, il fut nommé contrôleur du bureau des finances dans le Khorâssân où il passa les dernières années de sa courte vie. Ce séjour fut pour lui très enrichissant : au lendemain de la Révolution Constitutionnelle iranienne, l’atmosphère littéraire du pays était empreinte de pensée libérale. Il fréquenta les assemblées littéraires du Khorâssân et respecta beaucoup Adib Neyshâbouri, qui lui dit à plusieurs reprises : "Je suis poète du Khorâssân et c’est à vous que je dois tout mon talent". Une partie de ses vers fut composée dans le Khorâssân, y compris le recueil intitulé Arefnâmeh, qui lui apporta une grande renommée. Après la fin de sa mission dans le Khorâssân, il s’établit à Téhéran où il décéda quelques mois après d’une attaque cardiaque.

Iradj Mirzâ

Iradj Mirzâ a composé près de 4000 vers, écrit pour la plupart sous forme de ghassideh. [1] Il y aborde largement les thèmes politiques et sociaux majeurs de son temps. Une partie de ses œuvres est également consacrée à l’éloge de personnalités politiques. Enfin, il est également l’auteur de poèmes satiriques et de maximes réputées. Les thèmes principaux de son œuvre sont les suivants :

- Satire contre le gouvernement

- Incitation à étudier de nouvelles techniques

- Importance de l’éducation des enfants – à ce titre, Iradj Mirzâ est considéré comme l’un des précurseurs de la littérature enfantine moderne en Iran.

- Importance de la figure de la mère, tant et si bien qu’il est considéré comme le « poète de la mère »

- Nationalisme et patriotisme

Dans ses poèmes, Iradj Mirzâ utilise une langue simple et sincère qui côtoie parfois la langue populaire. La sincérité de son expression a été admirée par les hommes de lettres de son temps, y compris par Malek-ol-Shoarâ Bahâr qui le surnomma « le nouveau Saadi ».

Le cœur de la mère

La bien-aimée transmit un message à l’amant
Ta mère m’a déclaré la guerre
Dès qu’elle me voit de loin
Elle fronce ses sourcils, se ride de peine
Son regard courroucé
Est une flèche dans mon tendre cœur
Tant qu’elle sera vivante, cette mère cruelle
Le miel aura pour nous goût de ciguë
Je ne serais pas une avec toi
Tant que tu ne teins pas son cœur avec son sang
Si tu veux être un avec moi
Courageusement, en cette heure
Déchire sa poitrine, sors son cœur
Tout chaud, tout sanglant apporte-le-moi
Pour que j’en sois bien aise.

***

L’amoureux, imbécile, grossier
Mais aussi indigne, impudent
Tout ivre, tout fou
Ignora le respect de la mère,
Alla et la jeta à terre,
Déchira sa poitrine et attrapa son cœur,
S’en allant chez sa bien-aimée, le cœur de sa mère
A la main, tel une mandarine,
Il tomba par terre, au seuil de la porte
Son coude fut un peu blessé.
Le cœur, encore vivant
Tomba par terre de la main du mal élevé
Il se releva et alla vers le cœur
Toujours chaud et sanglant
Il entendit alors une voix
Venue du cœur, qui disait
Ah ! La main de mon fils est blessée !
Ah ! Le pas de mon fils a heurté la pierre !

Sources :
- Mahdjoub Mohammad-Dja’far, Tahghighi dar ahvâl va âsâr-e Iradj Mirzâ (Une étude sur les oeuvres et la pensée de Iradj Mirzâ), Téhéran, 1342/1963.
- Lazard Gilbert, Dictionnaire Persan-Français, Téhéran, 2005.
- Yâhaghi Mohammad-Dja’far, Tchon sabouyeh teshneh (Comme un pot assoiffé), Téhéran, 1378/1999.

Notes

[1Sorte de poème lyrique, Lazard, p. 319


Visites: 960

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.



1 Message