N° 25, décembre 2007

Au Journal de Téhéran

Pour mieux connaître l’Iran






12 Azar 1316
3 Décembre 1937

Si les routes de l’Iran étaient autrefois peu favorables au tourisme, elles forment aujourd’hui, par la volonté de sa majesté Impériale le Shâhanshâh, un vaste réseau carrossable.

Mais est-ce à dire que le touriste voit tout ce qu’il faut connaître en Iran ?

Il s’en faut de beaucoup.

Nombreux sont ceux qui, venant d’Irak, ont manqué Tâgh-é Bostân, dont nous avons parlé dans un récent article ; manqué Bisotoun, manqué Kengêwar et n’ont rien reconnu de l’ancienne Ecbatane.

C’est à leur intention que l’on avait entrepris de publier une strie d’itinéraires destinés à leur expliquer, le plus brièvement possible, qu’en tel point plus la route se trouve tel ou tel site ou tel monument célèbre ou digne de l’être ; quels problèmes d’art ou d’histoire son étude a soulevés ; où en est la question et quelle hypothèse semble la plus vraisemblable.

C’est à leur intention également que nous reprendrons dans ces colonnes, telles qu’elles sont décrites par le service archéologique de 1’Iran, les monographies de quelques cités et les descriptions de quelques lieux historiques que l’on côtoie le plus souvent sans les voir ou tout au moins, sans se douter de la richesse des souvenirs qu’ils évoquent, ni de la gloire du Passé dont ils furent témoins.

Notre cliché représente un aspect du Mausolée de l’Imâm Rézâ à Mashhad, mais peu de voyageurs se doutent que l’histoire du sanctuaire commence par une légende selon laquelle Alexandre le Grand aurait déjà fait enclore son emplacement, (un songe lui ayant révélé que cet endroit serait un jour le lieu de la sépulture d’un Saint).

Dès la seconde moitié du Xème siècle selon Ibn Hawkal, le tombeau était protégé par un mur fortifié.

Mahmûd de Ghazna fit agrandir le monument et construisit une nouvelle enceinte.

Le sanctuaire fut ensuite restauré sur l’ordre du Sultân Sandjar, en 512 H. (1118), puis en 612 H. (1215), et par Soltân Uldjâyto Khodâbandeh, mais il est probable que, sauf la salle funéraire qui date du début du XIIème siècle, il ne doit subsister que des restes peu considérables des premiers édifices.

Le Haram, dans son état actuel, représente essentiellement le résultat d’une activité constructrice qui s’étend du XVème au XIXème siècle. Toutefois, ce sont peut-être Shâhrokh, fils de Teymûr, et les Safavides, tout particulièrement Shâh Tahmâsp Ier et Shâh ’Abbâs Ier, qui travaillèrent le plus activement au développement et à l’enrichissement des constructions du sanctuaire. L’époque de Shâhrokh, Gowhar Shâh fit édifier le plus beau monument de Mashhad, l’un des plus magnifiques de l’Iran, la mosquée qui porte son nom.

Elle fit construire aussi le Dâr al-Siyâds, la galerie splendide qui se trouve à l’ouest de la chambre sépulcrale ainsi que le local contigu, le Dâr al-hoffâz.

Outre l’ensemble des constructions qui constituent le sanctuaire de l’Imâm Rezâ, Mashhad et ses environs immédiats possèdent un grand nombre de mosquées, madrasas et tombeaux dont nous aurons sous peu à entretenir nos lecteurs.

Semnân

S’il est une route dont les voyageurs aveugles se plaignent de la monotonie c’est bien celle qui mène de la Capitale à Mashhad.

Aussi choisirons-nous désormais cette voie, invitant ceux qui ont des yeux pour ne point voir à venir avec nous mieux connaître l’Iran.

Au sortir de Rey la route de Khorâssân contournait autrefois le massif montagneux qui s’avance vers le Sud, et de Téhéran, franchissait les célèbres Piles Caspiennes et gagnait Lazgird Semnâni, etc.

Elle s’engage aujourd’hui dans la montagne à quelques kilomètres de Téhéran, passe près de la petite ville de Damâvand sans la voir, laisse sur la gauche à Firûzkouh la route du Mâzandarân s’engage dans une montée assez rude et redescend doucement dans la plaine où elle retrouve l’ancienne route à Semnân.

Cette petite ville est probablement assez ancienne mais n’est citée par aucun des écrivains de l’antiquité.

Par contre, les historiens musulmans la mentionnent souvent en raison du passage fréquent des armées sur la route du Khorâssân.

Elle possède une fort belle et très intéressante Masdjed-e Djâm’eh qui semble trop ancienne pour être l’œuvre du Soltân Shâhrokh.

Son histoire est cependant moins simple.

Le minaret, construit par un certain Abû Harb Bakhtyâr Ibn Mohammad, était celui d’une vaste mosquée seldjoukide qui s’étendait, au nord de la mosquée actuelle, jusqu’au meydân (place) de la ville.

Elle fut détruite, sauf le minaret, sans doute lors de l’invasion mongole qui dévasta la ville en 618 H. (1221)

Quelques années plus tard, une nouvelle mosquée qui est la masdjed Djom’eh actuelle, fut édifiée à côté des ruines de l’ancienne.

Le minaret seldjoukide y fut incorporé. Le sanctuaire est une grande salle carrée couverte en coupole et ouvrant à l’origine directement sur le côté sud-ouest d’une cour bordée, sur ses trois autres faces, de longues salles de prière aux voûtes portant sur des lignes parallèles de grosses colonnes ou des piliers. La qîbla de l’édifice fait un angle de 50 degrés avec la direction du nord magnétique. En 750 H. (1349), deux villages et, le long de la rivière, un terrain mesurant 512 "bâtons" lui furent données en waqfs.

En 828 H. (1424 5), un ministre de Shâhrokh, Mo’izz al Dunyâ va al Dîn-Mâlek Hussein, construisit en avant du sanctuaire, sur la face sud-ouest de la cour, l’immense îwân sur lequel se trouve l’inscription qui porte son nom, puis, cette grande salle s’en étant trouvée obscurcie, supprima le mihrâb, dont on voit encore l’encadrement, et le remplaça par une fenêtre, il en perça deux autres, de part et d’autre de la première, et bâtit dans les salles de prière une demi douzaine de mihrâbs obliques rectifiant de 18 degrés la qîbla du monument.

Le long couloir qui divise en deux parties la salle du côté nord-est de la cour et la petite place en forme d’hexagone oblong qui précède cette nouvelle entrée de la mosquée ont été construits il y a environ 25 ans.

Poursuivant toujours sa route vers Mashhad, le voyageur atteindra Damghân près de laquelle on s’accorde généralement à placer le site d’Hécatompylos, l’ancienne capitale des Parthes.

Damghân

On s’accorde généralement à situer légèrement au Sud de Damghân le site d’Hécatompylos, la capitale principale des Parthes.

Houtoum Schindler et Williams Jackson ont déclaré péremptoirement que l’emplacement doit en être définitivement identifié avec celui de l’ancien chef lieu du pays de Kûmis. Il se trouve disent-ils, à environ 8 milles au sud de la Damghân moderne.

Cependant, E. Schmidt a fouillé cette région pendant deux années entières (1931-1932). Il y a découvert au Tapeh Hesssâr une très intéressante nécropole préhistorique et, non loin de là, les ruines d’un petit palais sassanide, mais aucune trace, aucun vestige d’Hécatompylos.

La question reste donc en suspend…

Damghân, à l’époque islamique, fut jusqu’à l’invasion afghane (1136 H.-1 723) l’une des villes les plus importantes du nord de l’Iran. Un certain nombre de monuments assez bien conservés témoignent encore de sa prospérité passée.

Le plus ancien d’entre eux, le Tarikhâneh, "la maison de Dieu" a été construit vers le milieu du IIe siècle de l’Hégire.

Il est donc pour l’instant le premier en date des monuments musulmans de l’Iran. La grande mosquée de Rey édifiée par le Khalife al-Mahdî (158-169H. 775-785) date, il est vrai, de la même époque mais il n’en a été retrouvé que les fondations.

Le plan de Tarikhâneh est celui de la mosquée primitive et le hasard a voulu qu’il n’ait jamais été modifié. Il est seulement arrivé qu’à l’époque seldjoukide, le minaret se soit écroulé et fut remplacé par une construction en briques cuites. Ce plan se compose d’une cour à peu près carrée et bordée sur ses quatre côtés de portiques dont l’un, plus profond que les autres et orienté vers la Mecque, est l’oratoire. La travée centrale est sensiblement plus large que les autres. C’est donc le tracé le plus strict, pour ainsi dire théorique, de la mosquée de l’ouest. Mais à cela seulement s’est borné l’emprunt aux Arabes.

Alors qu’en Syrie, en Egypte, dans le Hedjâz, les colonnes des premières moquées supportaient des lignes d’arcades parallèles aux façades sur cour, constituant ainsi dans l’oratoire, une série de travées parallèles au mur du mihrab, les colonnes du Tarikhâneh portent de vastes berceaux lisses perpendiculaires aux façades, véritables îwâns sassanides. Les arcs sont également sassanides, en forme de chaînette, et les colonnes sont absolument identiques à celles du palais découvert par E. Schmidt. Même diamètre considérable (1,60 m sans l’enduit) et même construction par assises alternées de briques posées à plat puis sur leur tranche.

Ce précieux monument, dont le plan est par conséquent arabe et la construction iranienne, présente un grand intérêt pour l’histoire de l’architecture iranienne en ce sens qu’il semble bien préciser que les khalifes abbasides, lorsqu’ils ordonnèrent, comme le racontent les écrivains du temps, la construction de grandes mosquées dans les principales villes de l’Iran, imposèrent le schéma du plan mais laissèrent les architectes du pays libres de construire à leur façon.

Ajoutons à ce propos que dans le même temps qu’il exécutait ces commandes officielles, l’Iran construisait d’autres mosquées, plus de son goût, qui étaient de simples îwâns sassanides, puis au cours des temps, s’augmentèrent de dépendances disposées autour d’une cour et devinrent tout naturellement, à l’imitation de la madresseh à quatre îwâns, née en Iran, la mosquée seldjoukide à quatre îwâns, typique de l’Iran.

Le minaret seldjoukide du Tarikhâneh a été construit par le même Bakhtiyâr b. Mohammad qui a édifié, à Damghân également, le tombeau de son père, Mohammad b. Ibrahim, dit Pir-e Alamdâr, et peut-être aussi le minaret de la Masdjed-e Djom’eh de Semnân. Il était, semble-t-il, gouverneur de Kumis.

Le tombeau du Pir-e Alamdâr est une tour circulaire et trapue dont la construction a été terminée en 417 H. (1026). Cette date serait donc, à peu de chose près, celle de l’achèvement des minarets du Tarikhâneh et de la Masdjed-e Djâm’eh de Semnân

Damghân possède un autre minaret seldjoukide, plus haut encore que celui du Tarikhâneh mais moins bien exécuté et certainement d’une cinquantaine d’années plus jeune. La mosquée à laquelle il appartient, la Masdjed-e djâmi’, est relativement moderne.

Au nord-ouest de la ville s’élève le mausolée particulièrement saint de l’Imâmzâdeh Dja’far, descendant au sixième degré de l’Imam ’Alî. Il appartient, lui aussi, à l’époque Seldjoukide.

Dans la cour qui le précède se trouve un petit bâtiment construit par Shâhrokh. Derrière lui, en bordure de la route, on voit une autre tour ronde le "tombeau des quarante filles" qui est daté de 446 H. (1054) et a été bâti par Amir Abu Shodjâ’, d’Esfahan.


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