"Les plus désespérés sont les chants les plus beaux"

Alfred de Musset

Le train part

Tu pars avec

Tout l’arrêt part avec

Comme je suis naïf

De t’attendre encore

Depuis des années

Debout

A côté de ce train parti

De m’appuyer encore

Aux grilles de cet arrêt parti !

Comme de coutume, toi, tu pars, et moi, je reste, comme de coutume, les yeux fixés sur un chemin, qui, je le sais, ne verra plus ton retour. Je reste seul avec la pluie, le vent et des nuits qui s’allongent entre deux éternités ; entre deux étreintes, deux lectures de La grammaire de l’amour. C’est le soir. Il pleut sur la ville, trempée, silencieuse et lasse. " La pluie, derrière les vitres, ressemble à mon enfance. J’ai envie de pleurer… " Tes " Chants pluvieux " éclairent comme un météore la nuit de mon triste esprit : " La pluie printanière fut la feuille de ton message… la moindre goutte raconta à son propos un récit merveilleux s’exhalant de ta bouche… " Et il pleut dans mon cœur (…), déchiré par les ravages du vent automnal et du silence, qui régnait déjà (t’en souviens-tu ?) dans la bibliothèque, et qu’avait brisé " le tumulte de nos regards ". C’était notre miracle, tu disais fièrement : " Nous avons porté l’amour à l’école ". Là, tu pris la route, Dans la ruelle du soleil, vers les horizons lointains. C’était la Révolution et l’enthousiasme de l’idéalisme. Puis éclata la guerre, pour laquelle tu as écrit un poème, jaillissant " du canon du fusil, avec des mots de cartouches ". Le sang faisait rage au creux des veines ; on se dévouait ; "On se tenait debout, conquérant et fier, sans abri et sans foyer ". Enfiévré, tu désirais " tomber en martyre". Cependant, tu demeuras vivant pour pleurer la douleur d’un peuple qui avait mal " à la teinte de ses manches, à ses noms ", et même " à la couverture usée des actes de naissance ". La guerre était finie, te délaissant, las, déçu et sceptique envers tout : et l’univers qui " vient des enfers et l’homme qui sort du néant et l’effort se dégageant du désespoir ". Tu regrettais alors tes enfances, où " la vie n’était pas encore une main pleine d’absurde " : " …la queue d’un cerf-volant laissée au vent ; j’étais seul avec mon enfance, insouciante ".

Gheysar AMINPOUR

L’époque de solides idéaux passée, l’on se trouva à l’orée " du doute et des peut-être ". Prenant conscience de l’absurdité de la guerre, tu chantas alors la paix. Mais le silence s’imposait bel et bien, la douleur déchirait ton cœur : " Notre chant d’amour se brisa dans la gorge ; le silence avait raison…". Le nihilisme te guettait alors : " Je n’aime plus rien ni personne. C’est à croire que ce monde n’aime point nous voir, toi et moi, un instant heureux et sans chagrin. Je voudrais alors corps et âme jouer au mort, pour que ce monde me laisse tranquille ". Au vrai, c’était jouer à l’indifférence, ce qui ne te convenait guère : " Est-il possible d’arrêter la vague ? Est-il possible d’arrêter le vent ? " que tu criais. Toi qui nous as même enseigné " la grammaire de l’amour ". Car " la vie sans amour, disais-tu, quand bien même elle soit possible, ne sera que sueur quotidienne ". Ainsi tu consolidais, et nous t’en remercions, le dernier rempart qui nous restait, " à cette époque où tout le monde est étranger à soi-même ". Amoindri par la maladie, par la fatigue et par le chagrin, tu n’arrêtais pas de murmurer à nos oreilles qu’il fallait "respecter l’amour ". Et comme tu l’avais souhaité, finalement, ton cœur devint avec honneur, " une dalle d’amour " posée sur ta tombe. " Libre, tu es, de l’autre côté, derrière les barreaux ; en prison je suis, moi, de ce côté, derrière les barreaux".

Il fait nuit. Le chant de la pluie contre les vitres se fait plus doux. Je tiens La grammaire de l’amour à la main, debout près de la fenêtre. " On m’avait invité à un anniversaire, mais je ne sais pas pourquoi je suis aux funérailles ! " Sans toi… Hélas ! " Parfois, il se fait tard si tôt !..."

Sans toi, tout le monde est là condamné à la prison à vie

Les années, de l’hégire ou solaires, manquent toutes de soleil


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1 Message

  • La grammaire de l’amour 12 mars 2010 19:38, par EL OURIAGHLI ADIL

    JE TROUVE QUE C`EST SOUHAITE POUR UNE GRAMMAIRE D`AMOUR C`EST SUPER COMME STYLETRES MUSICAL ET QUI TOUCHE AU COEUR LES MOTSSONT TRES FIN C`EST A DIRE COTE FINESSE ET QUI TOUCHENT AU COEUR.

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