N° 51, février 2010

Poème de Forough Farrokhzâd
tiré du receuil Tavallodi Digar (Autre Naissance)

La brèche vers le jardin


traduit du persan par

Sylvie M. Miller



Ce corbeau
Qui, sur nos têtes,
S’est échappé du ciel froid
Pour s’enfoncer dans le chaos d’un songe de nuages errants,
Et survola l’horizon,
Du glaive court de son cri,
Ira, parler de nous, en ville
Les gens savent
Les gens savent
Que nous avons, toi et moi,
Vu le jardin, au-delà
De sa brèche sombre et froide,
Cueilli sa pomme à cette branche
Espiègle et haut perchée
Les gens ont peur
Le monde a peur
Sauf toi et moi
Qui agrippés
A l’eau,
A la lampe,
Au miroir
N’eûmes pas peur
Il n’est pas question ici
Du lien fragile de deux noms
Ni d’une union assignée
Aux archives d’un bureau
Il est question de la joie
Qu’ont mes cheveux
Sous tes baisers,
Ces coquelicots brûlés
De l’intimité
Frauduleuse de nos corps
De leur nudité rutilante
D’écailles de poisson sous l’eau
Du son bref et argenté
Du petit jet d’eau, dans l’aube
Une nuit,
Nous avons dit,
Aux lièvres de ces forêts
Luxuriantes et fluides
Aux nacres perlières, en ces mers
Sauriennes et tourmentées
Aux aiglons de ce piton
Surélevé, inconnu :
Que faut-il faire ?
Les gens savent
Les gens savent
Que nous dormons du sommeil
Froid et muet des Simorghs
Nous avons trouvé l’évidence
Dans le parterre,
Dans le regard plein de honte
D’une fleur qui n’a plus de nom
Nous avons vu la survivance
Dans l’instant illimité
Où deux soleils s’éblouissent
Nous ne parlons pas ici
De cachotteries timides
En plein soleil de midi
Mais nous parlons de plein jour
Et de fenêtres ouvertes
Et de grand air
D’un feu de choses calcinées,
D’une terre autrement semée,
De naissance
D’évolution
De fierté
Il est question de nos mains amoureuses qui,
La nuit
Sont une arche de parfums et de lumière et de brise
Viens dans le pré
Le vaste pré, pour m’appeler,
De derrière
Le souffle des fleurs d’acacias,
Comme le cerf, sa femelle,
Les rideaux sont alourdis d’une rage contenue
Et candides, les pigeons,
Du haut de leur sommité blanche,
Regardent la terre
En bas


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