N° 19, juin 2007

Zahir Faryâbi


Monireh Borhani
Traduit par

Helena Anguizi


Né très probablement pendant la première moitié du VIème siècle, Zahiroddin Abolfazl Tâher ben Mohammad Faryâbi, grand maître de la poésie et grand orateur de la fin de ce siècle, est surtout reconnu pour son talent incontestable en matière de ghassideh et de ghazal.

Il passa la majeure partie de sa jeunesse à Faryâb pour ensuite s’établir à Neyshâbour, où il composa l’essentiel de sa poésie pour le roi Azzedoddin Toghânshâh ben Moayed. Il quitta cette ville en l’an 582, année du décès du monarque.

"Six années durant,

Assoiffé de science et de connaissance,

A la terre de Neyshâbour,

Je fus attaché, tel un prisonnier".

C’est à cette même époque qu’il commença à se consacrer aux recherches astronomiques. Les astrologues avaient prédit qu’en 582, suite à un alignement d’astres durant le septième mois de l’année, une tempête aurait lieu. Zahir, qui n’était pas d’accord avec les faits, présenta un essai contredisant l’arrivée prochaine de cette tempête. Cette interprétation des choses ne fut guère appréciée du roi, qui le priva de toute faveur. C’est pourquoi, dès 582, il quitta Neyshâbour pour s’établir dans un premier temps à Ispahan, où il entra au service de Sadroddin Alkhodjandi et pour qui il composa des ghassidehs. A en croire le contenu de ses vers, il aurait passé deux années entières au service de cet homme à Ispahan, ville qu’il quitta ensuite pour se rendre dans le Mazandarân puis en Azerbaïdjan, pour finalement passer quelques années en Irak.

" Mon pain, je le gagnerai finalement chez Khgossrow dans le Mazandarân

Même après avoir effectué trente années de service en Irak".

Le jour où ces vers furent récités en présence d’Arsalân, les serviteurs de la cour d’Ardéshir étaient présents. Ils apportèrent à leur roi une copie de l’ode. Celui-ci fut subjugué par ces mots et ordonna que l’on fasse parvenir au poète un cheval avec un costume digne ainsi que cent dinars.

On raconte qu’à la fin de sa vie, Zahir décida de ne plus être au service des monarques et se consacra plutôt à ses recherches. Pour ce fait, il s’installa à Tabriz où il mourut et fut enterré en 598 de l’Hégire.

Son œuvre rivalise de par de nombreux aspects avec celle des grands poètes de renom du VIème siècle tels que Djamâleddin Esphahâni, Modjiroddin Bilghâni, Khaghâni Sharvâni ou encore Nezâmi Ghandjâvi. Cependant, il semble lui-même ne pas avoir vraiment reconnu le talent de ces derniers et s’est toujours considéré, comme on le perçoit dans nombre de ses poésies, supérieur à ses contemporains.

C’est surtout dans ses ghazals que la force de son talent se fait ressentir. Dans l’un de ses poèmes, Zahir exprime clairement d’une part sa haine pour l’ode alors que dans la même ghassideh, il en fait l’éloge, en la citant même comme la plus belle forme poétique.

Pourtant, ce grand poète ne délaissa jamais ce genre poétique qu’il maîtrisait à merveille. Il continua donc à composer des vers, en s’inspirant des poètes de la moitié du VIème siècle qui accordaient une importance particulière au sens et à la douceur des mots. Zahir excellait tant dans la composition des ghazals qu’on peut dire qu’il a joué un rôle prépondérant dans le perfectionnement du genre, à l’instar d’Anwâri ou Saadi.

Son recueil de poèmes fut une première fois publié à Téhéran, en Nasta’ligh (genre d’écriture persane, utilisé notamment dans la lithographie). Cette édition réunissait les œuvres de Faryâbi et celles de Shams Tabassi, dont le nom revient plusieurs fois en bas de certains poèmes. A l’époque, l’éditeur, qui ignorait l’existence de Shams, en avait déduit que ce nom était le pseudonyme que Zahir utilisait à ses débuts. Beaucoup d’autres ghazals publiés sous le nom de Zahir Faryâbi étaient en fait l’œuvre d’un poète de l’ère safavide nommé Zahir Esfahâni. Ces faits ont motivé la rapide réimpression d’une nouvelle édition du recueil de Zahir.

"En poésie, rien ne rivalise avec les ghazals

Qui sont pourtant si difficiles à composer

Ma vie entière, je leur ai consacré

Et où pourrais-je bien encore trouver de l’inspiration ?

Et qu’ai-je donc à faire des belles lèvres du Cachemire

Et qu’ai-je donc à faire d’un beau visage de Nowshâd ? "

***

 

"Sans jamais causer de tord à qui que ce soit,

Moi, qui pas même à une bête n’ai fait de mal

Soudain, par ta chevelure je fus ensorcelé

Pour en finir ainsi.

Je suis affligé par le chagrin,

Et l’ami l’ignore

Mon cœur est en détresse

Et la bien-aimée l’ignore

Avec qui puis-je encore m’entretenir

D’une vie passée

Dans l’attente d’apercevoir la bien-aimée

Qui n’a jamais su et ne saura jamais

Combien de cœurs, brisés

Et combien de bras espèrent ta venue ?

Combien de belles paroles

Murmurées à tes oreilles

Pour que tu viennes

Pourquoi ô nuit, es-tu si longue

Toi dont la noirceur n’a pas hérité de sa chevelure ?

Et toi, ô matin qui n’est pas épris comme moi

A moi seulement il convient de pleurer

Toi, contente-toi de rire

Je ne peux ni me plaindre de toi

Ni garder dans mon cœur cette plainte

Tel un bourgeon en floraison,

Je voudrais faire éclater au grand jour ma peine"


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