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Ils la cherchaient dans les montagnes voisines. Elle devrait se cacher quelque part. Il semblait qu’elle les avait entraîné dans un jeu de cache-cache. Elle avait l’air de jouer. Le soleil ne cessait guère de brûler leur visage fatigué. Sur la pente des collines réchauffées, les yeux impatients cherchaient une ombre profonde. D’une colline à l’autre, la trace d’une rivière desséchée annonçait des vallées verdoyantes. Le fait de poursuivre leur chemin les rassurait. Elle semblait s’être évaporée, comme le suggéraient ses passages lézardés. Elle avait réussi à épuiser l’espérance des voyageurs. Le temps aussi s’empara d’eux. Le soleil allait se coucher. Dans le crépuscule apparaissait, peu a peu, un sentier poussiéreux roulant à travers une verdure épaisse pour ensuite se perdre au milieu du jardin. A chaque pas, le chuchotement d’une rivière se faisait entendre de façon croissante. Cela ralluma un nouvel espoir dans leur cœur. Voilà la rivière sauvage roulant si violemment telle une troupe attaquante sur un champ de bataille. En passant par le pont en bois, une brise fraîche caressa leur visage. Quel bonheur ! Mais à peine réjouis par la beauté du jardin, ils furent déçus en voyant la pente aiguë d’un autre mont qu’ils allaient devoir franchir. Elle aurait dû être là-bas. Elle, la grotte, qu’ils s’étaient donné tant de peine à trouver. Elle aurait dû se cacher au sein du même mont, comme un petit lapin ayant peur des étrangers. Il allait faire nuit. Et le mont énorme, aussi, allait emprunter la couleur du ciel. Il se dressait comme un monstre noir chargé de protéger cette grotte gigantesque dans son berceau. Cela ne dissuada pas les voyageurs. Ils continuèrent à monter les sentiers à peine allumés par les derniers halos du soleil couchant. Quand ils arrivèrent en haut de la montagne, une grande peur mêlée d’une excitation indescriptible les envahit. Ils étaient en admiration devant la Grotte Roud Afchân, possédant la plus grande bouche en Iran…".
La grotte Roud Afchân se situe à 103 kilomètres de Téhéran, près de la ville de Firouzkouh, qui est également le nom du village l’avoisinant. Elle se trouve au nord, au pied de la vallée Roud Afchân. La rivière Dalichâi ou "Divâneh Roud" [1] coule dans les profondeurs de cette vallée, emportant l’eau des glaciers de l’Alborz à la rivière Hableh Roud. En s’approchant de la vallée, cette rivière s’écoule plus lentement grâce à la pente douce de la vallée, et s’apprivoise peu à peu. Il se peut que la vallée se soit auparavant appelée Roud Afsâr, qui signifie un lieu où une rivière folle est bridée. La bouche de la grotte se situe à une hauteur de 1800 mètres au-dessus du niveau de la mer. Elle prend la forme d’un grand arc d’une longueur de 40 mètres et d’une hauteur de 12 mètres. La grotte possède trois salles principales.
La première est un grand anticlinal ayant des couches fortes et solides et exempte de toute fissure. Aucun morceau de pierre ne risque de tomber. Des milliers d’années auparavant, le fond de la vallée n’était pas si profond. Elle était au même niveau que la bouche de la grotte. Il est probable qu’un cours de la rivière ait pénétré dans les salles de la grotte, détruisant peu à peu les couches faibles sur son chemin pour ensuite se jeter de l’autre côté de la grotte dans la même rivière.
L’érosion a été à l’origine de l’immensité des salles de cette grotte. Plusieurs balcons et murets en pierre, de même des morceaux de poterie attestent la présence de l’homme en cet endroit des siècles auparavant. Un espace d’une superficie de 400 m² entre la première et la deuxième salle semble avoir été le refuge des bêtes de somme. Quant à la deuxième salle elle-même, on peut y apercevoir une grande fosse ayant une longue fente en son fond. La troisième salle est entièrement ornée de guirlandes de stalactites et de stalagmites en forme de grappes de raisin. Ce qui est frappant dans cette salle est une lampe suspendue ressemblant à une statue gigantesque se trouvant au bout d’un couloir de 50 mètres de longueur. La partie la plus profonde de la grotte se cache tout au fond du couloir, après une belle porte située à la profondeur de 150 mètres du niveau de la bouche de la grotte. Le couloir conduit à une fosse nommée par les explorateurs la fosse "Anâhitâ" [2]. Sur les deux côtés du chemin menant au bout de la grotte, des abîmes sombres en font un lieu dangereux. On se trouve ici à 1750 mètres au-dessus du niveau de la mer, et la longueur de la voie principale de la grotte est de près de 550 mètres.
La grotte Roud Afchân est un véritable chef-d’œuvre de la nature. Le panorama magnifique des pierres finement mêlées et la scène captivante des silhouettes en pierre se tournant le dos renforcent sa magie et sa beauté. La majorité des visiteurs se rappellent tel un rêve leur venue au milieu d’une telle masse obscure. L’atmosphère chimérique de ces énormes couloirs immortalise l’image de la grotte dans l’esprit des visiteurs.
"… Bouleversés, comme si sortis d’un rêve fantastique, les six voyageurs réapparurent hors de la grotte l’un après l’autre. Torches à la main, tels des vers luisants, ils rampèrent sur le chemin en spirale menant au sommet du mont. Les étoiles constellaient le ciel depuis longtemps. Les voyageurs tournèrent la tête. La dernière vue de la bête en pierre allait bientôt disparaître. Sa bouche était toujours ouverte, comme se tenant prête à avaler l’obscurité de la nuit…et la hauteur du ciel."
[1] Signifie la rivière folle
[2] La déesse de la fécondité et de l’irrigation de la Perse Antique