N° 11, octobre 2006

Shahriâr : dernier roi du royaume de la poésie persane classique


Amir Borjkhânzâdeh


Le 27 shahrivar, journée nationale de la poésie et de la littérature persane, coïncide avec le jour anniversaire du décès de Chahriyâr.

Le 27 shahrivar 1367(1988), Mohammad Hossein Behjat Tabrizi, connu sous le pseudonyme de Chahriyâr et considéré comme étant la dernière grande figure de la poésie persane classique, s’éteignait à l’âge de 83 ans.

Chahriyâr naquit en 1906 à Tabriz. Après avoir terminé ses études secondaires au lycée Darolfonoun de Téhéran, il commence des études de médecine à l’Université de Téhéran. Cependant, ayant subi un grand échec amoureux, il abandonne ses études pour se consacrer à l’écriture.

Les sentiments qu’il éprouve, le chagrin, le désespoir et l’amour le poussent à chercher un exutoire dans l’écriture. C’est ainsi qu’il découvre son talent, qui, conjoint à sa grande connaissance des techniques poétiques, le font couronner grand poète dès la publication de ses premières œuvres.

Tout au long de sa vie, Chahriyâr explore les différents genres poétiques. Il compose des quatrains, des odes, des couplets et des élégies classiques. Mais son domaine de prédilection reste la poésie lyrique (Ghazal) ; les critiques le considèrent d’ailleurs comme le plus grand poète lyrique persan du XXème siècle.

Ses différents poèmes paraissent dans des revues littéraires jusqu’à la publication d’un magnifique recueil en langue persane.

Mais Chahriyâr n’est pas seulement un persanophone. Originaire du nord ouest de l’Iran, région turcophone, il compose son premier poème à l’âge de sept ans en langue azérie, et ce n’est que deux ans plus tard qu’il commence à découvrir la poésie persane.

Parmi ses œuvres en persan, on peut citer "Hazyane Del" (Le délire du cœur), "Moomiayi" (La Momie), "Afsaneye Shab" (La Fable de la Nuit), "Takhte-Jamshid" (Persépolis).

Son plus célèbre recueil demeure "Heydar Baba" composé en azéri et traduit de nos jours en plus de 80 langues. Heydar Baba est le nom d’une montagne où le poète a passé une partie de son enfance.

La simplicité, l’élégance et la souplesse de sa plume font le succès de son œuvre. Sa poésie, prenant parfois le rythme d’une simple conversation, est très émouvante. Cela explique notamment pourquoi le public trouve ses mots familiers, compréhensibles et touchants.

C’est par admiration pour Hâfez, dont il connait les poèmes sur le bout des doigts, qu’il préfère le pseudonyme de " Chahriyâr " à celui de " Behjat ". Comme il l’affirmait lui-même : "Toute mon enfance a baigné dans la poésie du Coran et de Hâfez."

Chahriyâr

Chahriyâr est le contemporain de Nima Yushij, chef de file de la Nouvelle Poésie persane. Cependant, malgré tout le respect qu’il a pour ce grand poète, il ne s’inspire guère de la Nouvelle Poésie pour composer son œuvre - ce qui n’empêche pas que certains de ses poèmes portent la marque de ce nouveau genre.

La lecture poétique de Chahriyâr est assez particulière. Pour pouvoir suivre le rythme harmonieux et paradoxalement heurté de sa plume, il faut d’abord se plonger dans son monde imaginaire. Il est impossible de lire Chahriyâr de façon superficielle et le lecteur qui se contenterait d’une lecture légère ne garderait que le souvenir d’une poésie inclassable et hermétique.

Chahriyâr ne composait ses poèmes qu’au moment de l’inspiration suprême et s’enfonçait parfois si profondément dans la méditation poétique qu’il sortait avec peine des transes dans lesquelles il était plongé. C’était un illuminé, un pur amoureux et un rêveur. Il rêvait beaucoup et s’inspirait de ses songes illuminés lors de l’écriture de ses poèmes.

L’amour qu’il éprouvait pour une jeune femme le conduisit à l’exploration de toutes les voies de l’amour par la voie de l’inspiration poétique. Chahriyâr ne se destinait pas à la poésie. C’est l’amour qui le poussa à écrire et ce sentiment est présent dans tous ses poèmes. Il écrit avec son cœur et non dans une optique de bien écrire, mais seulement pour décrire l’amour.

Heydar Baba !

Quand les nuages se rebellent,
Et que le ciel gronde,
Quand tes rivières révoltées,
Se transforment en inondations,
Et que les jeunes filles se mettent en rang,
Pour regarder ta beauté
Je salue ta gloire et ton nom,

Heydar Baba !
Que ton cœur et ton jardin soient heureux !
Que le plaisir te soit dévolu !
Que ta vie soit longue !
De moi, dis,
Mon poète, mon Chahriyâr triste,
Est depuis trop longtemps loin de moi.

Il ne reste de mes amis que leurs souvenirs,
Tous s’éloignèrent,
Et partirent sans laisser de traces,
La lumière est morte,
Et la fontaine aussi,
Le soleil est absent,
Et le visage du monde
Triste,
Et à chaque instant,
La vie pour moi,
Est un palais en ruines.

Demande les nouvelles de la mort au vent,
Et celles de la violence,
Et de la souffrance,
Et sache que la vieillesse
Et la jeunesse,
Sont enterrées à Behjat Abad.


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