Vincent Bensaali

22 articles

  • Le luth fou
    (épisode no. 21)
    Où le lointain est là, à quelques encablures

    Vincent Bensaali N° 92, juillet 2013

    De retour dans l’enchevêtrement des ruelles de cette bonne ville de Baghdâd, il semble à Lalla Gaïa que les paroles du luthier l’ont en quelque sorte rassérénée, car en réalité, les mots de cet homme lui suffisent. Ses pas la ramènent alors à la porte de Sayyida Roqayya. Elle va pour demander à être reçue, lorsqu’elle voit le préposé au café se diriger, chargé d’un plateau, vers la pièce où cette Dame règle ses affaires courantes. Sans mot dire, adressant un regard entendu au serviteur qui ne s’en étonne pas, (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 20)

    Où la voûte céleste plie par la main du luthier

    Vincent Bensaali N° 49, décembre 2009

    Les jours passent. Les souks de Baghdâd offrent un spectacle continu. Lalla Gaïa, de plus en plus familière, y déambule dans ses nouveaux atours. Ainsi, elle passe plus inaperçue. Elle joue de son voile blanc léger, au gré des circonstances, le rabattant sur son visage lorsqu’elle pénètre un quartier inconnu, et dans les ruelles en général, le relevant lorsqu’elle se trouve dans une échoppe, s’adresse à une personne connue ou sirote un café non loin de chez Sayyida Roqayya. Les gens de cette partie de la (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 19)

    Où l’aube embrase l’ombre fugace, où les larmes font d’un café une promesse…

    Vincent Bensaali N° 48, novembre 2009

    L’appel à la prière de l’aube vient soulever un pan de la lourde tenture de velours vespéral enveloppant le grand cimetière et les quartiers environnants. Son phrasé mélancolique rallume le silence, sans le recouvrir. La lueur sonore s’immisce dans l’attention de ceux que le sommeil ne drogue pas. Les premiers échos partent du sanctuaire. Nul n’oserait lancer l’appel avant le muezzin du lieu saint. A sa suite, d’autres voix viennent se poser sur la nuit encore sombre, telles des flammes versées au (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 18)

    Où l’éclat de l’or peut s’avérer salutaire

    Vincent Bensaali N° 47, octobre 2009

    Deux jours de repos intégral ont finalement raison du choc ressenti. Le sourire de la vieille Zahra, le goût de l’eau si douce, la visite régulière du chat roux ayant ses habitudes dans la maison, les variations de la lumière du jour se projetant sur le mur, les ondoiements de la portière de la chambre légèrement soulevée par l’air chaud de la cour, un bol fumant de pois chiches cuisinés aux oignons et à la graisse de mouton, un excellent pain, deux visites du vieux mollah qui se montra bienveillant et (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 17)

    Où l’on découvre que les dattes du passé sont délicieuses au présent…

    Vincent Bensaali N° 45, août 2009

    A l’extérieur de la cour du sanctuaire s’étend un grand cimetière. Aucun signe de modernité. Les gens sont vêtus comme pour une reconstitution historique, ceux qui sont à l’extérieur sont comme ceux de l’intérieur. Il n’y a pas de barrière, de limite qui permettrait de circoncire un périmètre. Aussi loin que l’on puisse voir, il n’y a pas de rupture, tout semble normal, or comment cela pourrait-il être normal ? Le regard ne parvient pas à saisir un indice permettant d’inverser cette folle impression qui (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 16)

    Sur le seuil de l’antre du géant invisible

    Vincent Bensaali N° 43, juin 2009

    Hosayn revient. Il est accompagné par une vieille femme qui embrasse aussitôt les joues de Lalla Gaïa, comme si elle était sa petite fille. En dehors du « salam », aucun mot n’est échangé, les choses sont évidentes, ce n’est pas ici un lieu pour les paroles inutiles… La vieille dame part sur la droite, Lalla Gaïa la suit. Elles passent devant un portail monumental dont les faces intérieures sont recouvertes de cuivre doré, menant au secteur des hommes. Au niveau du centre du portail, la vieille dame (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 15)

    Vers la source

    Vincent Bensaali N° 42, mai 2009

    orsque le petit réveil émet sa sonnerie, Lalla Gaïa ne dort pas vraiment. Depuis longtemps déjà, elle écoute le sanctuaire… Elle avait laissé ouverte la fenêtre de sa chambre donnant par bonheur directement sur le Haram de l’Imâm Rezâ, et écouté, alors qu’il faisait encore nuit, le chant d’un homme qui du haut de l’un des minarets d’or, faisait s’écouler une mélodie s’accordant à merveille à ce moment précédant l’aube. Au ciel profondément noir répondaient le jaillissement des lumières des cours aux corniches (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 14)

    Questionnement

    Vincent Bensaali N° 41, avril 2009

    Les après-midi et les longues soirées à la maison de thé s’écoulent paisiblement. Dès lors que l’on quitte la rue commerçante et emprunte l’escalier à peine visible qui descend sous une boutique de vêtements, on change d’époque, on oublie les efforts que l’on fait, juste au-dessus, pour paraître, pour briller, pour rejoindre le troupeau mondialisé… On oublie les rues encombrées, la pollution, l’agitation autour des maisons mères des grandes banques toutes proches… Là, dans cette caverne ouverte sur le présent (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 13)

    L’arrivée à Mashhad

    Vincent Bensaali N° 37, décembre 2008

    Le terminal routier de Mashhad, au petit matin. Des myriades de taxis s’en échappent et se perdent dans la ville. Beaucoup vont au Haram. Ils y conduisent les pèlerins qui descendent dans les centaines d’hôtels, de suites, d’appartements meublés, de pensions modestes, et de chambres sommaires que leur proposent des rabatteurs arpentant les trottoirs de l’avenue Imam Rezâ débouchant sur la place de l’Eau. L’été, les pèlerins occupent les parcs, les pelouses des grandes avenues, les parkings, logeant à (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 12)

    Le jardin musicien

    Vincent Bensaali N° 34, september 2008

    Les rues de la vieille ville sont désertes. Le soir se fait sentir. L’air du désert, encore chaud, circule entre les bâtiments, caressant les dômes, pénétrant les tours de vent, buvant l’eau des écheveaux de laine teinte placés sur les toits. Il va son chemin paisiblement, sans soulever de poussière, tel un curieux, ayant ralenti son pas au sortir de l’immensité minérale, afin de mieux profiter du spectacle, se laissant distraire par ce que la main de l’homme a édifié. Né au cœur du Kavir, après une (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 11)

    Des ténèbres à la lumière

    Vincent Bensaali N° 33, août 2008

    De nouveau, cette route… Kâshân et le nord d’un bord, Yazd et le sud de l’autre, le désert tenant lieu d’océan, et la montagne de rivage… Ce sera le sud… Et c’est un petit pick-up blanc qui s’arrête. Son chauffeur, très souriant, va jusqu’à Zâhedân… Pour la prochaine étape, il n’y a que l’embarras du choix… L’homme, un baloutchi, vient de Téhéran, il redescend à vide jusqu’à la frontière pakistanaise, là, il se constituera un nouveau chargement, et reviendra le livrer au grand bazar de Téhéran… Pour le moment, il (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 10)

    De belles photographies…

    Vincent Bensaali N° 30, mai 2008

    Abyaneh, toujours. Ivresse de la solitude. Silence intérieur. Plaisir de l’instant. Présent continu… Et pourtant, l’errance va reprendre, déjà, même après une telle transfiguration… Avec une âme si apaisée, le corps semble se mouvoir tout seul, il se déplace sans effort, et l’esprit n’est pas inquiet de savoir où il est conduit… Un rien capte le regard, et déjà, le corps est en marche vers le plus infime détail : la forme d’une branche, le galbe d’un mur, un caillou lisse, une éclaboussure… Lalla Gaïa erre (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 9)

    Un palais céleste, posé sur la neige…

    Vincent Bensaali N° 29, avril 2008

    Le haut-parleur de la mosquée, située juste à côté de l’hôtel, remplit son office : il réveille les musulmans, les hypocrites, les mécréants, les chiens, les oiseaux, tout ce que Dieu a gratifié d’une ouïe… Il fait encore nuit, ce n’est pas comme dans les films hollywoodiens, dans lesquels on voit les musulmans prier sur fond de lever de soleil… C’est sûr que c’est plus joli et plus romantique que de voir des hommes transits de froid se rendre à la mosquée tandis que l’aube n’est pas encore perceptible… Ah ! (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 8)

    Le bleu de Natanz

    Vincent Bensaali N° 28, mars 2008

    Le paysage défile. A gauche, le désert, immense, quelquefois teinté de sel, capte le regard, le perd, pour le rendre à lui-même, à sa propre origine… A droite, une chaîne de montagne, imposante, comme un mur. Là, le regard est stoppé, il se brise sur elle, comme sur un miroir. A gauche, le silence, l’infini. A droite, l’écho, la limite. Au centre, un bus avalant la route asphaltée, en direction du sud-est. Il a laissé Kâchân, et file vers Yazd. Le soleil commence à donner sa franche lumière, créant des (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 7)

    Lalla Gaïa à Qom (6)

    Vincent Bensaali N° 25, décembre 2007

    Le matin, Lalla Gaïa est réveillée par les mouches. Ayant craint un nouveau face-à-face avec les chiens, elle a préféré passer la nuit dans le petit sanctuaire, dormant à même le sol, à deux mètres à peine de la sépulture, derrière le saint. Elle s’est allongée comme doit l’être le Seyyed, sur le côté droit, la main droite sous la tête, tournée vers le sud-ouest, vers la qibla. Les musulmans, vivants ou morts, se reposent de la même manière, imitant en cela le Prophète, et réalisant là aussi cette unité qui leur (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 6)

    Lalla Gaïa à Qom (5)

    Vincent Bensaali N° 24, novembre 2007

    Lalla Gaïa ignore depuis combien de temps elle jouit de l’hospitalité de Sayyed ’Alî Mabda’. Au fil des jours, elle en a appris davantage au sujet de son hôte enseveli, auquel elle ne manque pas de rendre visite, chaque matin et chaque soir. La nuit de vendredi, beaucoup de visiteurs traversent le jardin ; des hommes, des femmes, quelques enfants, des Iraniens, des Indiens, on y croise même parfois un membre du clergé. Au sous-sol, la ferveur est profonde, on alterne la récitation du Coran et la (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 5)

    Lalla Gaïa à Qom (4)

    Vincent Bensaali N° 22, septembre 2007

    Lalla Gaïa se repose un moment auprès de la sépulture des cinq enfants de la lignée de l’Imâm Sadjâd. Tandis qu’elle est assise dans l’un des deux édifices, celui qui abrite deux des quatre frères, les deux autres étant ensevelis avec leur sœur dans celui d’à côté, et médite les paroles du vieux gardien du lieu, son attention se trouve attirée par une petite porte qui, au vu de son emplacement, ne peut donner que sur un escalier menant sur le toit. D’ailleurs, l’air frais qui se fraie un chemin sous elle (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 4)

    Lalla Gaïa à Qom (3)

    Vincent Bensaali N° 21, août 2007

    Lalla Gaïa se trouve maintenant au pied de la montagne de Khezr. Le soleil en est à réduire son ardeur. Elle commence à gravir le chemin qui déroule ses boucles sur le versant nord-est. Il est vrai que toutes les ascensions impliquent une sorte de suspens, d’excitation. On attend de déboucher à l’endroit où le paysage va s’ouvrir à trois cent soixante degrés, ce qui provoque immanquablement une sorte d’ivresse, comme si l’on était soudain envahi par un flot d’énergie remontant le corps, des pieds à la (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 3)

    Lalla Gaïa à Qom (2)

    Vincent Bensaali N° 20, juillet 2007

    Lalla Gaïa marche le long du lit de la rivière de Qom. L’eau y coule depuis ce matin. C’est un événement dans cette ville du désert. Des milliers de gens sont là, comme elle, le visage éclairé, goûtant ce don si rare. Tous sont comme des enfants, beaucoup ont même ôté leurs chaussures et font quelques pas dans l’eau vive, au pied du sanctuaire de Ma’sûma, là où ne se trouvent habituellement que des autobus par dizaines, et des étalages de souvenirs. Bien qu’elle soit ici une étrangère, Lalla Gaïa ressent (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 2)

    Lalla Gaïa à Qom (1)

    Vincent Bensaali N° 19, juin 2007

    Une des premières choses que Lalla Gaïa a constaté en arrivant à Qom, fut que cette ville ne constituait pas le meilleur endroit pour dénicher un instrument de musique ! Un musicien qommî est un musicien pauvre… Et un instrument de musique y est plutôt un objet de réprobation, une source de honte… Cependant, le rigorisme n’est pas seul présent dans cette cité du savoir et les cœurs attendris par l’amour divin, ici comme ailleurs, savent reconnaître dans la musique une expression de cet amour qui les (...)


  • Le luth fou (Épisode n° 1)

    Lalla Gaïa au Caire

    Vincent Bensaali N° 18, mai 2007

    Lalla Gaïa trempe ses lèvres dans son verre de karkadeh chaud. Elle cherche ainsi à apaiser son trouble. Elle est assise à l’une des trois petites tables de bois que cette égyptienne a disposé devant son minuscule café, le long d’un mur recouvert de cette poussière qui semble avoir des siècles et qui ternit les vieux quartiers du Caire. La pollution y ajoutant la touche finale, il n’est plus possible de différencier les siècles, les pierres fatimides sont désormais les sœurs des pierres ottomanes, et les (...)


  • Le patrimoine culturel iranien et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO)

    Vincent Bensaali N° 18, mai 2007

    L’Iran est membre de l’UNESCO depuis le 6 septembre 1948. Depuis cette date, une étroite coopération entre cette institution et l’Iran n’a pratiquement jamais cessé - mise à part la fermeture pendant deux ans du bureau de Téhéran, réouvert sans interruption depuis 2003.
    Ce n’est qu’après la révolution islamique de 1979 qu’un premier site iranien a fait l’objet d’une inscription sur la liste du patrimoine mondial. A cette époque, un projet culturel international ayant pour but de protéger le patrimoine (...)