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Sohrab Sepehri fut l’un des grands poètes iraniens du XXe siècle. Né à Kashân en 1928 et mort en 1980 à Téhéran, il fit ses études primaires et secondaires à Kashân avant d’aller étudier la peinture à l’Université des Beaux-arts de Téhéran.
Son talent de peintre fut aussitôt reconnu par le monde artistique, mais Sepehri choisit de se tourner vers la poésie. Indifférent au monde qui l’entoure, il chante ses souffrances personnelles et décrit un monde fantasmé constitué par la nature. Son recueil intitulé Hasht Ketâb (Huits livres) figure parmi ses œuvres les plus célèbres.
Comme pour les poètes romantiques français tels que Lamartine ou Rousseau, le moi parlant et la nature sont au centre de l’expérience poétique. Tous ces poètes témoignent de leur amour de la nature dans leurs vers, mais leur différence est à rechercher dans les causes de cette adoration. En contemplant la nature, Sepehri ressent la présence de Dieu et sa poésie s’imprègne alors peu à peu de mysticisme.
Thème privilégié de ce poète iranien, la nature revêt quatre aspects essentiels : elle est un miroir de la sensibilité, un refuge contre les difficultés de l’existence, une invitation à méditer et une manifestation de la grandeur divine.
Voyant la nature comme une mère aimante, le poète y cherche une consolation à ses souffrances. Las de la vie industrielle, de la monotonie de la vie, de la pollution et des paysages urbains, il s’y réfugie pour apaiser son âme. Tous les éléments de la nature lui paraissent dès lors d’une ineffable beauté. Dans ses poèmes, la nuit n’est jamais symbole d’impureté, ni le vautour symbole de laideur. La nature ne peut être ni obscure, ni muette. Sa complexité et sa splendeur sont des preuves de l’existence de Dieu, et elle devient non seulement une création divine, mais aussi une divinité en elle-même.
Nombre de ses poèmes témoignent d’une quête de l’absolu, comme si le mystère suprême était une préoccupation centrale au sein de laquelle tout s’ordonne."Dieu" est l’un des mots sans cesse répétés dans l’œuvre de Sepehri. Toucher l’homme en laissant parler Dieu en son cœur : c’est cette dimension de l’écriture de Sepehri qui séduit les lecteurs. On peut dire qu’une large part de la poétique sepehrienne réside ainsi dans la quête du Divin :
"C’est à l’aube où le cavalier demanda : où puis-je trouver la maison de mon ami ?"
Le ciel fit une pause
Le passant en montant sur un peuplier lui répondit :
Avant d’arriver à l’arbre, il y a un jardin plus verdoyant que le sommeil de Dieu
L’amour y est bleu
Tu dois aller jusqu’au bout du jardin
Puis tourne vers la fleur solitaire
A deux pas de la fleur
Arrête-toi au pied du jet d’eau éternel de la terre
Et tu auras peur
Tu entendras le frissonnement
Tu verras un enfant grimper sur un sapin pour enlever un poussin de son nid de lumière
Et tu lui demanderas
Où puis-je trouver la maison de mon ami ?"
Dans un poème intitulé "Bruissement de l’eau", le poète avoue qu’il cherche Dieu au cœur de la nature :
"Dieu est près de nous
A travers ces matthioles, au pied de ce grand sapin
Sur le savoir de l’eau, sur la loi des plantes …"
Selon Sepehri, la nature est le symbole de la beauté et du pouvoir de Dieu. Dans la plupart de ses poèmes, les éléments de la nature se confondent avec les éléments religieux. En titre d’exemple dans son poème "Bruissement de l’eau", la rose, élément de la nature et symbole de la beauté, se confond avec la direction de la prière (ghebleh), un élément religieux, tandis que la plaine est identifiée avec un tapis de prière :
"Je suis musulman
Ma ghebleh est une rose
Mon tapis de prière est la plaine…"
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