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Il y a sept cents ans, un grand observatoire était construit à Marâgheh ; un observatoire sans pareil à cette époque, avec des astronomes tels que Nassireddin Tûsi, l’un des pionniers de l’astronomie de son époque. Dans cet article, nous aborderons l’astronomie en Iran après l’invention du télescope. Les Iraniens connurent le télescope pour la première fois à l’époque safavide, quand des missionnaires religieux italiens apportèrent quelques télescopes à la cour de Shâh Abbâss pour que le roi observe le ciel, mais leur démarche n’eut pas pour conséquence l’achat de télescopes par les scientifiques iraniens.
Nous n’avons aucune information sur l’attention portée par les Iraniens au télescope et à l’observation des astres entre la période safavide et l’époque qâdjâre. Amir Kabîr, chancelier du roi Nâssereddin Shâh Qâdjâr, entreprit au XIXe siècle des réformes (telles que la création de l’Ecole Dâr-ol-Fonoun et l’octroi de bourses aux étudiants pour qu’ils poursuivent leurs études dans des pays européens) qui permirent aux Iraniens de connaître les progrès scientifiques du monde moderne. Mahmoud Qomi (surnommé Mochâver-ol molk) [1] avait l’habitude d’organiser des nuits d’observation pour le roi Nâssereddin Shâh dans la tour Chams-ol Emâreh ; il demanda au roi de consacrer un budget à la création d’un observatoire royal, mais celui-ci refusa. On pourrait considérer cette proposition de M. Qomi comme une première tentative pour construire un observatoire national en Iran, projet qui mit environ 150 ans à aboutir.
Le projet de la construction d’un observatoire national, resté en suspens après l’époque de Nâssereddin Shâh et les efforts de Mahmoud Qomi, ne fut repris que vers la fin de l’époque Pahlavi, quand les astronomes présents lors d’une conférence de physique estimèrent que l’Iran avait besoin d’un télescope national. Le document écrit dont nous disposons actuellement ne fait état que de cette demande de télescope ; l’idée d’un observatoire national n’a jamais été présentée au gouvernement de l’époque. Après la Révolution islamique, au cours des années 80 et 90, des discussions eurent à nouveau lieu à ce propos. Finalement, le Conseil National des Recherches Scientifiques d’Iran considéra en 1998 que construire un observatoire national était un projet scientifique prioritaire et important pour le pays. Le projet du choix de l’emplacement de l’observatoire national de l’Iran fut ensuite adopté. Au cours du deuxième mandat de monsieur Khatami, c’est-à-dire à partir de 2001, le projet de création de l’observatoire national d’Iran fut à nouveau discuté et présenté au gouvernement pour être adopté.
Le conseil directif du projet fut constitué et commença son travail tout de suite après l’adoption du projet par le gouvernement, en mars 2004. Ce conseil fut dissous en septembre 2005, ce qui coïncidait avec le changement de gouvernement. Il s’écoula presque un an et demi avant que le nouveau gouvernement prenne une décision à propos du projet de l’observatoire national d’Iran ; il décida finalement en novembre 2006 de confier ce projet à l’Institut des Recherches en Sciences Fondamentales (IPM). Le conseil directif, qui comptait désormais quelques membres supplémentaires issus de l’IPM, reprit alors ses activités. C’est ce conseil qui prend les décisions concernant le projet de l’observatoire national, et l’Institut de Recherches en Sciences Fondamentales a un rôle exécutif.
Le travail à faire a deux volets : le volet scientifique et les travaux de construction. Le groupe de travail qui s’occupe des aspects scientifiques donne son avis à propos de l’enseignement qui sera dispensé, et détermine les futurs projets de recherche et les objectifs scientifiques à atteindre lorsque le télescope sera construit. Il étudie également les problèmes scientifiques concernant l’emplacement, l’analyse des données, etc. L’observatoire national est cependant un complexe architectural qui devra être construit, et nécessite donc beaucoup de travaux d’ingénierie. Le groupe responsable des travaux de construction s’occupera de ces aspects une fois que les paramètres scientifiques seront déterminés.
Nous avons commencé les recherches pour déterminer l’emplacement de l’observatoire en 2000. Nous avons fait des études météorologiques sur la vitesse et la direction du vent, la moyenne de la vitesse du vent au cours de l’année, la moyenne des vents modérés. Nous avons tenu compte de l’humidité relative, des modifications de la température pendant la nuit, des vitesses maximum et minimum du vent pendant la nuit, du nombre de nuits nuageuses et de nuits sans nuages au cours de l’année, etc. Parmi les trente-trois régions où ces recherches ont été poursuivies, quatre régions (situées dans les provinces de Kerman, Khorâssân du sud, Qom et Kashan) ont finalement été sélectionnées pour y faire des études sur le champ de vision. Pour ce faire, les instruments nécessaires et leurs logiciels ont été conçus et fabriqués par nos spécialistes.
Dans ces quatre régions, nous avons choisi plusieurs sites en altitude (trente trois sites à Kerman, sept dans le Khorâssân du sud, sept à Qom et neuf à Kashan). Nous avons finalement sélectionné cinq sites : Mazârkâhi dans le Khorâssân du sud, Garkosh et Kolâh-barfi dans la province de Kashan, Dinevâ à Qom et Sardar à Kerman.
Nous avons fait des évaluations simultanées, pendant neuf mois, toutes les nuits et en toutes saisons sur ces cinq sites. Les sites du Khorâssân du sud et de Kerman ont finalement été éliminés et nous avons retenu les sites Garkosh de Kashan et Dinevâ de Qom, où nous avons mesuré le champ de vision toutes les nuits dans toutes les saisons. La similarité des résultats obtenus pour ces deux sites a rendu le choix final de l’emplacement très difficile, c’est pourquoi nous avons également étudié dans ces lieux la pollution lumineuse, la clarté du ciel et la quantité de l’eau de l’atmosphère qui pourrait se transformer en précipitations. C’est ce dernier paramètre qui nous a décidés à renoncer au site de Kashan, et finalement, après plusieurs années, le site de Dinevâ, situé à Qom, fut choisi pour que l’observatoire national d’Iran y soit construit.
Parmi les pays de la région, l’Inde est le seul pays qui a déterminé l’emplacement de son observatoire. Le choix de l’emplacement des observatoires de la Turquie, de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, de l’Ouzbékistan, de l’Arabie Saoudite, des Emirat Arabes Unis, de la Lybie et de l’Egypte a été fait par les pays européens ou américains. Ces huit années d’études et de recherches écoulées avant de choisir l’emplacement définitif de l’observatoire national ont permis aux Iraniens d’acquérir des connaissances et une technologie avancées dans ce domaine.
Aujourd’hui, nous avons franchi une nouvelle étape et nous sommes en train d’analyser les données astronomiques de l’emplacement. C’est le comité scientifique qui est chargé de cette partie du travail. Actuellement, un mât de six mètres de hauteur, situé à l’endroit que nous avons choisi, nous sert à mesurer le champ de la vision. Le groupe responsable du choix de l’emplacement se servait déjà de mâts de 1 ou 2 mètres de hauteur pour recueillir des informations. Nous avons également installé des mâts météorologiques de 12 mètres. La collecte des données, très importante pour notre travail, a déjà commencé.
Nous ne pouvons pas construire un télescope moderne (un télescope avec lequel nous puissions faire des recherches scientifiques sérieuses) sans mettre les sociétés scientifiques internationales au courant de ce projet, et sans que les scientifiques d’autres pays participent à son élaboration. Des conseils scientifiques de ce type existent dans tous les pays pour surveiller le travail effectué ; c’est pourquoi nous avons essayé de mettre en place un conseil constitué d’astronomes de différents pays. Ce conseil, qui surveillera l’exécution des travaux des différentes parties de l’observatoire national d’Iran, aura un rôle important car il permettra aux astronomes iraniens d’être en contact avec les astronomes du monde entier.
Les membres de ce conseil scientifique sont originaires de Suède, d’Angleterre et des Etats-Unis. [2] Ils participeront à des ateliers organisés par le comité scientifique et les autres comités chargés du projet de l’observatoire national. Actuellement, les astronomes du monde entier connaissent notre projet, le soutiennent et nous aident dans sa réalisation. Lorsque le télescope de l’observatoire national sera construit, ce même conseil scientifique aura un droit de regard sur nos projets, ce qui permettra le développement d’une collaboration scientifique entre l’Iran et les autres pays du monde.
Il y avait plusieurs étapes importantes à franchir avant de commencer la fabrication d’un télescope pour notre observatoire. Le franchissement de ces étapes nous a pris un an et demi. Le télescope de l’observatoire national est un instrument compliqué. La forme du miroir et son diamètre, la technologie utilisée pour sa fabrication, la longueur focale et le champ de vision du télescope étaient des éléments qui devaient être définis de façon précise avant l’étape de la fabrication. Le choix de ces éléments nous a pris neuf mois. Nous avons finalement déterminé ces paramètres après deux ou trois jours de discussions dans un groupe de travail international, avec la collaboration de spécialistes venus du monde entier. En fait, nous avons d’abord précisé nos objectifs scientifiques, ce qui nous a aidés à définir les caractéristiques du télescope que nous voulions pour l’observatoire. Nous avons actuellement réussi à terminer toutes les étapes concernant les systèmes optiques du télescope ; nous savons quelles particularités doivent avoir le miroir primaire et le miroir secondaire. Nous savons également quelles compagnies peuvent fabriquer et polir ces miroirs. Au printemps 2009, nous avons commencé à passer des commandes pour l’achat des pièces optiques nécessaires.
Au début, nous avons étudié le rendement et les frais de la construction des télescopes de un, deux et cinq mètres de diamètre. Ces études nous ont permis de conclure que le télescope le plus convenable pour notre pays -qui nous permettra de faire des études scientifiques en collaboration avec les centres de recherches d’autres pays- est un télescope de 3 mètres de diamètre.
A partir de 2 mètres de diamètre, plus le diamètre du télescope est grand, plus sa fabrication est compliquée et chère. Ainsi, compte tenu de l’évolution scientifique en astronomie dans les dix années à venir et compte tenu de la part qu’occuperait notre pays dans les productions scientifiques de ce domaine, un télescope de trois mètres de diamètre nous a paru un bon choix. Pour le construire, nous avions trois possibilités : confier sa fabrication et son montage à des compagnies étrangères, confier sa fabrication et son montage à des compagnies iraniennes, ou alors avoir un droit de regard et un rôle directif sur sa fabrication (qui serait effectuée par des compagnies étrangères). Nous avons choisi la troisième solution parce qu’il est impossible de fabriquer toutes les parties du télescope en Iran ; nous n’avons pas la connaissance technique nécessaire ; mais avoir un droit de regard sur la fabrication du télescope nous permettra d’acquérir les infrastructures nécessaires à la réalisation d’autres projets scientifiques en Iran.
Le télescope sera conçu et fabriqué à l’université de Lund, en Suède. La monture en particulier (c’est-à-dire la partie mobile qui permet d’orienter le télescope) est très délicate à construire ; nous ignorons en Iran la technique de fabrication de cette partie, elle sera donc fabriquée à l’université de Lund. Par contre, plus de 80% des parties mécaniques, dont la coupole de l’observatoire, seront fabriquées en Iran et nous espérons que ce télescope sera prêt dans cinq ou six ans.
* Ce texte est basé sur quatre entretiens avec des scientifiques iraniens à propos du projet de l’observatoire national d’Iran : entretien de l’agence ISNA avec M. Sa’dollâh Nassiri Gheydâri (directeur du projet de la détermination de l’emplacement de l’observatoire national d’Iran) en novembre 2008, entretien de l’agence Mehr avec M. Mohammad-Djavâd Lâridjâni (directeur de l’Institut de Recherches en Sciences Fondamentales) en décembre 2008, entretien de M. Djalâl Khâléghi avec M. Réza Mansouri (membre du comité exécutif du projet de l’observatoire national) en février 2009, entretien du mensuel Nodjoum avec M. Réza Mansouri en mars 2009.
[1] « Mirza Mahmoud Qomi fit ses études à Dâr-ol-Fonoun. Il alla ensuite à Paris pour y faire des études en astronomie et travailla quelques temps à l’observatoire de Paris. En 1901, il composa un calendrier inspiré du calendrier européen et l’envoya à Nâssereddin Shâh. Urbain le Verrier, directeur de l’observatoire impérial de Paris, avait remarqué qu’il était « quelqu’un de doué ». extrait de NAVآYI, Abdol Hossein, Iran va jahân (L’Iran et le monde), éditions Homa, Téhéran, 1369 (1990).
[2] Les membres de ce conseil scientifique sont Arne Ardeberg, professeur d’astronomie à l’Université de Lund ; Pedro Alvarez, directeur de GRANTECAN (Le Grand Télescope des îles Canaries) ; Christopher Stubbs, professeur de physique et d’astronomie, président du département de physique de l’Université de Harvard ; Gérard Gilmore, chercheur à l’Institut d’astronomie de l’Université de Cambridge. Le conseil scientifique a également bénéficié des conseils de M. Farrokh Vakili, directeur du département d’astronomie de l’Université de Nice.