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La politique américaine au Moyen-Orient : du projet à la réalisation
M. Javad
Traduit par
Le professeur Amir Hossein Ferdousi vit depuis près de cinquante ans à l’étranger. Il est parti aux Etats-Unis lorsqu’il était jeune et y poursuivit des études de sciences politiques. Après avoir obtenu son doctorat à l’Université de l’Indiana, il commença à enseigner et à faire ses recherches au sein de cette même université, et ce jusqu’à sa retraite. Depuis l’instauration de la République islamique en Iran, c’est la deuxième fois qu’il se rend dans son pays natal pour participer à des conférences avec des professeurs et étudiants de l’Université de Téhéran. Ce qui suit est un aperçu du discours qu’il a prononcé au Centre de Recherches sur l’Amérique du Nord et l’Europe.
Le professeur Ferdousi a présenté la politique étrangère des États-Unis au Moyen-Orient et les projets politiques de ce pays dans la région comme étant une émanation de la volonté des lobbies qui jouent un rôle central au sein de la scène politique américaine. Il a expliqué que " Plus de 500 lobbies divers et variés existent aux Etats-Unis ; ils sont soutenus par de grandes compagnies économiques et exercent une influence sur le congrès et ses décisions au niveau politique. Ces lobbies doivent être considérés comme des groupes de pression qui définissent la politique étrangère américaine."
D’après lui, les intérêts économiques de ces compagnies jouent un rôle crucial dans ce domaine, et il arrive parfois que leurs intérêts passent avant les intérêts nationaux dans les considérations des politiciens américains. Un des lobbies les plus importants est le lobby sioniste qui a une influence exceptionnelle au sein des organes gouvernementaux américains. Les médias et les académies américaines fonctionnent également sous l’influence du lobby sioniste. Ce dernier est conscient de l’importance de ces réseaux médiatiques, universitaires et littéraires, et c’est pour cette raison qu’il a concentré ses investissements et ses objectifs dans ces domaines.
En outre, il a souligné que les évangélistes constituent également un groupe influent. Ce sont eux qui encouragent le gouvernement américain à soutenir Israël et ce, dans leur vision, afin de préparer la venue du Messie. Le soutien de ce groupe a une telle importance pour Israël que leur ambassade aux États-Unis a même nommé un ambassadeur spécial pour ces "missionnaires".
Le rôle économique de ces deux groupes dans la politique américaine est considérable. A ce sujet, le professeur Ferdousi a déclaré : " La plus grande partie des capitaux américains se trouve aux mains de ces groupes qui peuvent ainsi contrôler et orienter de multiples façons les activités des dirigeants des Etats-Unis. "
Au sujet du contrôle des médias, le professeur Ferdousi a ajouté : " Si vous me demandez dans quel pays le contrôle sur les médias est le plus puissant, je vous répondrai sans hésitation : aux États-Unis."
" La publication de recherches sur le sionisme y est pratiquement impossible, et si quelqu’un dit ou écrit quelque chose contre le sionisme, premièrement cela ne sera jamais publié, et deuxièmement on lui imposera très vite une étiquette d’antisémite et de raciste qui le privera de beaucoup de ses droits. "
Au sujet de l’apparition de ce groupe organisé au pouvoir, le professeur a déclaré : " A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’hostilité contre les juifs était très répandue aux Etats-Unis et en Europe. Certains dirigeants Européens et Américains considéraient l’existence du gouvernement israélien comme un danger pour le monde et une menace pour les États-Unis. Le lobby sioniste a vite compris qu’il lui fallait prendre le contrôle de ces trois centres vitaux que sont les médias, les universités et les maisons d’édition. Il réalisa des investissements importants dans ces domaines qui lui permirent d’acquérir le contrôle actuel qu’il exerce aux États-Unis sur les programmes scolaires et télévisés et au sein des importantes chaires universitaires.” Pour ensuite ajouter que : "Pendant les cinquante années que j’ai passées aux Etats-Unis, je n’ai jamais vu aucun programme télévisé sur le conflit entre Israël et la Palestine qui soit complet et impartial. Les professeurs américains des universités de sciences humaines n’osent pas faire de recherches sur le sionisme et n’ont pas la possibilité de donner leur avis sur ce sujet. Le moindre avis négatif de leur part serait à l’origine d’insultes et de problèmes insurmontables."
Ce professeur d’université a salué la réussite des divers mouvements au Moyen-Orient : " La résistance des Palestiniens et des Libanais a été une grande humiliation pour Israël, qui a échoué dans son projet de conquête totale de la Palestine. Le monde entier le sait alors que les Américains, eux, n’en savent rien. Les membres du congrès sont totalement inconscients des réalités et leurs positions portent préjudice à la situation internationale. "
Concernant la situation en Irak, le professeur Ferdousi a souligné que : " Les gens de ce pays [les États-Unis] ne savent pas grand chose sur la politique étrangère du gouvernement, à moins que cette politique n’échoue et qu’ils soient obligés d’en supporter les conséquences. " D’après lui, les Américains n’avaient aucun renseignement sur la situation en Irak, l’opinion publique s’est réveillée et nous avons vu comment cela a remis en question la politique de la Maison Blanche.
Il y a cependant des intellectuels et des politiciens qui ont une vision critique de la situation des États-Unis. Au sujet d’Howard Dean, l’un des adversaires de Bush aux élections, le professeur Ferdousi a déclaré : " Ce candidat a perdu toutes ses chances quand il a voulu distinguer les intérêts des États-Unis de ceux d’Israël. Le démocrate John Kerry pouvait gagner les élections en critiquant la politique de Bush en Irak, mais il ne l’a pas fait par peur du lobby sioniste qui, pour sa part, était en faveur de l’attaque de l’Irak. C’est ce qui l’a fait perdre. " Le professeur Ferdousi a précisé que l’Europe, malgré sa dépendance au marché américain, a tout de même une politique relativement indépendante. Selon lui, "Cette différence vient d’un degré d’information plus élevé des Européens, qui n’existe pas chez les Américains."