N° 13, décembre 2006

Bisotoun, joyau de l’art achéménide


Arefeh Hedjazi


Le "Tâghe Bostan" de Kermânchâh est, après Persépolis et Pasargades de Fârs, la place Naghshe Jahân d’Ispahan, la forteresse de Bam de Kermân, le Trône de Soleïman d’Azerbaïdjan, Gonbad-e-Soltanieh de Zanjan et la colline de Tchoghâ-Zanbil de Khuzestân, le huitième monument antique de l’Iran inscrit au registre de l’Unesco.

Bisotoon, également trancrit par "Bisetoon" ou "Behisotoon", est le nom d’un roc surplombant l’un des axes routiers les plus fréquentés de l’époque achéménide ; une route qui voyait passer les caravanes et les convois militaires de Babel et Bagdad vers les montagnes de Zagros et Hamedan. Ce roc est situé à 32 kilomètres à l’est de la ville de Kermânchâh, près d’un village appelé également Bisotoon. Le nom parsi de cette montagne est " Bâghestân " ou "Bâgestân " qui signifie " Place des Dieux", et son nom grec est " Bogistanon" (Oroos). Les géographes arabes du Moyen Age l’appellent également " Behestoon " ou " Behsotoon " qui veut dire " bonnes colonnes ".

Du fait de sa position géographiquement stratégique, cet endroit a depuis toujours été habité et de nombreux vestiges de villes datant de toutes les époques historiques parsèment cette région. Aujourd’hui, 28 monuments antiques situés dans le périmètre historique de cette région d’une superficie de cinq kilomètres de long sur trois kilomètres de large, ont été enregistrés dans la liste du patrimoine historique national. La plupart de ces œuvres datent de l’époque préislamique. Elles comprennent entre autres :

- La Caverne des Chasseurs, ainsi que celle de Mar Kharal et de Mar Dodar ; la colline de Nader, le mirage de Bisotoon, la route périphérique antique de Sarab, les vestiges de l’antique cimetière, la vieille Forteresse Enterrée, le Temple mède, la tablette de Darius le Grand, la statue de Hercule, le bas-relief de Mithridate le Second, le Temple parthe, les vestiges de monuments sassanides, et le pont Bisotoon.

Le plus célèbre et important monument de cette région est l’ensemble comprenant le bas-relief et la tablette de Darius le Grand qui date des premières années de son règne. Décrivant ces années selon la version de Darius lui-même, cette tablette a permis aux archéologues de mieux connaître l’écriture cunéiforme de la Perse de cette époque. Elle nous donne également des informations intéressantes sur l’habillement, la physionomie, l’armement, les coutumes et la religion des Persans achéménides qui vivaient il y a vingt cinq siècles.

La tablette de Bisotoon - l’une des plus anciennes gravures de la Perse - fut taillée à même le roc sur ordre de Darius, elle demeure la plus complète des gravures de l’ère achéménide. Celle-ci ainsi que le bas-relief de Bisotoon ont été gravés sur un roc à pic, sur le versant sud de la montagne Parv, à plusieurs dizaines de mètres au dessus du sol. A première vue, on est en droit de penser qu’il y a vingt-cinq siècles, l’accès à cet endroit devait être particulièrement difficile et que personne ne l’aurait choisi pour y ériger cette œuvre. Pourtant, certaines particularités du terrain tendent à prouver qu’un passage avait été aménagé sur le flanc de la montagne pour en faciliter l’accès aux artisans. Des vestiges mal conservés de marches et des rocs taillés en escalier démontrent l’existence d’un chemin, difficile d’accès, allant du bas jusqu’en haut de la montagne ; chemin que les artisans détruisirent eux-mêmes par la suite pour préserver l’inaccessibilité de l’endroit.

Le fait que Darius ait choisi ce roc élevé pour y graver sa tablette - illisible lorsqu’on la regarde du sol à l’œil nu - semble indiquer que ce n’est pas pour ses contemporains que ce grand roi l’a fait tailler, mais bien pour la postérité. Les œuvres taillées de Bisotoon sont des chefs-d’œuvre de gravure, tant au niveau de l’architecture générale que de la finesse de leur réalisation. Cependant, nous ne savons rien du matériel utilisé il y a 2500 ans par les artisans du roi Darius, et qui leur permit de créer ces ouvrages inusables et raffinés. Chaque fois que le morceau de roc sur lequel on travaillait cassait, on "prélevait" un autre morceau parfaitement identique d’une autre partie de la montagne pour le recoller avec délicatesse et précision à la place du morceau cassé. On peut voir des exemples de ces collages au niveau de l’arc de Darius et de son compagnon, ainsi que dans le couvre-chef et la main du roi tenant la Boule Ailée (emblème de la Perse et symbole du Soleil et d’Ahura Mazda). La partie la plus impressionnante du bas-relief, d’une largeur de huit mètres et d’une hauteur d’un mètre, est celle qui met en scène le roi Darius avec, à ses pieds, le corps du mage Guéoumat. Deux des serviteurs de Darius se tiennent derrière lui, armé de lances et d’arcs. On peut également voir neuf rebelles prisonniers, mains et cous enchaînés, alignés devant le roi. Un emblème représentant une Sphère Ailée les surmonte tous.

Les gravures de la tablette de Bisotoon ou la tablette de Darius sont en trois langues : le nouvel élamite, le persan antique et l’akkadique (le nouveau babélien). L’inscription remplit 1119 lignes. Une traduction en pahlavi de ce texte a également été gravée sur les deux côtés de la tablette, et comprend les articles 1 à 69 du texte persan. Outre cette tablette principale, d’autres petites tablettes constellent le bas-relief. Elles comprennent le nom des grands rebelles et des extraits de la tablette principale.

Des copies de cette grande tablette ont été retrouvées en Egypte et en Mésopotamie. La copie retrouvée en Mésopotamie, qui contient également des passages du texte original, est une tablette de pierre, tandis que la copie trouvée en Egypte sur l’île Fanetin est retranscrite sur un papyrus. On estime également que de nombreuses copies de ce texte auraient été envoyées à toutes les régions sous domination perse, tant du vivant de Darius le Grand que par ses successeurs. Enfin, il faut ajouter que l’Arche de Bostan - qui désignent l’ensemble de ces monuments historiques - est bâtie, comme son nom l’indique, à Bostan ; lieu qui n’est pas seulement le territoire sacré des Dieux antiques, mais aussi une région très belle tant au niveau de sa faune, que de sa flore. Un endroit à voir absolument !


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