N° 13, décembre 2006

L’intégration linguistico-culturelle des Canadiens français


Traduit par

Maryam Assemâni Shâhgoli


L’exemple des Canadiens francophones nous fournit une illustration intéressante du thème de l’intégration culturelle par l’intermédiaire de la langue. La province du Québec, leur foyer principal, compte plus de 6 millions d’habitants. Ces derniers sont les descendants des colons français ayant débarqué au Canada au XVIIème et XVIIIème siècles. De 1760 à 1867, ils vécurent sous la domination de la couronne anglaise et depuis 1867, le Québec fait partie intégrante du Canada. Tout au long de la période durant laquelle ils dépendaient d’Angleterre, les Canadiens français réussirent à conserver leur langue et à préserver leur culture, résistant ainsi à l’assimilation. En 1980, près de la moitié des Québécois francophones votèrent en faveur de la souveraineté de leur province.

La langue française survécut en grande partie grâce au facteur religieux. Sa survie constitue un exemple éloquent de la place prépondérante de la langue et de la foi au sein et dans la préservation d’une culture. Ainsi, la majorité des Canadiens anglophones sont de conviction protestante alors que les Canadiens francophones se rattachent originellement à l’Eglise catholique romaine ; la foi reste donc à l’origine de la cohésion sociale et constitue un puissant vecteur unifiant. Cela permit notamment à la langue et à la culture françaises d’être préservées dans les nombreuses églises catholiques des milieux ruraux ainsi qu’au sein des écoles dépendant de l’Eglise du Québec.

Le drapeau québécois

Avec le temps, la solidarité linguistique et religieuse des Canadiens français trouva une expression politique enracinée dans leur attachement à la province du Québec. Au fil de nombreuses décennies, le gouvernement de la province du Québec fut dominé par des administrateurs anglophones ; néanmoins, un réveil de la conscience politique permit aux Québécois de prendre en main le contrôle politique de leur province. Ceci eut pour conséquence le détachement politique de cette province du reste du Canada. Dans un certain sens, il fit alors figure d’un " Etat dans l’Etat ". La loi québécoise garde largement l’empreinte de l’influence française tandis que les lois appliquées dans le reste du Canada sont principalement inspirées des principes juridiques anglais. Le drapeau Québécois adopté en 1948 arbore toujours " la fleur de lys ", l’ancien symbole des rois de France. Le français est la langue officielle du Québec et demeure la plus utilisée : dans les journaux, à l’école, à l’église, à la radio, à la télévision, dans les comptes-rendus juridiques et les réunions législatives. A l’heure actuelle, des efforts discrets visant à abolir tout usage de l’anglais au Québec. sont à remarquer En outre, l’expansion économique dont a bénéficié le Québec français au cours de ces dernières années a entraîné des revendications grandissantes en faveur de son indépendance politique.

cette expansion économique s’est historiquement manifestée sous la forme de la division significative des deux composantes de la société : les Anglais et les Français. Les Canadiens anglais parvinrent à accéder à des positions économiques supérieures en occupant les postes de direction et en assumant d’importantes responsabilités administratives. La richesse et le pouvoir au Québec étaient donc essentiellement concentrée entre les mains des Canadiens anglais. Ceux-ci allèrent jusqu’à se réserver la pratique de la chasse (qui était, depuis 1600, un monopole réservé aux Français) en vue de revendre les précieuses fourrures d’animaux à des prix élevés. De plus, les Canadiens français ne s’intégrèrent que tardivement dans les activités industrielles urbaines, et nombre d’entre eux ne quittèrent les régions rurales qu’au milieu du XXème siècle. Aujourd’hui, le rôle économique subalterne traditionnellement attribué aux Canadiens français - qui furent longtemps traités comme les citoyens de second ordre - appartient désormais au passé ; et les longues années de domination anglaise ont peu à peu fait place à une égalité économique plus à même de juguler les aspirations québécoises à l’indépendance.

C’est ainsi que la religion, la politique et l’économie se sont étroitement mêlées pour progressivement façonner le destin du Québec. On pourra d’ailleurs observer une interdépendance relevant du même ordre chez de nombreux peuples côtoyant des milieux culturels très divers mais étant amenés, lorsqu’ils se trouvent dans une situation d’injustice ou d’inégalité, à utiliser toutes les ressources de leur culture pour continuer à exister.

(Adapted from : Jordan & Rowntree, "The French Canadians" The Human Mosaic, Harper and Row, 1986, p. 157.)


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